L’ambition : une aventure heureuse!

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Entretien avec Frédérique Cintrat, auteure de Comment l’ambition vient aux filles ?

 

 

Nous avons découvert Frédérique Cintrat lors de la dernière Garden Party EVE.

Cette directrice commerciale et marketing de Filassistance, filiale service de CNP (Groupe Caisse des Dépots), était venue témoigner devant les EVEsien-nes des audaces qui lui ont permis de se surprendre et se dépasser : « J’ai osé, nous a-t-elle raconté, quand j’avais 17 ans, participer à une émission de télévision avec Françoise Giroud et Elisabeth Badinter sur le thème « Comment l’ambition vient aux filles? ». Et aujourd’hui, 30 ans plus tard, j’ai osé reprendre cette réflexion avec d’autres femmes de toutes générations pour en faire un livre« .

Le livre de Frédérique Cintrat, Comment l’ambition vient aux filles?, est en librairie depuis quelques jours.

A l’heure où cette femme aux centres d’intérêt multiples et à l’énergie communicative « ose » encore se lancer un nouveau défi, celui de l’entrepreneuriat, le blog EVE a choisi d’aller à sa rencontre, pour en savoir plus sur son parcours, sa personnalité, sa vision de la vie… Et de l’ambition.

Interview.

 

 

Eve le blog : Bonjour Frédérique. Vous avez, de l’avis de tous ceux qui vous connaissent, un parcours extrêmement riche. Accepteriez-vous de nous le raconter?

Frédérique, enfant.

Frédérique Cintrat : Je commence par le début, alors… Je suis une fille de ferme. Au sens littéral : je suis née dans un petit village à la campagne, mes parents étaient agriculteurs. J’ai grandi au grand air, très proche de la terre et des animaux.

J’ai eu une enfance simple, dont je garde des souvenirs très positifs, très joyeux. Le souvenir d’avoir bâti des cabanes dans les arbres ou joué à arroser avec les pis des vaches les « petits parisiens » qui venaient chercher du lait à la ferme (rire).

Mes souvenirs heureux, c’est aussi l’école. Où j’ai demandé à entrer deux ans avant d’en avoir l’âge : pour moi, c’était l’endroit où les enfants s’amusaient, je voulais en être ; pour mes parents, travailleurs, c’était plutôt une bonne nouvelle que je réclame d’aller à l’école et que je m’y plaise!

 

 

Eve le blog : Avez-vous continué à vous plaire à l’école durant toute votre scolarité?

Frédérique Cintrat : Oui, vraiment. Pour moi, apprendre, exercer ma curiosité, m’exprimer, ça a toujours signifié étendre mon espace de liberté.

Et puis, sans appeler encore cela de l’ambition, j’exprimais déjà dans mes plus jeunes années, l’envie de faire de grandes choses, d’aller loin. Je disais que je voulais une vie extraordinaire et je pressentais que plus j’apprendrais, plus ce rêve se rapprocherait.

 

 

Eve le blog : Pour vous, c’était quoi, « faire de grandes choses« , « avoir une vie extraordinaire« ?

Frédérique Cintrat : Petite, j’adorais les wonderwomen (rire) ! Mes héroïnes, c’était Fantômette et les Drôles de Dames. Je me rêvais en aventurière, ou bien en reporter de télévision ou en célèbre avocate ! Je m’identifiais à des femmes, réelles ou imaginaires, qui avaient des tas d’atouts dans leur manche et qui, quand il leur manquait une compétence dans une situation périlleuse, étaient suffisamment rapides et ingénieuses pour trouver la solution qui les tirerait d’affaires ! Mes héroïnes n’avaient pas peur et rien ne leur semblait insurmontable.

J’avais d’ailleurs le sentiment personnel que, quand on me disait que quelque chose était impossible, ce n’était pas tant parce que ça l’était vraiment, que parce qu’on prétendait me l’interdire. Je n’ai jamais tellement aimé les interdictions ni les obligations, ni les restrictions.

Le choix d’une orientation au lycée (où je suis entrée à 13 ans) a donc été un moment un peu frustrant : j’avais envie d’aller en A et de commencer le russe, mais en même temps, j’étais douée en maths et on me recommandait la filière C. C’est celle que j’ai faite. Mais la question s’est à nouveau posée après le bac : j’avais envie de faire médecine, mais aussi de la philo et de la psycho (entre autres), puis du commerce international… Finalement, j’ai atterri en prépa HEC. C’est cette année-là que j’ai vu passer un appel à témoin pour une émission de télé sur l’ambition des jeunes filles…

 

 

Eve le blog : Alors, racontez-nous donc cette histoire incroyable… Comment vous êtes-vous retrouvée, à 17 ans, aux côtés de Françoise Giroud et d’Elisabeth Badinter sur le plateau d’Antenne 2?

Frédérique Cintrat : Un après-midi, alors que je révisais avec la télé allumée en fond, j’ai entendu qu’on cherchait des jeunes filles pour témoigner sur le thème « Comment l’ambition vient aux filles ?« .

J’en avais des choses à dire sur le sujet, moi, la fille unique de mes parents qui portait un prénom mixte et que l’on avait éduquée comme un enfant avant tout, sans se demander si c’est une fille ou un garçon ; moi qui nourrissait depuis toujours le rêve d’aller loin et qui jusqu’ici, s’était donnée les moyens de faire ce qu’elle voulait.

Alors j’ai écrit à l’émission, une longue lettre très appliquée… Mais en secret, bien sûr : déjà que mes parents avaient été très embarrassés l’année précédente quand j’avais fait la Une du journal local pour mon bac obtenu à 16 ans !

Quelques semaines plus tard, voilà que je reçois à la maison un « télégramme téléphoné » : « Mademoiselle Cintrat, vous avez été sélectionnée pour représenter la nouvelle génération dans l’émission Aujourd’hui la vie!« .

Il faut ensuite que j’annonce la nouvelle : Papa, Maman, j’ai écrit à Antenne 2 et je vais bientôt passer à la télé avec Françoise Giroud et Elisabeth Badinter ! Françoise Giroud, c’était une vraie figure à l’époque : journaliste, première Ministre de la Condition de la Femme… Quant à vous dire ce que le seul nom de Badinter représentait en 1983…

 

 

Eve le blog : Comment se passe l’émission?

Frédérique Cintrat : Très bien! J’interviens à la fin pour dire que l’ambition des filles, c’est une évidence, parce qu’il n’y a tout simplement pas de raison pour qu’elles en aient moins que les garçons : si elles sont douées, travailleuses et volontaires, c’est bien normal qu’elles veuillent faire des choses et être reconnues pour ce qu’elles font!

On me pose une question qui me parait très éloignée de moi, à l’époque : « Oui, mais quand vous aurez des enfants?« .

En regardant les images trente ans après, je trouve ça assez amusant, et surtout très intéressant : tout est un peu démodé en apparence, les lunettes de la présentatrice, les vêtements et les coiffures des invitées, le décor du plateau ; mais les questions qui sont posées sont quasiment les mêmes qu’aujourd’hui, « Est-ce que les femmes peuvent tout avoir?« , « Comment concilier la vie de famille et la vie professionnelle?« , « Est-ce que l’ambition des femmes, c’est autre chose que celle des hommes?« …

… Et même la question des préjugés sur l’ambition au féminin : Françoise Giroud se tourne vers moi et dit « Regardez cette jeune fille, les garçons ont de quoi être déstabilisés, ils vont trouver sur leur chemin des jeunes filles incarnant l’ambition en étant mignonne comme tout« . Parce qu’en effet, je suis une jeune fille de mon temps, joyeuse, pleine de vie, très normale au fond ; à mille lieux des caricatures de l’ambitieuse qu’on voudrait imaginer en femme autoritaire, sèche, cassante

 

 

Eve le blog : Et au moment de la diffusion de l’émission…?

Frédérique Cintrat : Quand je me vois à l’écran, je me trouve nulle, moche, agaçante… Mais je reçois une foule de messages de félicitations de toutes parts. Et pour être franche, ça me plait. Je découvre que ça m’amuse beaucoup d’être exposée. C’est quelque chose que je vais ensuite vraiment assumer, dans la vie professionnelle comme dans toutes mes autres vies (je ne sais pas si je vous ai dit que je fais de la scène dans une troupe de music hall et qu’il m’arrive de faire de la figuration au cinéma).

