Eurostat, institut communautaire d’étude chargé de l’information statistique à l’échelle européenne vient de faire paraître son baromètre 2017 sur la vie des femmes et des hommes. Réalisé à partir des données fournies par les instituts statistiques nationaux, ce rapport brosse un portrait très complet de la situation et des préoccupations des citoyen.nes de l’Union en même temps qu’il permet les comparaisons par pays, apportant ainsi de très utiles éléments d’informations pour la continentalisation des politiques économiques et sociales des Etats comme des organisations en leur sein.
Education : filles et garçons à égalité pour le niveau de diplômes
Les écarts d’accès à l’éducation entre femmes et hommes sont gommés à l’échelle européenne. Autant de filles que garçons atteignent le niveau primaire/collège. On trouve ensuite légèrement moins de filles au lycée mais davantage dans l’enseignement supérieur : les filles comptent aujourd’hui pour 53% des post-bachelier.es en Europe.
Seuls l’Allemagne, la Suisse et dans une moindre mesure le Luxembourg mènent moins de femmes que d’hommes au niveau des études supérieures. En revanche, Finlande, Estonie, Suède, Lituanie et Irlande marquent des écarts sensibles d’accès à l’université en faveur des femmes.
Emploi : le taux d’activité des femmes toujours inférieur à celui des hommes
Malgré ce bon niveau de qualification des femmes, leur taux d’activité global reste de 10,5 points inférieur à celui des hommes en Europe. La Scandinavie, les Pays baltes tirent les écarts vers le bas, mais la Grèce, l’Italie (avec chacune 18 points d’écart d’insertion dans la vie active entre femmes et hommes), la Roumanie (17 points), la République tchèque (15 points), la Pologne (13 points) contribuent à les creuser. On a bien une Europe à 2 vitesses pour ce qui concerne l’intégration des femmes sur le marché du travail.
Les écarts sont encore renforcés par la parentalité. Les pays qui ont le moins inséré les femmes dans la vie active avant l’arrivée du premier enfant sont ceux qui voient les écarts de taux d’activité monter en flèche pour les familles nombreuses : en Italie, par exemple, les femmes ayant 3 enfants ou plus sont deux fois moins nombreuses sur le marché du travail que les hommes dans la même situation familiale. A noter cependant que certains pays en bonne capacité d’intégration dans la vie active des femmes sans enfants tels le Royaume Uni ou l’Allemagne se retrouvent parmi les cancres de la rétention des femmes sur le marché du travail quand la parentalité d’en mêle. Est notamment mise en cause l’insuffisante structuration des systèmes de garde d’enfants.
Temps partiel : 3,6 fois plus de femmes que d’hommes concernés
31,9% des femmes en emploi sont à temps partiel en Europe. C’est 3,6 fois plus que les hommes. Autriche, Allemagne, Suisse, Belgique, Royaume-Uni, Luxembourg, République Tchèque dépassent ce ratio. En revanche, il est des nations quasi-égalitaires en matière de répartition femmes/hommes des temps partiels : Bulgarie, Roumanie, Lituanie. A noter que ce sont des pays où le temps partiel est de façon générale une pratique peu répandue, la règle de l’emploi étant celle du temps plein. A l’inverse, au Pays-Bas, le temps partiel est fortement ancré dans les moeurs : 76,4% des femmes en emploi y ont recours, mais aussi 26,2% des hommes. Certes l’écart genré est massif, mais la nation néerlandaise fait malgré tout figure de leader européen incontesté pour le taux d’emploi à temps partiel des hommes.
Encadrement supérieur : on atteint le tiers de femmes!
En 2012, les Européennes comptaient pour seulement 24% des senior managers. Il faut voir comme un vrai bond le taux de 33% annoncé aujourd’hui par Eurostat.
On peut espérer que c’est le signe d’une dynamique qui devrait permettre à la mixité de l’encadrement de progresser encore dans les années à venir. A suivre, donc.
Rémunération : les inégalités font de la résistance
L’analyse des salaires horaires bruts moyens confirme un écart salarial encore élevé : de 16,3% à l’échelle de l’Europe, il dépasse 20% au Royaume-Uni, en Autriche, en Allemagne, en République Tchèque et en Estonie. En revanche, il est inférieur 10% en Pologne, Belgique, Roumanie, Italie et Luxembourg.
La répartition par métiers/fonctions nous apprend qu’en Europe, l’écart atteint 23% au niveau directeur/directrice-cadres de directions-gérant.es contre 13% au niveau des « professions élémentaires » et 8% chez les employé.es de bureau.
Tâches domestiques et responsabilités familiales : le modèle traditionnel reste de mise
Les travaux ménagers et la cuisine, c’est pour elles : 79% des Européennes y consacrent tous les jours du temps contre seulement 34% des Européens. C’est en Grèce, en Italie et au Portugal qu’on partage le moins les corvées dans les foyers. A contrario, on popote et on brique davantage en duo dans les pays scandinaves.
Pour ce qui concerne les responsabilités familiales et les soins aux enfants, les hommes se montrent plus engagés : 68% d’entre eux s’occupent tous les jours de leur progéniture (92% des femmes, par comparaison). Même si partout en Europe, les femmes sont plus mise à contribution par la parentalité, plusieurs pays atteignent ou dépassent les 80% de pères investis : Suède, Slovénie, Portugal, Pays Bas.
Monoparentalité : une préoccupation majeure de la lutte contre la précarisation des femmes
Les Européennes sont 7 fois plus nombreuses que les Européens à vivre seule avec un ou plusieurs enfants. En moyenne, c’est 7,7% des femmes de 25 à 49 ans qui sont en situation de monoparentalité contre 1,1% des hommes de la même classe d’âge. Les chiffres s’envolent dans certains pays, comme en Lituanie où plus d’une femme sur 6 est à la tête d’un foyer monoparental. c’est près d’une sur 8 au Royaume Uni, une sur 10 en Suède, en France ou en Lettonie.
Le croisement des données sur la monoparentalité avec celles du taux d’activité des mères, celles du temps partiel et celles des écarts salariaux fait froid dans le dos : c’est une trappe à pauvreté à ouvertures multiples qui guette les mères européennes.
Loisirs, activités sportives et sociales : le besoin de temps pour soi!
L’INSSE établissait en 2010 l’écart de temps de loisir entre les femmes et les hommes à 18%. Les femmes ont moins de temps et d’occasions d’une vie à elle, dédiée à leur épanouissement personnel à leur vie sociale. Cela s’en ressent dans les écarts de pratiques sportives (elles sont 17% de moins que les hommes à faire du sport au moins 150 minutes par semaine). Elles sont en revanche légèrement plus nombreuses à avoir des activités culturelles et à interagir sur les réseaux sociaux.
Isolement des personnes âgées : les femmes deux fois plus touchées
40,1% des femmes de plus de 65 ans dans l’Union européenne vivent seules. C’est deux fois plus que les hommes (19,7%). Un fait en partie attribuable à l’espérance de vie supérieure des femmes (84,7 ans contre 80 ans pour les hommes) mais aussi à une moindre fréquence des ré-unions après divorce ou séparation.
A noter, en cohérence avec les études qui mettent en évidence les effets sur l’état général de l’isolement, un sentiment d’être en bonne santé de 6,5 points inférieur chez les femmes de cette catégorie d’âge que chez les hommes.
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE.