Pour faire suite au Rapport EVE & DONZEL paru en septembre 2015, le blog EVE vous propose désormais chaque mois d’analyser un chiffre de l’(in)égalité et/ou du leadership (insuffisamment) partagé.
Après avoir ausculté dans le détail les chiffres de la répartition des tâches domestiques et ceux de l’insuffisante visibilité des femmes dans les médias, nous vous proposons aujourd’hui une lecture commentée d’un indicateur de la mobilité professionnelle des femmes : la proportion de celles qui bénéficient d’une expérience d’expatriation.
Le chiffre
20% des personnes bénéficiant d’une expérience d’expatriation professionnelle sont des femmes. (source : PwC, 2015)
Les évolutions
20%, c’est peu… Mais c’est déjà deux fois plus qu’il y a 10 ans, quand les femmes qui bénéficiaient d’une mobilité internationale pour elle-même (et non parce qu’elles suivaient un.e conjoint.e) comptaient pour moins de 10% de la population d’expatrié.es de par le monde.
Et ce chiffre devrait aller en progressant : le cabinet PwC qui a produit une étude complète sur l’avenir professionnel des femmes plane sur un taux de 27% en 2020.
Les enjeux
Faire croître la proportion de femmes expatriées est bien un enjeu majeur pour la promotion du leadership au féminin. A l’ère de l’internationalisation de toutes les économies, il est une évidence qu’une expérience significative à l’étranger constitue un véritable tremplin de carrière.
Une étude de l’Economist Intelligence Unit le vérifiait en 2012, révélant que 80% des personnes ayant bénéficié d’une expatriation connaissait une progression professionnelle immédiate à leur retour dans le pays d’origine, pour 67% assortie d’une augmentation de rémunération.
Mais pourquoi les femmes ont-elles été si longtemps tenues à l’écart de l’expatriation et sont encore minoritaires parmi les hauts potentiels que les grandes firmes envoient parfaire leur formation au leadership à l’étranger? Avec le franc-parler qu’on lui sait, Jean-Claude Le Grand, directeur du développement international RH et directeur corporate diversité de L’Oréal, résumait le problème en une phrase sans ambages : « Avant, l’expatriation était un sujet simple pour un DRH : on proposait un poste à l’étranger à un homme, on parlait surtout de conditions salariales et il rentrait chez lui en annonçant joyeusement : “Chérie, fais les valises, on part pour Jakarta”. Quand vous faites la même proposition à une femme, ça devient “Attendez, il y a de la place au lycée français pour les enfants? Et mon conjoint, il a son travail ici, je dois lui demander de tout plaquer?”. »
En pratique (s)
Alors, que faire, pour favoriser l’expatriation au féminin? L’Oréal, puisqu’on en parle, a bâti, avec d’autres mutlinationales un programme spécifiquement dédié à la mobilité des « couples à double carrière » : International Dual Career Network offre aux conjoint.es de salarié.es expatrié.es des opportunités de networking local et une bourse à l’emploi hautement qualifié afin d’une part de faire sauter le frein « et mon mari, alors? » chez les femmes qui hésitent à accepter une mobilité et d’autre part de permettre à celles qui ont suivi leur partenaire de vie de ne plus « subir » un départ à l’étranger mais de le mettre à profit pour développer elles aussi leur carrière.
D’autres pratiques intéressantes sont à creuser, comme « la mobilité de proximité » dont nous parlait il y a quelques mois Emmanuelle Jardat, directrice de la RSE d’Orange Business Service, pour qui il a été possible d’organiser son temps professionnel et son temps familial entre deux villes, avec des temps de déplacement modéré. Moïra Taillefer, directrice de la formation division produits grands publics chez L’Oréal Moïra Taillefer, témoignait elle aussi, sur notre blog, d’une expérience à m-chemin entre expatriation et télétravail, entre Paris et Lausanne.
Reste enfin à explorer toutes les solutions que la transformation digitale peut amener pour ne plus faire du déménagement de tout un foyer la voie unique d’une expérience professionnelle multi-culturelle. le « village global » que devinait Marshall McLuhan dès les années 1960, est bien devenu notre réalité. Imaginons-en ensemble les usages qui favoriseront le frottement des cultures et l’expérimentation d’autres manières de voir et de faire sans avoir forcément besoin de parcourir physiquement des milliers de kilomètres.
Marie Donzel, pour le blog EVE.