A la rencontre de Kristine Ngiriye, une entrepreneure africaine engagée « au service de sa communauté ».

Eve, Le Blog Leadership, Rôles modèles

1991. Elle a 17 ans, un bac économique pour seule possession. Elle est engagée au service client de Canal+ où elle entrevoit une belle opportunité de business : créer le premier Guide TV du pays avec un contenu rédactionnel élargi à la culture urbaine des années 90. Elle a un atout majeur : un marché captif de milliers d’abonnés Canal +.

En marge de la fac, elle estime le financement de son projet à environ 5000€. Elle rencontre un premier banquier…puis un deuxième…et avec le troisième, elle assimile enfin la barbarie d’un nouveau lexique : garantie, caution, bien immobilier, titre foncier… En filigrane, « Jeune fille, passez votre chemin, ici c’est la vraie vie ! »

Première déception d’aspirante entrepreneure ! Elle est mortifiée de n’avoir pas su convaincre par sa détermination, son énergie et sa parole de…femme (oui!) qui, plus encore que son business-plan, constituaient, dans son monde, autant de garanties valables et valides.

Elle se souvient avec précision des mots de sa mère, elle se souvient surtout de ce jour d’après, à la banque, où toutes deux apposaient leurs signatures appliquées au bas de nombreux feuillets. Elle se souvient de la pesanteur soudaine de la responsabilité !

Elle se souvient aussi de son incrédulité, regardant cette femme, veuve depuis peu, se porter caution pour son enfant, jeune fille ambitieuse certes, mais éminemment « jeune » et éminemment « fille », addition de toutes les tares dès lors qu’on parle d’entreprendre !

Elle se souviendra, sa vie durant, du sens et de la portée de ce geste. Dans un contexte où elle héritait violemment de la charge matérielle et affective de six enfants, une mère engageait sans sourciller son modeste salaire d’enseignante dans une sublime preuve d’amour et profession de foi !

Ce jour-là, elle se fait une promesse solennelle : R.E.U.S.S.I.R. Pour cette femme-là, assurément. Et pour toutes ces autres femmes auxquelles elle rêve de pouvoir offrir, un jour, une même possibilité. Au nom du rêve ! Car si l’on veut réaliser ses rêves, il faut d’abord rêver.

Cette histoire est la mienne.

Après des échecs cuisants et quelques réussites honorables, j’ai créé en 2014 la Fondation Entreprenarium pour tenir une promesse faite à moi-même il y a plus de 20 ans. Ainsi, une formidable équipe s’active inlassablement à réaliser l’exaltante mission d’aider des femmes africaines à créer et développer des entreprises innovantes. Ces femmes contribuent à la prospérité de leurs familles, de leurs communautés, de leurs pays, de leur continent!

On le sait, l’Afrique enregistre le plus fort taux au monde de femmes entrepreneurs : 29%. C’est sans doute parce que les femmes africaines n’ont pas d’autres choix que celui d’incarner leur propre rêve et d’habiter leurs plus hautes aspirations, avec optimisme, pugnacité et résilience !

Avec Entreprenarium, nous avons impacté 1861 bénéficiaires à travers l’Afrique, financé 35 projets et investi plus d’1million d’euros de fonds propres pour réaliser notre mission. Nous sommes le premier accélérateur philanthropique du continent avec pour cible prioritaire les femmes.

Je m’autorise alors à rêver d’une histoire encore plus belle…

 

Parce que l’Afrique atteindra bientôt 1 milliard d’individus dont plus de la moitié seront des femmes, je rêve d’une histoire africaine dont le sens fasse écho à nos valeurs de partage et de solidarité.

Parce que nul n’a « le monopole du cœur », je questionne mon propre parcours pour en révéler les principaux rôles : des hommes majoritairement. Dans mon environnement direct, je fais le constat suivant : la trajectoire ascendante d’un bon nombre de femmes compétentes est souvent le fait d’hommes visionnaires et courageux. Je prends mon bâton de pèlerin et sillonne la terre des hommes pour prêcher ceci : « La bataille de la transformation de l’Afrique se gagnera seulement si nous œuvrons ENSEMBLE pour libérer le potentiel de la femme. »

Et, avec ces hommes, je fais un voyage d’assentiment plus que de conversion.

Ce voyage c’est « MenInvestInWomen » ! Une initiative sans précédent qui cristallise l’engagement de 50 hommes, leaders économiques africains, à constituer un fonds de 25 millions d’euros destiné au financement exclusif de projets de femmes.

Je ne peux m’empêcher de lire dans la concrétisation de ce projet à la fois un hommage, un aveu et une reconnaissance. Mais j’y vois surtout une célébration de l’humain ! Transcender les genres pour réaliser notre destinée commune : 50 africains ont répondu OUI ! Si leur choix de me faire confiance a peut-être quelque chose à voir avec moi, ce choix a surtout quelque chose à dire sur eux !

Cinquante hommes africains offrent ainsi au monde un exemple unique d’engagement et conjuguent magistralement l’âme de la philanthropie et l’esprit de l’investissement.

Je m’appelle Kristine Ngiriye.

Mon nom signifie « au service de sa communauté ».


Serial-entrepreneure et venture philanthrope, Kristine Ngiriye est également le conseiller des leaders les plus influents du continent qu’ils soient dirigeants politiques ou chefs d’entreprise. Elle est la fondatrice et CEO de KN& Partners, une boutique conseil offrant des services spécialisés aux gouvernements et aux entreprises tels que le marketing politique, la promotion des investissements et le business-development international.  Auparavant, elle a dirigé le bureau régional pour l’Afrique centrale de Performances Group, le premier cabinet de conseil en stratégie d’Afrique francophone. Avant cela, elle était associée de Hill and Knowlton pour la région Afrique de l’Ouest. Elle est également la fondatrice d’Entreprenarium Foundation, une organisation qui fournit un soutien et un accès au financement aux femmes et aux jeunes entrepreneurs sur le continent africain. Cette année, Entreprenarium a lancé le Fonds «MenInvestInWomen», une plateforme d’investissement de 25 millions d’euros qui vise à encourager des hommes africains à être agents du changement pour l’égalité des genres.