Qu’il est fourbe, le sexisme, à se nicher dans les détails les plus ordinaires de nos vies. Jusqu’à s’insinuer dans nos meilleures intentions et même colorer nos « bonnes résolutions ». Sans blague ? Il y a des asymétries de genre dans notre façon de vouloir donner de nouvelles inflexions à notre existence ? Eh bien oui, et c’est d’autant plus sournois que pour le coup, ce ne sont (apparemment) pas les autres ni l’environnement qui nous les imposent, mais nous-mêmes qui adhérons à des injonctions genrées pour « faire notre propre bien » !
Mincir et bouger : des priorités pour les femmes et les hommes, mais pas dans le même ordre
Une étude Newpharma de 2018 ouvrait le dossier du genre des bonnes résolutions en indiquant que la première des intentions des femmes en début d’année est de mincir (41% des sondées) tandis que cet objectif arrive en seconde position pour les hommes (34% d’entre eux entendent perdre du poids). Pour les hommes, c’est le sport qui arrive en tête tandis que c’est un second challenge pour les femmes. Jusque-là, on constate certes des différences genrées dans les priorités mais globalement une préoccupation partagée de bouger plus pour affiner sa silhouette.
C’est ensuite que les marqueurs varient plus sensiblement : les femmes aspirent en troisième position à développer leurs capacités à « penser positif » quand les hommes continuent de penser à leur corps en décidant de manger plus sainement.
Se donner les moyens de progresser professionnellement : un enjeu décisif pour les femmes
Une autre étude, produite par Qapa, s’intéresse aux résolutions des Français·e·s concernant plus précisément le rapport au travail. Et là, de vrais écarts se manifestent : 67% des femmes contre 51% des hommes veulent faire de l’année nouvelle une étape de progression professionnelle.
Dans le détail, elles sont deux fois plus nombreuses à se motiver pour tenter d’obtenir une meilleure rémunération. Pas étonnant quand on sait qu’elles demeurent moins bien payées que leurs collègues masculins tout en étant de plus en plus sensibilisées à la nécessité de réduire les inégalités.
Tenir ses résolutions en solo ? Les femmes plus demandeuses de soutien !
Autre donnée intéressante révélée par cette même étude : les femmes sont plus nombreuses que les hommes à penser que pour tenir leurs bonnes résolutions, elles ont besoin d’accompagnement et elles sont majoritaires à considérer que l’entreprise est fondée à proposer des programmes de soutien à l’évolution des modes de vie individuels basée sur les résolutions des salarié·e·s, qu’il s’agisse de développement personnel (renforcer ses soft-skills, aborder les difficultés avec plus de sérénité, gagner en confiance, oser demander…), d’équilibre de vie (passer plus de temps en famille, réduire les écrans, manger mieux, limiter les conduites addictives et autres comportements à risque…) ou plus directement de projet professionnel (changer de poste, négocier une augmentation, se préparer aux changements du contexte de travail…). Les femmes s’avèrent en effet plus nombreuses (63% contre 58%) à admettre qu’elles ne parviennent pas à tenir leurs bonnes résolutions !
Quand la crise sanitaire accentue les écarts face aux « bonnes résolutions »
Et la crise sanitaire, ça a changé quoi ? Le baromètre sport santé IPSOS de 2022 montre un affaissement général des auto-exigences de nouvelle année pour l’ensemble de la population… Sauf pour ce qui concerne la volonté de faire plus d’activités physiques et celle de consacrer plus de temps à la vie de famille (+8 points entre 2019 et 2022). Ces deux besoins sont nettement plus exprimés par les femmes que par les hommes.
Pour ce qui concerne l’activité physique, il faut noter que la sédentarité a touché davantage les femmes avec la crise CoViD, du fait notamment des écarts de genre en matière d’alternance télétravail/présentiel (les femmes sont en effet retournées plus tardivement sur le lieu de travail après les confinements et s’installent dans la pratique du travail à distance sur des durées hebdomadaires supérieures), de comportements face aux loisirs pendant et après les phases de restrictions des déplacements. Les femmes ont en effet été moins nombreuses préserver du temps pour elles et à maintenir leurs pratiques sportive ainsi qu’à s’autoriser à sortir des espaces clos…
C’est la note de synthèse d’ONU femmes publiée en 2020 qui nous alerte sur un effet « retour des femmes à la maison » à l’échelle planétaire. Est-ce à cette lumière qu’il faut également lire la résolution 2022 de passer plus de temps en famille ? Il faut d’abord y voir, sans distinction de genre, un besoin accentué de se rapprocher des siens en période de crise et plus précisément de retrouver une intimité de qualité après l’effacement des frontières entre vie professionnelle et vie privée que le télétravail confiné a entraîné. Mais le fait que ce besoin soit davantage exprimé par les femmes que par les hommes oblige à questionner un certain repli sur les repères traditionnels, à commencer par l’ordre genré au sein des couples et familles, que toute crise embarque dans son sillage.
Une bonne résolution pour tou·te·s : plus de conscience et plus d’action face au sexisme !
En conclusion, oui, nos résolutions ont bien un genre ! Rien de surprenant quand on sait que ces décisions de changer que l’on pense prendre pour soi-même sont fortement imprégnées de valeurs sociales. Mais alors, si même nos bonnes résolutions participent aux asymétries de genre, la première d’entre elles que nous devrions prendre, n’est-ce pas de nous conscientiser encore et toujours sur les stéréotypes et biais pour agir enfin plus librement, plus en phase avec ce que nous voulons vraiment ?
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE