Une étude récente menée par Ipsos pour le Boston Consulting group auprès de 2.000 salariés (50% de femmes, 50% d’hommes) met en lumière que l’expérience du télétravail sera vécue différemment si on est une femme. Elle révèle notamment que les femmes sont 1,3 fois moins nombreuses que les hommes à disposer d’un espace isolé pour télétravailler, ce qui rejoint les chiffres d’une autre enquête parue juste après le premier confinement. Avec 1,5 fois plus de risques que les hommes d’être dérangées dans leur travail, la charge mentale des femmes est énorme et a un impact sur leur sensation de saturation. Elles sont en effet 34% à redouter le craquage, voire le syndrome d’épuisement professionnel (burn-out), alors que les hommes ne sont que 13% à éprouver ce même risque.
Quelles répercussions sur la perception de l’avenir ?
Alors que les raisons invoquées par l’étude pour souligner les difficultés des femmes sont liées à la gestion du quotidien (c’est encore sur elles que repose la grande majorité des responsabilités domestiques), c’est paradoxalement l’avenir qui les préoccupe plus que le présent. Elles sont 1,3 fois plus que les hommes à se sentir anxieuses, ce qui contribue à creuser un écart de 26 points sur leur mauvaise qualité de sommeil comparativement à celle des hommes. Et, alors que ces derniers sont 75% à avoir foi en leur avenir professionnel, elles ne sont que 60% à afficher la même assurance. En cause, leurs difficultés à entretenir leur réseau professionnel à cause de la crise ainsi que leur participation moins active en matière de prise de parole durant les réunions de travail. Sur ce dernier point, les femmes accusent en effet une différence de 29 points par rapport à leurs collègues masculins, ce qui mine leur confiance en elles et augmente leur sensation d’isolement.
L’épineuse question de la charge des enfants
Parmi les bonnes nouvelles, l’étude pointe du doigt que la charge des enfants serait mieux répartie entre hommes et femmes depuis le premier confinement. Cependant, c’est peut-être faire trop facilement abstraction du fait qu’être parent a de toute façon plus de conséquences sur la situation professionnelle des femmes que sur celle des hommes. Avant la crise du Covid, les femmes étaient tout de même 16% à déclarer avoir réduit leur temps de travail pour raisons familiales, contre 3% des hommes. De même, lorsqu’elles avaient au moins un enfant en bas âge, elles étaient 55% à déclarer que leur parentalité avait un impact sur leur vie professionnelle quand les hommes, eux, n’étaient que 27% à tenir les mêmes propos. Nul doute que la crise n’a pas gommé ces différences d’un coup de balai. Après un demi-siècle de réduction des inégalités entre les sexes, le Covid et le passage au télétravail sont de toute façon nettement plus défavorables aux femmes, ce que confirme Jessica Apotheker, qui a dirigé l’étude Ipsos/Boston Consulting group. La question qui se pose, c’est ainsi de savoir si les femmes, habituées à faire front tout le temps, n’ont pas parfois plus de mal que les hommes à évaluer leur charge mentale réelle.
Des stratégies à mettre en place pour diminuer la fracture hommes/femmes liée au télétravail
Pour éviter un retour en arrière dans la lutte contre les inégalités hommes/femmes, Jessica Apotheker préconise une prise de conscience par les entreprises de la pénibilité qu’endurent les femmes depuis le début de la crise. Pour elle, des modes de travail hybrides doivent leur être proposés, avec une minoration du volume-horaire passé en télétravail. Dans l’idéal, il faudrait cependant que cette solution soit décorrélée d’une politique accrue d’articulation des temps de vie afin que le télétravail ne sape pas la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée des femmes ayant un emploi et que les entreprises à la traîne en matière de télétravail puissent rattraper leur retard.