Les jeux de la 30è Olympiade de l’ère moderne se sont clôturés à Londres, il y a quinze jours. Parce que le blog EVE a décidé d’ouvrir, en ce troisième trimestre, un important chantier de réflexion sur la place des femmes dans le sport, une attention toute particulière a été portée sur le traitement réservé aux athlètes féminines durant cette manifestation mondiale. Voici donc notre bilan des Jeux de Londres.
En chiffres : une meilleure représentation des athlètes féminines, c’est un atout en or pour les délégations
Des femmes dans toutes les délégations
Les femmes participent aux Jeux Olympiques depuis 1900 (Pierre de Coubertin, fondateur des Jeux de l’ère moderne ne les ayant pas conviées lors de la première édition d’Athènes, en 1896).
Aux Jeux de Londres, les 204 pays participants, et c’est une première, ont compté des femmes dans leur délégation.
Rappelons qu’à Barcelone, en 1992, 35 délégations étaient exclusivement masculines. Cette fois-ci, même l’Arabie saoudite, jusqu’alors rétive à envoyer des femmes aux Jeux, a donné leur ticket pour Londres à une judokate et une coureuse de 800 mètres.
Plus de femmes parmi les athlètes…
La proportion de femmes parmi les athlètes est globalement en forte croissance : le CIO annonce le chiffre de 44%.
Un progrès spectaculaire depuis les jeux de Los Angeles, en 1984, où elles n’étaient que 24%. Pour mémoire, elles étaient moins de 3 % en 1900 à Paris, 10% en 1952 à Turin, 42% en 2008 à Pékin. Avec 44%, on progresse. La (vraie) parité en 2016?
… Toutes disciplines confondues
Les femmes sont désormais représentées dans les 26 disciplines des Jeux, y compris la boxe.
Il n’en est pas autant pour les hommes qui ne sont toujours pas les bienvenus en natation synchronisée et en gymnastique rythmique et sportive. (Au moins) un stéréotype sexiste se cache dans ce constat, saurez-vous le trouver?
Seuls les sports équestres, le tennis et le badminton sont à l’heure actuelle des sports mixtes aux JO. On se surprend toutefois à rêver de relais hommes/femmes en natation ou en athlétisme… Ce n’est pas prévu pour 2016, mais qui sait ce qui peut advenir d’ici 2020!
Des femmes en or!
Au tableau des médailles, les nations leaders doivent une belle part de leur collecte d’or aux sportives : 29 des 46 médailles d’or américaines (63%), 21 des 38 médailles d’or chinoises (55,2%), 12 des 24 médailles russes (50%) vont aux femmes… De là à penser que pour gagner les Jeux, il faut renforcer l’égalité hommes/femmes au sein des délégations, il n’y a qu’un pas…
Rappelons aussi qu’une médaille au JO rapporte autant à un homme qu’à une femme. C’est suffisamment rare dans le milieu sportif pour mériter d’être souligné. Voir à ce sujet la récente polémique sur les inégalités de traitement entre hommes et femmes dans le tennis, évoquée dans notre dernière revue de web.
Mais très peu de femmes dans l’encadrement des Jeux
La journaliste Fabienne Broucaret rappelle toutefois que la place des femmes croît sur le terrain mais reste congrue dans l’encadrement des Jeux : une seule femme, la Princesse Anne, au Comité d’organisation, pas une française à la tête d’une fédération olympique, trop peu de femmes dans l’arbitrage….
Rares sont aussi les coachs féminins : s’il est admis que les sportives soient entraînées par des hommes ou des femmes ; les sportifs, eux, sont entraînés presqu’exclusivement par des hommes.
Comment les sportives ont-elles été traitées par leur fédération et par les médias pendant les JO
Quoique plus nombreuses et plus présentes au Jeux Olympiques, les femmes n’ont pourtant pas bénéficié d’un traitement toujours flatteur durant cette 30è Olympiade.
En route pour les JO : femmes en éco, hommes en business
Un exemple qui en dit long, malgré des apparences anodines : les basketteuses australiennes ont eu la surprise de découvrir qu’elles iraient à Londres en classe eco tandis que leurs homologues masculins voyageraient en business.
De quoi mettre une ambiance délétère dans l’air et réveiller la conscience des footballeuses japonaises qui ont elles aussi du voyager en « eco premium » quand les Onze masculins de leur pays, pourtant moins côtés, avaient leur siège en classe affaire.
Faut-il être jolie pour passer à la télé quand on est une sportive de haut niveau?
Il y a aussi à dire sur la couverture médiatique du sport féminin : les groupes de télévision ont été épinglés par plusieurs chroniqueurs en raison de la toujours insuffisante visibilité des athlètes féminines dans la programmation des retransmissions d’épreuves…
Et Bruno Roger-Petit de s’étonner dans une tribune bien sentie, de ce que le vent de la parité n’ait apparemment pas soufflé jusqu’au bureau sport du service public audiovisuel : « Faut-il être mâle blanc et âgé pour commenter les JO sur France TV? », s’interroge-t-il à juste titre dans une tribune au Plus de l’Obs.
Il semble aussi que, pour ces commentateurs « mâles, blancs et âgés », la performance sportive ne soit pas le seul critère de qualité pour une athlète. Des adjectifs plus ou moins valorisants ont brouillé la bande son des jeux alors que telle sauteuse en hauteur « coquette » ou « jolie » tentait de battre son record ou telle lanceuse de poids « solide » ou « virile » cherchait à donner le meilleur d’elle-même dans son sport.
Tandis que sur son blog, l’haltérophile anglaise Zoe Smith répondait à ceux qui lui conseillent une discipline plus « girly » qu’elle « ne soulève pas des poids pour être sexy » et qu’elle n’a pas l’intention de se « débarrasser de ses muscles « masculins » et de devenir une femme au foyer dans l’espoir qu’un jour un homme capable de ce genre de jugements la remarque et lui donne sa chance avec lui », la version US de Metro soulignait que la façon de filmer et de photographier les beach-volleyeuses est pour le moins tendancieuse : qu’on nous montre enfin leur prodigieux smash plutôt que leurs fesses! Et d’accompagner l’image au texte en suggérant qu’on ne montre à la télé que le slip des plongeurs, le buste des nageurs, le short des lutteurs ou l’entrejambe des basketteurs!
Les jeux paralympiques plus vertueux?
On aimerait croire que les Jeux paralympiques, qui démarrent le 29 août, seraient plus naturellement portés à favoriser l’égalité de tous les athlètes. Hélas, il se pourrait que nous soyons déçu-es.
Sur son blog Sportissima, Fabienne Broucaret annonce la couleur :
– seulement 193 épreuves seront ouvertes aux femmes contre 270 aux hommes (et 37 mixtes
– soit près de trois fois moins de chance de médailles pour elles que pour eux (sur 1500 médailles qui seront distribués, 579 iront aux femmes)
– seulement 51 femmes pour 103 hommes dans la délégation française…
Conclusion : il reste partout du chemin à parcourir pour une meilleure égalité dans le sport.
Affaire à suivre sur le blog EVE pendant les mois à venir.
Marie Donzel
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