La revue de web
Chaque fin de mois, le blog EVE vous propose sa revue de web : un tour d’horizon des actualités marquantes sur le front de l’égalité, du leadership des femmes et du partage des responsabilités.
La boss du mois : Sophie Bellon prend la tête de Sodexo
Le SBF 120 n’est désormais plus dirigé par un club 100% masculin : en prenant la tête de Sodexo, Sophie Bellon fissure la paroi de verre qui fait obstacle à l’accès des femmes aux plus hautes responsabilités dans le monde économique.
Militante affichée de l’égalité professionnelle, elle évoque sans fards les stéréotypes dont elle aura elle-même fait l’objet au cours de son parcours, en cumulant le fait d’être une femme et d’être la « fille du patron ». Il lui aura fallu témoigner deux fois plus que d’autres de ses compétences pour se faire un prénom et une place dans un groupe où il a toujours été bien compris qu’on ne « confond pas arbre généalogique et organigramme« a-t-elle déclaré à l’AFP.
Aujourd’hui qu’elle prend les rennes de l’entreprise qui porte le fer de lance de la féminisation dans l’économie française (Sodexo se place au 1er rang du classement Challenges des sociétés « women friendly »), elle compte bien garder le cap et entretenir le cercle vertueux qui emmène de la mixité à la performance en passant par la qualité de vie au travail et l’innovation sociale.
L’action mixité du mois : toutes les fonctions ouvertes aux femmes dans les armées américaines et britanniques
Surprenant mais vrai : jusqu’en 2015, 10% des postes dans l’armée américaine étaient fermés aux femmes. C’en est désormais fini : « Elles seront autorisées à conduire des chars, à tirer au mortier et à diriger des soldats d’infanterie » a déclaré le Secrétaire de la Défense Ashton Carter, courant décembre, avec prise d’effet dès le début de cette année.
Dans une interview donnée aux Nouvelles News, l’historienne de l’armée et des conflits Elodie Jauneau, explique ce timing quasi synchro par les relations étroites qu’entretiennent de longue date la Défense américaine et la Défense anglaise. Non sans saluer une évolution socio-culturelle manifeste, répondant à la multiplication des vocations militaires féminines et résonnant avec les aspirations profondes des sociétés en matière de mixité.
Le symbole est fort et il pourrait porter dans le débat qui agite actuellement les associations américaines de vétérans à propos du refus réitéré d’accorder les honneurs militaires aux femmes pilotes qui ont combattu pendant la Seconde guerre mondiale.
Sur le sujet de la place des femmes dans l’armée, on notera aussi la parution, ce mois-ci, aux Editions Pierre de Taillac, du très beau livre de Jean-Marc Tanguy, L’armée au féminin, qui rend un juste hommage aux « oubliées de l’histoire » et autres figures de courage encore invisibilisées au temps présent.
De splendides port-folios en témoignages exclusifs de femmes cheffe largueur, spécialiste missiles, officière de renseignement et autres mécaniciennes, on a là un ouvrage indispensable pour faire tomber enfin tous les stéréotypes sur le prétendu sexe des métiers.
Les appels à la « révolution » du mois » : l’égalité en discussion à Davos
82% d’hommes, 18% de femmes : Le Forum Economique Mondial avait cette année encore pour dress-code recommandé le costume-cravate! De quoi faire dire à Christiane Amanpour, correspondante en chef de CNN International que « Davos a besoin d’une cinquième révolution industrielle : l’égalité femmes/hommes« .
Pour autant, la question de la mixité n’a pas été laissée complètement à l’écart de la rencontre des grand.es de ce monde.
Pour commencer, à la veille de l’ouverture du Sommet, WEF révélait une étude intitulée The Future of Jobs pointant le risque d’une « quatrième révolution industrielle » pénalisante pour les femmes. En effet, le déficit actuel d’étudiantes dans les filières scientifiques et technologiques puis de professionnelles dans le secteur STEM laisse présager une sur-masculinisation des « nouveaux métiers ». Ceux-ci étant a priori les plus porteurs pour l’emploi et le développement des carrières dans les années à venir, les auteur.es du rapport alertent carrément sur un risque massif de « perte de chance » pour les femmes et insistent sur l’urgence de mettre en place des politiques volontaristes pour embarquer l’ensemble de la population dans le mouvement de transformation qui oeuvre aujourd’hui à vive allure.
On a reparlé égalité à Davos le 22 janvier, lors d’une table ronde réunissant notamment la numéro 2 de Facebook Sheryl Sandberg (qui avait déjà créé un sacré buzz en lançant un pêchu « les hommes continuent à dirigier le monde et ça ne se passe si bien » le jour de l’inauguration) et le nouveau Premier ministre canadien Justin Trudeau (dont on rappelle qu’il estime ne pas avoir à justifier d’avoir composé un gouvernement paritaire tant cela lui semble une juste évidence) : la première a lancé le concept de « toddler wage gap » pour dénoncer la perpétuation des réflexes sexistes dans les modèles d’éducation ; tandis que le second en a appelé à la réhabilitation du mot « féministe » pour appeler un chat un chat quand on parle d’un combat dans lequel il faut engager tout le monde aujourd’hui, mais sans en faire oublier la profondeur historique.
http://youtu.be/ZzSq-mof_CI?t=1m13s
La pionnière du mois : Tsai Ing-Wen, première présidente de Taiwan
Pour la première fois, une femme vient d’accéder au rang de cheffe d’Etat à Taiwan. Tsai Ing-Wen crée une double alternance en portant le parti progressiste au pouvoir après plusieurs années de règne du Kuomintang et en remplaçant un homme n’ayant succédé qu’à d’autres hommes dans la fonction.
La presse internationale salue chaleureusement cette victoire en insistant sur le parcours méritant d’une personnalité non issue du sérail et privée de réseaux politiciens dont on sait l’importance pour seulement candidater aux élections dans cet Etat d’Asie du Sud Est.
Tsai Ing-Wen suscite de nombreux espoirs dans son pays : les femmes de l’île et celle de la Chine la regardent volontiers comme une icône de l’égalité, notamment du en raison de ses prises de positions libérales sur les questions de société ; la jeunesse, auprès de laquelle elle a particulièrement fait campagne, en attend beaucoup aussi, parce que son profil d’ancienne étudiante de la London School of Economics et d’entrepreneure fait écho à ses propres aspirations ; les seniors enfin, aux prises avec des difficultés de la vie quotidienne imputées à la politique économique de ses prédécesseurs apprécient le mix d’empathie, de modestie et de pragmatisme qui semble caractériser son style.
Le site pédagogique du mois : Sexisteoupas.com
Face à une image publicitaire, faite par définition pour adresser un message immédiatement impactant, il n’est pas toujours facile de cerner ce qui dérange, quand la « créa » fait parfois écho au déjà-vu et le trait (dit) d’esprit vire à la saillie sexiste.
Et si, pour s’y retrouver, on créait un indicateur, construit à partir de critères objectivables (tels que la représentation numérique des personnages dans un visuel, l’assignation de fonctions à un genre ou l’autre dans une mise en situation, les connotations plus ou moins scabreuses d’une formule ou d’un jeu de mots) pour définir un taux de sexisme dans la pub? C’est l’idée qu’a eu Thibault Di Maria, responsable de la communication du Centre Hubertine Auclert, annonçant sa double intention d’éduquer la population à lire les images à la lueur de la culture de l’égalité et de saluer aussi, les campagnes les plus vertueuses en matière de mixité.
Sur Sexisteoupas.com, chaque affiche, chaque spot se voit donc attribuer une « note » en fonction de son degré de sexisme, assortie d’un commentaire didactique justifiant celle-ci et proposant des pistes d’amélioration. Globalement très bien accueillie, l’initiative a cependant créé un peu de polémique sur les réseaux sociaux, certain.es actrices et acteurs du combat contre la pub sexiste s’étonnant que ce site ait l’air de se présenter en pionnier quand d’autres sont de longue date sur ce front.
Les gentlemen du mois : ils conditionnent leur mise en visibilité à celle des femmes
Au rang des initiatives notables en ce mois de janvier, notre revue de web revient sur le mouvement #JamaisSansElles, initié par des hommes influents (de la sphère de l’innovation technologique, mais aussi du monde scientifique, littéraire, académique et économique) pour exiger la parité dans les rencontres, colloques et autres plateaux d’expert.es où ils sont conviés.
Buzz énorme sur le web, à l’équivalent de celui créé par la défection de Riad Sattouf (puis de plusieurs autres illustrateurs à sa suite) de la liste des nominés au Grand Prix du Festival d’Angoulême.
Face à cette très pertinente action qui pourrait bien donner un sérieux coup de boost à l’engagement des hommes, une question impertinente est aussi posée par certain.es : comment se fait-il que lorsque des militantEs portent ce sujet de l’invisibilisation des femmes, elles soient au mieux peu entendues voire carrément renvoyées dans les cordes sans ménagement (selon la fameuse « Lewis law ») tandis que le même message porté par des hommes leur vaut de chaleureux compliments?
Une question ouverte sur laquelle on pressent que les gentlemen sincères et audacieux ayant répondu à l’appel #JamaisSansElles accepteront certainement de débattre…
Marie Donzel, pour le blog EVE.