Près de 20% des Français·e·s qui consultent leur médecin font part d’un état de grande fatigue. Et 47% déclarent avoir connu au moins un épisode de cette nature au cours des douze derniers mois, selon une étude Ipsos-Le Quotidien du Médecin / les laboratoires THERVAL. Enfin, ça, c’était avant. Avant la période de confinement qui a vu le taux de personnes se percevant comme très fatiguées culminer à 62%, a objectivé une étude Opinion Way pour Empreinte Humaine. Comment prévenir la fatigue et y faire face ? Voici quelques conseils pour ne pas rajouter de la fatigue à la fatigue !
- Apaisons nos relations avec la fatigue
Mais comment puis-je être aussi fatigué·e alors que je télétravaille depuis mon canapé, sans subir les transports, le bruit ambiant de l’open space et que ma charge de travail a (en apparence) été réduite ? Que celui ou celle qui ne s’est pas posé cette fâcheuse question pendant le confinement jette sa box wifi à la tête de celles et ceux qui se retrouvent dans ce tableau. Hep ! Vous entendez la petite musique qui sifflote derrière la question « Pourquoi suis-je aussi crevé·e ? » ? Oui, oui, c’est bien elle : la culpabilité. Se sentir fatigué·e, c’est mal vu… A commencer dans le propre regard de la personne qui est au bout du rouleau. Ca sent la tentation de la paresse, la vilaine procrastination, voire pour les plus adeptes de l’autoflagellation la mauvaise volonté. Autant de jugements qui nous… Fatiguent !
Alors, la première bonne action à mener quand on se sent fatigué·e, c’est de ne pas se le reprocher. Puis d’écouter tous ces signes que notre corps (qui n’est pas quelqu’un d’autre que nous, en fait) envoie pour dire « Eh oh ! Tu m’en demandes trop, là ! ». Difficultés à se lever le matin ? Vous n’êtes pas en train de re-faire une crise d’ado. Difficultés à dormir la nuit ? Vous n’êtes pas sur la pente de l’inversion des rythmes naturels. Difficultés de concentration ? Vous n’êtes pas en train de neuro-dégénérer. Grosses fringales avec obsession sur des aliments que vous n’avez pas l’habitude de consommer ? Vous n’êtes pas quelqu’un qui manque de volonté. Perte d’envie de participer au collectif ? Vous n’êtes pas sur le point de devenir furieusement égoïsto-individualiste. Non, vous êtes juste fatigué·e. Ca arrive, même aux meilleur·e·s.
- Comprenons ce qui nous fatigue
Mais au fait, c’est quoi la fatigue ? Et qu’est-ce qui nous fatigue ? La fatigue, c’est l’ensemble des sensations pénibles qui découlent d’un déséquilibre entre ce qui fournit de l’énergie et ce qui pompe de l’énergie. La fatigue dite physique se mesure donc par le ratio entre calories absorbées et calories dépensées. Mais la fatigue physique n’est pas sans lien avec la fatigue dite psychique qui procède de rapports complexes entre ce qui puise physiquement dans les réserves d’énergie et ce qui apporte de l’énergie psycho-émotionnelle : par exemple, je vais me sentir rincé·e après avoir animé un brainstorming créatif avec mes équipes, mais formidablement énergisé·e par l’enthousiasme qui s’est dégagé des échanges. Alors, je suis tenté·e de ne pas entendre la première partie de l’équation (je suis épuisé·e par l’animation de cette réunion qui m’a demandé des efforts de concentration, de synthèse, de pertinence hors du commun) et je fonce dans la mise en œuvre des projets en me nourrissant de la deuxième partie de l’équation (c’est génial, tant d’idées qui émergent. Il faut battre le fer tant qu’il est chaud !). Et je tiens sur les nerfs, comme dit l’adage populaire. Je tiens aussi grâce à cette étrange fierté que je trouve dans le fait de me percevoir comme une personne infatigable, une sorte de super-héros/héroïne qui se recharge seulement en se branchant à l’activité. Jusqu’à ce que… Jusqu’à ce qu’un événement très contrariant fasse court-circuit : dans le cas le moins grave, si l’on peut dire, je suis heurté·e par le manque de reconnaissance que j’interprète dans l’attitude négligente (selon moi) des autres ; dans les cas les plus symptomatiques, je me casse une jambe (par exemple) et je suis très très très agacé·e par ce toubib qui me dit que manifestement, trop de choses m’ont cassé les pieds et que j’en ai visiblement plein les pattes ! Mince alors, je suis venu·e demander une prescription d’antalgiques pour pouvoir m’y remettre au plus vite et je me paye un diagnostic de psychologie de supermarché ? Tiens, je vais me mettre en colère, ça devrait encore me pomper de l’énergie en me donnant l’impression contraire que je déborde d’énergie. Et puis, un matin, autre chose se fait jour : je n’ai pas envie. Je suis démotivé·e. Je suis las·se. Mais je déprime ou quoi ? Je n’aime pas bien cette idée-là.
Ce qui nous fatigue, c’est d’une part de dépenser trop d’énergie à des choses qui ne nous récompensent et ne nous ressourcent pas suffisamment et d’autre part tous ces conflits internes qui nous agitent et agissent comme une pompe qui tourne à vide.
