Chaque année, la fondation FNEP (Fondation Nationale Entreprise et Performance) propose à des cadres d’entreprises, d’administrations ou de grandes écoles de confronter leurs expériences et d’enrichir la réflexion de propositions concrètes. Pour son deuxième rapport, huit co-auteurs se sont penchés sur la place de l’humain et des émotions au cœur des entreprises et des administrations, dans un ouvrage intitulé Je sens, tu ressens, nous sommes… Mathilde Svagelski, membre du réseau SNCF AU FÉMININ et auditrice interne à la direction de l’Audit et des Risques est l’une d’entre eux.
Votre ouvrage est sous-titré Remettre l’humain et l’émotion au cœur des entreprises. Pourquoi ? Que se passe-t-il aujourd’hui ? Que faisons-nous de nos émotions ?
Aujourd’hui, en France, on ne fait pas grand-chose de nos émotions. Nous avons plutôt une culture du « travailler bien », « faire des efforts », plutôt que du « enjoy » anglo saxon, qui invite, lui, à prendre plaisir dans son travail. Cela s’explique par notre côté cartésien, mais aussi, par notre volonté de séparer vie professionnelle et vie privée. En France, quand on parle d’humain, on a souvent la sensation que l’on parle de vie privée. Or, il s’agit simplement d’accepter ses émotions au bureau.
Pourquoi est-il important d’exprimer ses émotions ? De quoi sont-elles révélatrices ?
Quand les employé-es peuvent exprimer leurs émotions, ils et elles sont plus épanoui-es et plus engagées dans leur travail. Les émotions sont des testeurs de notre état intérieur, elles ne sont d’ailleurs pas forcément positives ou négatives, même la tristesse ou la frustration sont utiles. Elles sont aussi révélatrices de l’état des organisations. Si elles ne sont pas prises en compte, elles peuvent être à l’origine de dysfonctionnements. Une entreprise qui ne tient pas compte des émotions des employé-es qui évoquent le mal-être s’expose à des risques psycho-sociaux. Et si on ne cherche pas à développer des émotions positives, l’entreprise ne créera pas autant de valeur et d’harmonie qu’elle le souhaiterait.
Quels pays avez-vous observé ? Comment y traite-t-on de ce sujet ?
Nous avons étudié le modèle scandinave, le Danemark, le Canada, l’Inde, la République Tchèque, et l’Italie. Résultat, il y a beaucoup de différences dans la façon d’aborder l’humain en entreprise. En Inde par exemple, l’émotion a une place très importante, au Canada, on travaille en particulier sur l’intelligence émotionnelle et au Québec, une norme « entreprise en santé » a été mise en œuvre : le bien-être en entreprise est très bien pris en compte. Et pourtant, il y a des sujets transversaux, des idées fortes, comme la bienveillance, la sagesse ou la liberté qui sont universels.
Comment peut-on remettre de l’humain et de l’émotion au cœur des entreprises ?
Nous avons déterminé six leviers :
L’authenticité est le facteur primordial, parce que c’est la première chose que l’on ressent chez quelqu’un et que, sans elle, tous les autres ne fonctionneront pas. Oapprendre à être soi, à mieux se connaître pour être plus vrai.
Le deuxième levier, c’est la bienveillance : les managers doivent développer leur attention portée aux autres et leur laisser un droit à l’erreur.
Le dialogue : il s’agit d’être à l’écoute, d’ouvrir la parole, et de penser à l’impact de ses émotions et de ses actions sur les autres.
La sagesse : il faut respecter la dimension humaine des organisations, pour que chacun redonne du sens à son travail, qu’il sache la vision de l’entreprise sur les actions de chacun.
La liberté : l’idée est de diminuer les contrôles a priori et d’accepter la non perfection, pour ne pas tuer la créativité et empêcher chacun de s’épanouir.
L’accomplissement : c’est la promotion du plaisir dans le travail : acceptez ce fameux enjoy !
Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de ce livre ?
Un message humaniste. Il faut prendre en compte l’être humain et sortir de la ressource humaine : c’est une richesse, et non une ressource, celle-ci n’est pas inépuisable et elle peut se raréfier.