Un concept à la loupe
Chose promise, chose due ! Nous vous l’annoncions juste avant les fêtes : en 2014, le blog EVE vous donne rendez-vous avec de nouvelles rubriques. La première d’entre elles, c’est le « concept à la loupe » du mois.
L’idée est simple, on fait le point sur une notion plus ou moins familière du discours sur l’égalité professionnelle et le leadership au féminin pour mieux comprendre les termes du débat et engager la discussion avec vous.
Pour ouvrir cette nouvelle rubrique, nous avons décidé d’explorer un concept dont Isabelle Germain, la fondatrice des Nouvelles News, nous avait parlé, lorsque nous l’avions interviewée : le « Syndrome de la Schtroumpfette ».
La Schtroumpfette, tout le monde voit de qui il s’agit, n’est-ce pas ? Une blondinette sautillante et souriante en robe à dentelle et bonnet immaculé montée sur de petits escarpins nacrés. Elle vit au fabuleux pays des Schtroumpfs où elle a été envoyée par le vilain sorcier Gargamel…. Afin de semer la zizanie au village des gentils ! Aïe ! Quand le rôle réservé au personnage féminin est de perturber le bel et bon ordre établi, ça commence à se gâter !
Mais quand, en 1991, l’essayiste américaine Katha Pollitt consacre à la Miss Bleue une tribune dans le New York Times, ce n’est pas tant cette fonction de faiseuse d’embrouilles dévolue à la Schtroumpfette qu’elle dénonce. C’est le fait qu’elle soit la seule incarnation du féminin dans un univers 100% masculin. Ce qui fait que, tandis que chaque Schtroumpf a droit à sa personnalité (il y a le farceur, le coquet, le costaud, le gourmand, le musicien, le bricoleur…), celle de la Schtroumpfette est totalement effacée au profit d’un seul et unique critère pour la désigner : son genre.
Décrivant la récurrence dans le cinéma, et notamment les films d’animation pour enfants, de cette figure imposée de la fille seule dans un monde d’hommes, Pollitt et ses disciples notent que, lorsqu’il n’y a qu’un seul personnage féminin au sein d’une communauté exclusivement masculine, ce personnage tend à être représenté de façon ultra-stéréotypée. On en attend un comportement en conformité avec la perception la plus commune (pour ne pas dire la plus caricaturale) de la féminité. Elle est la femme, et non une femme parmi d’autres. A la fois objet de curiosité (Comme c’est exotique, cette créature en jupe ! Comme c’est frais ! Comme ça fait joli !) mais aussi alibi tout trouvé (Meuh non, on n’est pas qu’entre nous, regardez, on a une femme, même qu’on en est très contents !).
C’est précisément pour contourner ce piège de la femme-prétexte (celle qui est là pour garantir que, non, non, non, on n’a pas complètement oublié que les femmes existaient, d’ailleurs, on en a mis une… C’est déjà ça !), que les défenseur-es des quotas de femmes dans les instances dirigeantes ont repris à leur compte la notion de syndrome de la Schroumpfette : une femme isolée dans un univers majoritairement masculin, ce n’est pas de la diversité, c’est de l’affichage ! Non seulement, ça ne suffit pas pour parler d’égalité (ni même de mixité), mais encore se pourrait-il que ça ne permette pas le changement qui procède de la diversité.
Pour que les cultures et les comportements se transforment sous l’impulsion de l’expression des points de vue variés, il faut que diversité rime avec multiplicité : plusieurs femmes dans un CA, c’est des femmes qui ne sont pas là pour faire figure de féminité (ou qui se sentiraient obligées, pour affirmer leur légitimité, de renoncer à leur féminité pour se conformer au modèle du pouvoir tel qu’il est incarné par la majorité), mais qui ont la possibilité d’être tout simplement elles-mêmes… Pour pouvoir vraiment agir !
Marie Donzel, pour le blog EVE
Le syndrome de la Schtroumpfette expliquée en images :
Suggérez-nous vos idées pour la rubrique « Un concept à loupe »
Vous avez lu ou entendu, ici sur le blog ou bien ailleurs, une notion originale que vous aimeriez nous voir creuser? N’hésitez pas à nous suggérer vos idées pour cette nouvelle rubrique.
Vous pouvez nous contacter via notre page Facebook ou par mail : marisa@eveprogramme.com ou donzel@donzel-hosgood.com