- Renonçons aux vraies-fausses bonnes idées pour moins se fatiguer
On vous connait, hein ! On sait que, quand vous vous sentez littéralement crevé·e, votre première intention est de passer à l’action pour mettre en place des solutions. Ca va encore vous demander du boulot, d’accord, mais vous vous dites que c’est de l’investissement : allez hop ! un agenda partagé et un benchmark des applis de listes de course disponibles sur le store dans l’espoir de se libérer de la charge mentale ; une réorganisation complète des placards de façon à ce que chacun·e puisse plus facilement ranger son linge au lieu de foutre en boule les vêtements lavés-repassés avec amour ; un temps de re-mobilisation des équipes au boulot pour que chacun·e se responsabilise et qu’il vous soit plus facile à l’avenir de déléguer en toute confiance ; un bon conflit avec vos pair·e·s pour purger les malentendus qui vous collent des insomnies et mettre « une bonne fois pour toutes » les points sur les i… Ou à l’inverse, un grand coup de « je prends sur moi » pour mettre la poussière sur le tapis ! Il y a quelques vraies bonnes idées dans tout ça, mais le timing n’y est pas. Ce n’est pas quand on tire la langue qu’on engage le boulot de fond. Non, quand on est naze de chez naze, on se repose. Et c’est au repos, avec recul, calme et lucidité qu’on prendra le taureau par les cornes. Oui, mais c’est quand ? Par exemple, en rentrant de vacances…
- Faisons de nos moments de repos de vrais temps de ressourcement
… Pourvu qu’on prenne des vacances. De vraies vacances. Vous savez, les vacances, c’est comme quand on était enfant et que l’été semblait une éternité, comme quand on avait des crampes aux doigts les premiers jours de rentrée parce qu’on n’avait pas tenu un stylo pendant deux mois, comme quand on oubliait jusqu’à son propre numéro de téléphone à force de ne le donner à personne. En somme, quand on déconnectait. Déconnecter, c’est de façon pratico-pratique ne pas regarder ses mails ni engager des débats éthiques sur les réseaux sociaux depuis sa chaise longue ; mais au-delà de ça, c’est accepter que la terre va continuer à tourner, la boîte aussi, les équipes se débrouiller pendant quelques temps. C’est se faire le cadeau du temps libre et de l’écoulement du surplus de charge mentale qu’on a accumulée en lâchant la bride sur le perfectionnisme, en simplifiant son quotidien (par exemple, la préparation des repas qui n’ont pas besoin d’être gastronomiques tous les jours, les relations avec les enfants qui ont eux aussi besoin de se reposer et après lesquels on peut ne pas courir pour qu’ils fassent leurs devoirs de vacances ou prennent un livre plutôt que de glandouiller etc.) et en se donnant du temps rien que pour soi. Et ce temps pour soi, l’occuper à ce qui nous fait vraiment plaisir : marcher pour certain·e·s, bouquiner pour d’autres, ou flâner, faire des activités créatives (sans penser tout de suite à la façon dont on va dupliquer dans le boulot ce qu’on apprend à travers ces activités !), faire une balade à vélo etc.
- Laissons le vendredi être le vendredi et donnons du temps au lundi
Et en attendant les vacances ? En attendant les vacances et entre chaque période de repos, nous avons quand même les week-ends pour recharger les batteries d’une semaine à l’autre. Il va de soi qu’ouvrir son ordi dès le samedi 8 heures est une mauvaise idée, tout comme se dire pendant 48 heures qu’il faudra qu’on trouve un moment pour bosser d’ici le retour du lundi pour s’y mettre le dimanche soir en charriant toute la culpabilité de ne pas l’avoir fait plus tôt. Non, on coupe ! En prévenant, s’il le faut, les personnes à qui on a promis de finir une tâche qu’on a pris un peu de retard. Et cela au plus tard le vendredi midi. Car dès le vendredi après-midi, il est fort indiqué de commencer à se mettre en condition pour tirer tous les bénéfices de la pause hebdomadaire : comme les athlètes qui à l’approche de la ligne d’arrivée d’une course ne reprennent pas de la vitesse mais laissent « dérouler » leur élan pour bénéficier de toute la puissance énergétique acquise pendant le sprint, on réserve la dernière demi-journée de la semaine à finir tranquillement ce qui peut l’être… Sans engager de nouveaux chantiers !
Si on s’accorde un vrai répit, on devrait arriver en forme le lundi pour engager une nouvelle semaine. Il arrive toutefois qu’on se sente un peu flagada après avoir bien décroché. Et c’est normal : c’est juste que l’on n’est pas échauffé. Là encore, n’importe quel sportif ne s’engage pas directement dans l’entraînement intensif sans avoir réveillé ses muscles : on se donne du temps pour redémarrer, notamment en renonçant à l’espoir fou d’écluser au moins la moitié de sa to-do-list dès le premier jour de la semaine, en évitant de caler les réunions de coordination et autres « worklists » dès potron-minet le lundi et en se réservant pour ce premier jour de la semaine, comme ceux qui suivent, des moments de travail enrichissants et épanouissants qui donnent du sens.
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE