HEC Au Féminin, commission chargée de réfléchir sur les spécificités des carrières féminines au sein d’HEC Alumni, remet chaque année, depuis huit ans déjà, le Prix Trajectoires à une femme exceptionnelle qui se distingue par son parcours, sa vision et ses qualités professionnelles et humaines.
Cette cérémonie est aussi l’occasion de provoquer la rencontre entre des acteurs de différents horizons engagés en faveur de l’égalité et d’engager le dialogue sur les carrières au féminin et le partage des responsabilités dans le monde de l’entreprise. Pour la quatrième année consécutive, KPMG est partenaire de l’événement qui aura lieu ce soir, à Paris.
Pour en savoir plus sur les motifs de cet engagement de KPMG aux côtés de l’association HEC au féminin, nous avons interviewé Sylvie Bernard-Curie, Associée-DRH Talents de KPMG (et également présidente du Comité des Sages du Programme EVE et co-auteure de l’ouvrage Vous avez tout pour réussir).
Eve le blog : Bonjour Sylvie. Pourquoi KPMG s’implique aux côtés d’HEC au féminin ?
Sylvie Bernard-Curie : Comme vous le savez, KPMG mène de nombreuses actions en faveur de l’égalité professionnelle et du leadership au féminin. C’est un sujet stratégique pour notre entreprise. Nous avons nos propres actions pour développer le talent des femmes de KPMG (programme Emergence, Charte Vie Privée/Vie Professionnelle, Réseau Women for Business…) et nous avons la conviction qu’il faut aussi croiser les regards avec d’autres acteurs engagés, pour partager les expériences, s’inspirer de ce qui se fait ailleurs et donner de l’ampleur au changement.
Notre démarche aux côtés d’HEC au féminin et de ses autres partenaires (un cabinet d’étude et de conseil, le Boston Consulting Group, et une entreprise d’un secteur différent du nôtre, Allianz) s’inscrit dans une intention similaire à celle de notre implication dans le Programme EVE : participer à une dynamique de co-construction autour des enjeux de la mixité pour faire avancer le sujet de l’égalité dans tout le tissu économique.
Eve le blog : Le Prix trajectoires HEC au féminin met en lumière des femmes qui ont un parcours exceptionnel. En quoi cela constitue-t-il en soi une véritable action en faveur de l’égalité ?
Sylvie Bernard-Curie : Donner de la visibilité aux femmes qui réussissent, c’est aussi important que de leur permettre de réussir. C’est important pour elles, parce qu’il y va de la reconnaissance de leur talent, de leur volonté, de leur travail, de leur authenticité, aussi. Et c’est fondamental pour les autres femmes (et hommes, aussi, d’ailleurs) de pouvoir lire de quelle façon un parcours se construit, comment une personne a su potentialiser ses atouts et saisir les opportunités. C’est bien cela, un rôle-modèle, quelqu’un d’humain, de normal, qui enthousiasme d’autres humains.
La récente étude IPSOS sur l’ambition au féminin et au masculin nous conforte dans cette idée que donner accès à des rôles-modèles est extrêmement porteur : l’expression des parcours singuliers montre par l’exemple que l’ambition peut et doit se marier avec les valeurs.
Eve le blog : Ce soir, lors de la remise du Prix Trajectoires HEC au féminin, vous interviendrez vous-même dans une table-ronde… Quels thèmes seront abordés lors de cette discussion ?
Sylvie Bernard-Curie : Nous allons notamment commenter les résultats d’une grande étude menée par HEC au féminin sur les trajectoires d’hommes et femmes de quatre promos d’HEC (1978,1988, 1998, 2008). Cette étude porte sur près de 400 profils, 200 hommes et 187 femmes, qui ont été interrogés sur leurs aspirations, les grandes étapes de leur carrière, leur vision de ce qui a été déterminant pour leur réussite ou à l’inverse des obstacles qu’ils et elles ont rencontrés…
Cette enquête, très riche, a ceci d’intéressant qu’elle permet de croiser les problématiques femmes/hommes avec les problématiques générationnelles. Les résultats sont très éclairants sur les différences de perception en de nombreux points clés : l’ambition, la légitimité, les valeurs… Et bien évidemment sur l’éternelle question du « Qui va garder les enfants?« . Cette question en particulier, je crois que nous devons aujourd’hui la penser avec tout ce que nous savons déjà des stéréotypes, des réalités concrètes de l’articulation des temps de vie, du « coût » des ruptures de rythme dans une carrière, mais en y intégrant une dimension jusqu’ici un peu oubliée, celle du choix individuel.
Eve le blog : Cette question du choix, qui est précisément au coeur de l’ouvrage que vous venez de faire paraître avec Christophe Deval, Vous avez tout pour réussir, de quelle façon souhaitez-vous l’aborder en vous adressant ce soir au public de cette soirée HEC au féminin ?
Sylvie Bernard-Curie : Cette question du choix personnel doit s’aborder en termes de positionnement par rapport à ses intentions profondes. Un vrai choix, ce n’est pas quelque chose à quoi l’on consent quand on y est acculé, c’est une décision que l’on prend parce qu’elle entre en résonance avec ce qui fait sens pour soi.
Je reprends l’exemple de la parentalité : pour un-e jeune diplômé-e d’HEC, la question ne se pose pas, on a 25 ans et avoir des enfants parait une perspective lointaine, on verra en temps voulu ; mais quatre ou cinq ans plus tard, on observe que déjà, des femmes commencent inconsciemment à pousser la pédale de frein en se projetant dans une future maternité, anticipant sur les problèmes que ça pourra poser dans leur carrière ; et à 35 ans, on les voit faire des arbitrages qui ne sont pas tant des choix que des réponses plus ou moins satisfaisantes pour elles, faites dans l’urgence de répondre à une situation de crise, quand elles sont submergées.
Ce que j’ai à dire à un public de jeunes femmes et hommes qui se lancent dans la vie active, c’est : positionnez-vous d’emblée en personne qui fait ses choix, clarifiez vos intentions pour préparer vos décisions futures et soyez en observation de ce qui se passe en vous et autour de vous à tout instant pour savourer le présent sans nourrir d’inquiétudes infondées à l’égard de l’avenir. Si vous êtes une personne qui ose faire ses choix propres et les affirmer, vous écarterez nombre de croyances limitantes et vous ne laisserez pas les situations vous empêcher d’être qui vous êtes et de faire ce qui compte vraiment pour vous.
Propos recueillis par Marie Donzel, pour le blog EVE
Remerciements à Géraldine Ferry et Véronique Baillard.
Les nominées du Prix Trajectoires HEC au féminin 2014
– Marie-Anne Aymerich, senior VP Monde Oral Care (Unilever)
– Hélène Bourbouloux, associée fondatrice de FHB
– Marie-Ange Debon, directrice générale adjointe, responsable de la division international Suez environnement
– Catherine Vautrin, présidente de Cerutti
Dans la catégorie « jeunes pousses » : Claire Calmejane (directrice innovation et digital Lloyd Banking Group), Pauline Laigneau (associée-fondatrice et directrice marketing Gemmyo) et Karine Rouge (directrice du pôle tertiaire Ocea Smart Building).
Le jury du Prix Trajectoires HEC au féminin est composé de 23 personnalités issues du monde académique, de l’univers associatif (dont Marlène Schiappa, la Présidente de Maman Travaille), de l’entreprise, de la presse, ainsi que d’expert-es (parmi lesquel-les Brigitte Grésy et Catherine Vidal) et de la lauréate de l’année 2013 Nathalie Rachou.
Lire aussi :
– Notre entretien avec Bénédicte Champenois-Rousseau, pilier de la commission HEC au féminin
– Notre article sur l’effet Matilda qui met en évidence les mécanismes d’invisibilisation des femmes et aide à comprendre l’importance des rôles-modèles pour encourager l’ambition au féminin
– Notre interview de Sylvie bernard-Curie et Christophe Deval, auteur-es de Vous avez tout pour réussir et notre reportage sur le Printemps des Fameuses lors duquel ils ont présenté leur ouvrage et l’approche ACT
– Notre synthèse de l’étude BCG-Fondation L’Oréal sur les femmes et la science
– Notre article consacré à l’étude INSEE sur le « choix » du retour au foyer