Etre exposée, c’est parfois difficile, mais je trouve que, si on prend ça comme un jeu, c’est un vrai plaisir qu’il ne faut pas bouder. Ca permet aussi de grandir, en prenant conscience de l’effet qu’on fait aux autres, cela permet également de transmettre. Quand vous avez les projecteurs braqués sur vous, vous n’êtes pas, comme on pourrait le croire, dans une posture seulement narcissique, vous avez aussi une responsabilité à l’égard de ceux à qui vous vous adressez. Vous représentez quelque chose, il faut être à la hauteur de cela.

 

 

Eve le blog : 30 ans après l’émission, vous reprenez cette réflexion sur l’ambition des femmes pour en faire un livre…

Frédérique Cintrat : Je crois que cette réflexion ne m’a jamais quittée…

Entre temps, j’ai fait une carrière très enthousiasmante dans le monde de l’assurance, où j’ai régulièrement progressé, où j’ai été souvent valorisée (j’ai même eu le plaisir de recevoir plusieurs Prix, dont l’an dernier, celui de la « femme commerciale » aux Trophées des Femmes de l’Assurance et celui de la femme de l’année dans l’assurance décerné par les internautes). J’ai eu des enfants (deux fils qui ont aujourd’hui 21 et 19 ans) en même temps que j’ai poursuivi ma vie professionnelle (pour répondre avec retard à la question qui m’était posée en 1983) et j’ai toujours continué à faire plein de choses parce qu’elles me faisaient envie, parce qu’elles étaient importantes pour moi.

Je me suis donné les moyens de faire des choix et j’ai rencontré des personnes qui étaient capables d’entendre et de comprendre mes arguments pour aller au bout de ces choix. J’ai pu par exemple, organiser ma vie de façon un peu originale, en travaillant à Paris, tout en vivant en province. Pour cela, j’ai cherché et trouvé des solutions en concertation avec mon conjoint, mes parents, mon employeur, mes équipes…

Je crois que le coeur du sujet de la réalisation de ses ambitions est là : il s’agit de définir ses aspirations, faire ses choix à soi et de les rendre possibles avec les autres.

 

 

Eve le blog : C’est un peu le leitmotiv de votre livre… Quand on le lit, on est à la fois très inspirée (et très admirative) mais également assez soulagée : on se dit quelque chose comme « en fait, l’ambition, ce n’est pas si compliqué que ça!« 

Frédérique Cintrat : Le livre est né de mon envie de partager cette vision d’une ambition vécue comme quelque chose de très heureux.

J’y parle de ma propre expérience, mais j’ai aussi voulu que cet ouvrage soit enrichi de témoignages d’autres femmes, d’âges divers (de 19 à 57 ans) et venant d’horizons très différents, qui ont tracé leur propre chemin, qui ont trouvé leurs propres « tuyaux » pour réussir comme elles ont envie de réussir.

Elles m’ont parlé à coeur ouvert de leurs choix, de leurs grands moments de satisfaction, mais aussi de leurs moments de doute, des difficultés qu’elles ont eu à surmonter, des autorisations qu’elles se sont données, des interdits qu’elles ont franchis…

 

 

Eve le blog : Ca vous parait important que les femmes aient des lieux, comme votre livre mais aussi comme par exemple les réseaux, pour parler ouvertement de leur ambition?

Frédérique Cintrat : C’est essentiel, pour partager l’expérience, pour trouver des modèles, pour prendre du recul et regarder vers l’avenir

Vous évoquez les réseaux et vous avez raison, je suis moi-même très investie dans des réseaux professionnels « business » et des réseaux qui œuvrent pour la mixité (Financi’EllesAlter Egales (ndlr : le réseau de femmes de la Caisse des Dépôts), Parité Assurances, Vox Femina…).  Engagée dans des réseaux, je le serai encore davantage à travers la plateforme d’aide au « réseautage » AxiElles sur laquelle je travaille. Car j’ai la conviction que les réseaux sont des espaces qui permettent de s’ouvrir, de créer des liens, de faire résonner des choses en soi et d’en faire résonner chez les autres.

L’ambition, ce n’est plus un problème pour personne, et c’est même ce qui nous fait avancer, quand on est nombreux-ses à en avoir, quand on peut en parler sans préjugés et quand on se sait soutenues avec bienveillance dans la plupart de ses projets.

 

 

 

Propos recueillis par Marie Donzel, pour le blog EVE. Avec la complicité d’Anne Guillaumat de Blignières (Caisses des Dépots).

 

 

Comment l’ambition vient aux filles?, ça continue sur la toile…

 

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