On en parlait dans un précédent billet consacré à l’articulation des temps de vie : l’optimalisme, c’est un des meilleurs moyens pour lutter contre le complexe de la bonne élève. Cette véritable philosophie de vie, comme l’ikigai, participe ainsi à se donner les moyens d’un leadership équilibré. Raison de plus pour passer le concept à la loupe !
Vous avez dit optimalisme ?
Les plus féru·e·s d’économie ont certainement entendu parler de l’optimum de Pareto, renvoyant à « une allocation des ressources pour laquelle il n’existe pas une alternative dans laquelle les acteurs seraient dans une meilleure position ». Du latin optimus, signifiant « le meilleur », la notion d’optimum correspond donc à l’état le plus favorable, le meilleur possible d’une chose en fonction des conditions données.
Dans le champ de la psychologie positive, la notion d’optimalisme a été définie par le professeur Tal Ben-Shahar (ndlr : intervenant à EVE) comme la capacité à percevoir l’échec comme un élément naturel de la vie et inextricablement lié au succès. L’optimalisme, c’est en somme ce qui nous pousse à vouloir bien faire les choses, mais sans les dérives perfectionnistes de la superwoman.
En finir avec le perfectionnisme !
« Sois parfait·e », « sois fort·e », « fais plaisir », « dépêche-toi », « fais des efforts » : voilà les 5 drivers que dénombre le docteur en psychologie Taibi Kahler en analyse transactionnelle. Autant d’injonctions permanentes susceptibles de faire dégénérer la charge mentale en véritable surcharge.
Pour Henri Chabrol, professeur de psychologie clinique et psychopathologie, « notre résilience, notre capacité à faire face aux tensions, (…) mobilise deux types d’opérations mentales, les mécanismes de défense et les processus de coping ». Face à une importante charge mentale, le perfectionnisme fait ainsi figure de mécanisme de défense et l’optimalisme, de coping pour lâcher-prise aux nombreuses injonctions intériorisées.
Faire moins, faire mieux ?
La différence fondamentale entre une personne perfectionniste et une optimaliste, c’est que la première rejette la réalité et que la seconde l’accepte. « Celui qui reconnaît consciemment ses limites est le plus proche de la perfection » : Goethe l’avait bien compris, la perfection est séduisante… Mais ce n’est pas elle qui nous rendra performant·e !
Nous sommes tou·te·s des êtres faillibles : le problème, c’est que lorsque notre environnement n’est pas assez sécurisant pour permettre de nourrir une estime de soi suffisante, nous tendons à vouloir nous perfectionner à tout prix pour compenser nos vilains défauts… Quitte à ne plus nous entrevoir dans notre entièreté constitutive ! Découlent alors tous les risques psychosociaux inhérents à la dévalorisation du soi : frustration, dépression, addiction au travail, etc.
Quelques pistes pour développer son optimalisme
Vis-à-vis de soi-même, il s’agit essentiellement de se considérer avec bienveillance en recherchant des contextes qui nous permettent de donner le meilleur de nous-même compte tenu des ressources dont nous disposons. Il s’agit par exemple d’apprendre à dire « non » et de proscrire les phrases qui commencent « il faut que …».
Dans son interaction avec les autres, la bienveillance est aussi de rigueur : elle passe par une écoute dite active, qui prend la forme du questionnement et de la reformulation pour comprendre et reconnaître à l’autre l’état de sa situation. Faire preuve d’empathie, c’est accepter la vulnérabilité de l’autre… Et ce n’est pas un gros mot ! Rappelons-nous bien : la perfection humaine n’existe pas. Enfin, pour inciter les autres à optimaliser, il est important de les y autoriser à travers une forme d’exemplarité : quand on dit « pas de réunion après 18h », on se tient au principe. Quand on promeut le droit à l’erreur, on la gère avec positivité lorsqu’elle survient.
Optim(al)iser le collectif par un environnement souple
Au-delà des rapports interindividuels, l’optimalisme ne peut naître que dans un cadre collectif qui lui soit favorable. En cela, la culture du droit à l’erreur est un terreau particulièrement propice. Pour ne pas se contenter d’une sempiternelle injonction invocatoire, l’organisation doit mettre en place des garanties concrètes et réelles à ce fameux droit à l’erreur.
Proscrire l’idée de toute-puissance, c’est ainsi reconnaître les difficultés rencontrées en amont des problèmes plutôt qu’en aval des crises et systématiser le débriefing pour tirer des enseignements de ses échecs. Pousser la réflexion de cette culture optimalisante, c’est aussi penser la question des conséquences de l’erreur : jusqu’où s’autoriser la prise de risque ? L’erreur est-elle définie individuellement ou collectivement ? Implique-t-elle une absence de sanction ou la définition d’une sanction de nouvelle nature ?
Pour être facilitateur et inspirant, le management de demain favorisera l’expression des émotions et ne lésinera pas en matière de transparence et de feedbacks pour donner à chacun·e les moyens de progresser et de s’épanouir avec une vision de long terme… En s’autorisant bien sûr quelques anomalies, car comme le dit si bien Salvador Dali : « Ne craignez pas d’atteindre la perfection, vous n’y arriverez jamais » !
Valentine Poisson pour le webmagazine EVE