Pour Alice Vivian, formatrice et autrice du livre « Et si le corps était la clé ? », incarner un leadership authentique c’est parvenir à l'alignement du corps, du cœur et de l’esprit. Alors pourquoi cet alignement est-il essentiel, non seulement pour l’individu, mais aussi pour le collectif et l’organisation dans son ensemble ? Décryptage.
Comment comprenez-vous cette déconnexion entre le corps et l'esprit, et quelles en sont les conséquences pour l’individu ?
Alice Vivian : Je ne suis pas la seule à faire ce constat : notre société est une société de l’épuisement. Nous passons nos journées assis devant des écrans, déconnectés de la nature et de notre corps. Le monde du travail valorise l'intelligence cognitive et l'intellect, au détriment des autres formes d’intelligence fondamentales : l'intelligence émotionnelle et l'intelligence du corps.
Cette déconnexion a deux conséquences majeures. D’abord, un problème de santé. Nous nous rendons malades à cause de la sédentarité, du stress et de la charge mentale. Il n'y a jamais eu autant de burn-out. Et pour cause, nous ne parvenons pas à écouter les signaux de notre corps, et nous ignorons la fatigue et la douleur au nom de la performance.
La deuxième conséquence est que nous nous coupons de nos "super-pouvoirs" : à savoir nos intuitions, nos sensations et nos émotions. Nous avons tendance à oublier que nous possédons un "cerveau du ventre" (le cerveau entérique) et même des neurones dans notre cœur. Si nous nous contentons d’être dans la tête, nous n'avons pas accès à ces informations précieuses. Reconnecter le corps permet non seulement de prendre soin de sa santé, mais aussi de retrouver tout son potentiel intérieur.
Alors comment un leader peut-il initier cette reconnexion pour transformer cette conscience en ressource dans l'exercice de son métier ?
Alice Vivian : L’objectif est d’aligner nos trois centres : le ventre, le cœur et la tête. Pour cela, il faut "muscler" notre intelligence corporelle, et cela ne se résume pas à faire du sport. Il s’agit surtout de remettre de la conscience dans ce qui se passe à l’intérieur de son corps. C'est ce que l'on appelle l'intéroception.
Lorsque je travaille avec des managers ou des directeurs, je propose des rituels très simples inspirés du yoga, de la pleine conscience, du théâtre et des arts martiaux. Ces exercices, qui ne prennent que quelques minutes, peuvent être pratiqués avant une réunion ou une prise de parole. Il s’agit de prendre conscience de sa posture, car une posture fermée ne transmet pas la même énergie qu'une posture ouverte, les pieds bien ancrés au sol. Il faut aussi prendre conscience de sa respiration pour calmer le stress... Et l’effet de ces petits ajustements est fantastique.
En changeant de posture ou en ouvrant la poitrine, on change notre qualité de présence. Le leader crée alors un espace de confiance et rayonne. C’est lorsqu’on est ancré, calme et que la poitrine est ouverte, que l’on peut déclencher une inversion du cerveau reptilien : l’autre n’est alors plus perçu comme une menace. On peut lui faire confiance et l’écouter. Et quand on sait que le non-verbal représente 70 à 80 % du message que l'on envoie, cet aspect est non négligeable !
Nous avons abordé les bénéfices pour l'individu, mais quel est l'impact de cette reconnexion sur le collectif et l'organisation ?
Alice Vivian : Tout l'enjeu est là. La première étape, c'est que le leader prenne soin de lui, car on ne peut pas activer l'agilité, la créativité ou l'empathie si l'on est sous stress. On a tendance à l'oublier, mais sous stress, on est la pire version de nous-mêmes.
Une fois aligné, le leader incarne l'exemple. En étant en cohérence entre ses valeurs et son corps, il va diffuser une énergie positive auprès du collectif. Et c’est en se reconnectant à son authenticité, qu’un leader pourra agir là où ça a du sens pour lui et pour son équipe.
Finalement le leadership par le corps, c'est le meilleur moyen d'incarner les valeurs que l'on veut diffuser à l’échelle de toute l'organisation. Et même au-delà ! J'espère qu'en agissant de cette manière, on pourra passer d'une société de l'épuisement à une société plus solidaire, plus authentique et plus joyeuse.