Rencontre avec Alexandra Palt, Directrice générale de la RSE du Groupe L’Oréal, Directrice générale de la Fondation L’Oréal.
Bonjour Alexandra, pouvez-vous retracer pour nous les grandes étapes du parcours qui vous a menée à la tête de la RSE du Groupe L’Oréal et de la Fondation L’Oréal ?
Alexandra Palt : Je suis juriste de formation et me suis très tôt engagée dans l’associatif et l’humanitaire dans mon pays d’origine, l’Autriche. J’ai ensuite rejoint l’Allemagne, dans le cadre du programme « Preparing Women to Lead », où j’ai eu pour mentor la Secrétaire Générale d’Amnesty International dans ce pays. Je suis ensuite venue en France pour prendre en charge le département « diversité » d’IMS-Entreprendre pour la Cité.
En 2006, la HALDE (ndlr : Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour L’Egalité – dissoute en 2011 et dont les missions ont été transférées au Défenseur des Droits) m’a appelée aux fonctions de directrice de la promotion de l’égalité des chances. Après cette expérience, j’ai fait du conseil sur les questions de diversité et de RSE pendant un peu plus de 4 ans ; puis j’ai souhaité rejoindre à nouveau une grande organisation où je pourrais mettre en œuvre sur le terrain mon expertise et ma vision de la responsabilité des entreprises.
J’ai échangé avec Jean-Claude Le Grand sur les perspectives qui pouvaient s’ouvrir à moi et finalement, c’est directement chez L’Oréal que j’ai trouvé ma place, aux fonctions de Directrice de la responsabilité sociétale et environnementale du Groupe. Une formidable opportunité car notre P-DG Jean-Paul Agon annonçait quasiment au même moment que les deux axes stratégiques de la transformation du groupe seraient la transformation digitale et la transformation durable. En octobre 2017, on m’a en plus confié la direction de la Fondation L’Oréal.
Comment s’articulent la vision stratégique de la direction RSE et celle la Fondation L’Oréal ?
Alexandra Palt : La RSE vise à notre transformation interne : il s’agit de changer nos pratiques pour atteindre un modèle plus responsable et durable. La Fondation, elle, vise notre contribution aux transformations de la société.
Les deux se répondent : faire évoluer notre propre fonctionnement nous permet d’être plus en phase avec les grands enjeux de la société ; agir directement avec la société nous permet de donner plus de sens à notre transformation, au quotidien.
Le programme « Pour les Femmes et la science » a 20 ans, cette année. Comment expliquer une telle longévité ?
Alexandra Palt : La longévité du programme s’explique d’abord, et c’est regrettable, par la permanence du sujet : la cause de l’égalité femmes/hommes dans les sciences est toujours d’actualité. Le nombre de chercheuses a augmenté au cours des deux dernières décennies, pour passer de 26 % à 30 % mais au plus haut des institutions scientifiques, on stagne à 11 % de femmes. Il n’y a pas eu de Prix Nobel scientifique décerné à une femme ces deux dernières années et globalement, dans toute l’histoire du Prix Nobel, on ne compte que 3 % de femmes scientifiques couronnées.
Cette problématique de la rareté des femmes dans les sciences nous expose aujourd’hui à des risques majeurs : on sait déjà quels ont été les effets du manque de mixité dans la recherche médicale sur la santé des femmes, et notamment la prise en charge des maladies cardiovasculaires ; aujourd’hui, on doit se préoccuper des effets du défaut de mixité dans les sciences et technologies sur l’intelligence artificielle. Il a été mis en évidence que les algorithmes reproduisent des stéréotypes de genre et des stéréotypes racistes. Au vu de la place que devrait prendre l’intelligence artificielle dans nos vies à court-moyen terme, la diversité des équipes qui en développent les applications apparait comme un enjeu de premier plan.
Le Programme « Pour les femmes et la science » a distingué 3 femmes qui ont par ailleurs eu le Prix Nobel. Ce doit être un sacré motif de fierté…
Alexandra Palt : Cela montre en effet la très grande valeur de ce prix, qui est attribué par un jury d’éminents scientifiques et récompense l’excellence scientifiques des candidates.
Ce programme repose aussi sur le principe du « rôle modèle » : nous montrons à toutes les femmes qui souhaitent poursuivre une carrière scientifique qu’il est possible d’atteindre le plus haut niveau de reconnaissance et que nous sommes réellement engagés pour les y amener.
Le Programme « Pour les femmes et la science », ce doit être aussi une foule de belles histoires d’empowerment de femmes…
Alexandra Palt : De nombreuses lauréates du Programme « Pour les femmes et la science » témoignent du fait que cette récompense a effectivement changé le cours de leur carrière et de leur vie. Ce prix donne aux lauréates l’occasion de gagner en visibilité dans les médias grand public comme dans le monde de la recherche. C’est une source d’opportunités pour publier plus facilement dans des revues scientifiques, prendre part à davantage de grandes conférences et de colloques… Cette mise en visibilité permet aux femmes scientifiques de développer leur propre leadership.
Cela permet aussi à la société de mieux connaître les apports de la recherche, à travers l’effort de communication et de vulgarisation.
Le Programme « Pour les femmes et la science » se décline à travers des Bourses pour les jeunes chercheuses et le Programme « Pour les filles et la science » destiné à stimuler les vocations scientifiques des adolescentes… D’autres déclinaisons sont-elles prévues ?
Alexandra Palt : « Pour les femmes et la science » est en effet un programme complet qui s’attaque de façon systémique aux causes de la sous-représentation des femmes dans les métiers scientifiques et technologiques. Nous agissons à chaque étape où l’on « perd » des femmes dans le monde scientifique. Notre action commence par la stimulation des vocations scientifiques, avec « Pour les filles et la science », qui a déjà sensibilisé plus de 45 000 élèves depuis 2015. Elle se poursuit avec le programme de bourses qui permettent à des jeunes femmes engagées dans la recherche de poursuivre la carrière scientifique au moment charnière où elles ont besoin de financement pour leurs travaux. D’autres initiatives vont être annoncées lors de la 20e Cérémonie du Prix L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science… Rendez-vous le 22 mars, pour en savoir plus ! La cérémonie sera accessible en live sur la page Facebook du Groupe L’Oréal.