Le Ministère des Droits des Femmes lançait il y a quelques semaines un grand concours de création graphique, littéraire et audiovisuelle pour les jeunes de 16 à 25 ans. S’attendait-il à recevoir plus de 3000 oeuvres originales, de filles et de garçons de toute la France, et à ce que faire un choix parmi celles-ci soit une épreuve tant elles étaient toutes plus pertinentes, raffinées et intelligentes les unes que les autres?
Il fallait bien au minimum la grande scène de la Gaîté Lyrique, vendredi dernier, pour accueillir les centaines de personnes venues assister à la remise des Prix EgalitéE, des jeunes participant-es au concours, mais aussi un bon nombre de ministres en exercice (du Premier d’entre eux, Jean-Marc Ayrault à celle des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem en passant par celle de la justice, Christiane Taubira et celui du développement Pascal Canfin) mais aussi la première ministre des Droits des femmes Yvette Roudy, une pléiade d’artistes confirmés (d’Eva Darlan à Pénélope Bagieu, membre du jury, en passant par André Manoukian, Cloé Korman et Riad Sattouf), de nombreux-ses journalistes, des représentant-es du monde de l’entreprise (dont Mercedes Erra)… Un aréopage de choix pour une soirée qui s’annonçait superbe, et à coup sûr placée sous le signe de la bienveillance, de l’optimisme et de la bonne volonté partagée.
Le blog EVE aussi y était…
Musique!
Après la diffusion d’une rétrospective particulièrement touchante sur les droits des femmes, qui a vu défiler les figures de la Résistante Germaine Tillion (qui sera prochainement panthéonisée), de la journaliste et secrétaire d’Etat à la condition féminine Françoise Giroud, des ministres Simone Veil et Yvette Roudy, de l’éditrice Antoinette Fouque (récemment disparue), entre autres célèbres ou anonymes, la soirée, animée par Frédérique Bedos, a été officiellement ouverte en musique…. Et en danse. La salle toute entière a vibré en écoutant la phénoménale Zaho entonner le refrain de « C’est chelou » tandis que les jeunes pousses de l’association L dans la ville, qui promeut le sport au féminin dans les quartiers, exécutaient une chorégraphie débordante d’énergie.
Puis Najat Vallaud-Belkacem, accueillie en star par l’assemblée, est montée à la tribune raconter la genèse de ce prix EgalitéE et dire toute l’admiration que lui avaient inspirée ces si nombreuses créations artistiques de jeunes de 16 à 25 ans qui s’étaient emparé-es avec tant d’enthousiasme et de talent du thème. Il lui a aussi bien fallu dire une réalité que d’aucun-es voudraient parfois minimiser : la prépondérance des oeuvres prenant pour sujet les violences faites aux femmes est un signe fort de l’inquiétude que représentent encore aujourd’hui ces violences pour la jeune génération. Un signe qu’il faut entendre, une urgence face à laquelle il faut agir.
Ce sont des hommes qui sont venus après elle, porter le sujet sur la scène, trois comédiens aux mains tremblantes d’émotion quand ils lisaient des extraits de l’ouvrage Blessures de femmes de Catherine Cabrol.
Troisièmes et deuxièmes prix
Riad Sattouf et Pénélope Bagieu, membres du jury leur ont succédé sur scène pour annoncer les noms des lauréates des troisièmes prix* : Maud, la créatrice d’une affiche nommée « Femmes, reprenons la nuit », Laura Pageot, l’auteure d’une stéganographie futée à la Sand et Musset sur l’égalité et son envers, et Clélia NGuyen, la réalisatrice d’une vidéo mettant en scène le sexisme de rue.
Après un intermède poignant en forme d’avant-première de la pièce Arrange-toi de la Compagnie AnteprimA, ce sont Najat Vallaud-Belkacem et la romancière Cloé Korman qui ont annoncé le nom des deuxièmes prix : l’affiche « Toutes des Simone » créée par Albane Bobin et Alice Malthais, le texte « Main courante » de Sarah Dinelli et la vidéo parfaitement irrésistible de Zoé Dunand, Myrtille Breton, Jade et Julie Roubert, quatre marseillaises de 18 ans au sens affûté de l’irrévérence comme levier de la conscience**.
La poule et le renard, la valse de Marylore et Desperate Blanche Neige
Avant la remise des Premiers Prix, la scène a été laissée à Joris Bernard, lauréat du concours du Mémorial de Caen et auteur d’une sensationnelle plaidoirie pour l’égalité femmes/hommes, digne à la fois d’un monologue de Beaumarchais et d’un discours de grand-e leader politique. Qui ne frissonna pas au son de cet ardent plaidoyer sans faute n’était pas humain-e! Non plus qui n’eut la chair de poule en entendant Inna Modja interpréter « La Valse de Marylore », une chanson spécialement écrite pour la Journée Internationale des Droits des Femmes.
Mais s’il y avait de quoi avoir la gorge nouée, plus d’une fois au cours de la soirée EgalitéE de vendredi dernier, le rire était aussi au rendez-vous. Nadia Roz (dont nous parlait récemment Olivia Moore) est venue jouer son sketch « Desperate Blanche Neige » qui n’a pas fait seulement sourire le premier rang des personnalités officielles, mais bien se tordre de rire la salle toute entière (ministres et leurs conseiller-es compris-es). Il faut dire que le regard que l’humoriste porte sur les tâches ménagères et leur répartition à peine inégalitaire fait un bien fou par où ça passe, les zygomatiques en l’occurrence.
http://youtu.be/P3RMaQ6YznA
And the winners are…Enfin, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a pris le micro pour dévoiler le nom des premiers prix : dans la catégorie affiches, un détournement bien senti de la « Pipe » de Dali en « No gourde » par Marina Fabre et Valentine Dervaux ; dans la catégorie textes, un témoignage bouleversant d’Emma Rozier, une jeune femme de 21 ans qui assume à visage découvert avoir déjà rencontré la violence conjugale ; dans la catégorie vidéo, un chef d’oeuvre que « l’imagier de l'(in)égalité » proposé par les soeurs Capucine et Coline Madelaine.
Oui, les mots sont laudatifs pour faire le récit de cette soirée comme pour qualifier les créations de ces jeunes de 16 à 25 ans qui ont mis toute leur imagination, tout leur art, tout leur sens du travail en équipe, aussi pour agir contre les inégalités. Mais ces mots ne sont pas trop forts pour dire quel signe d’encouragement, quel motif d’optimisme est-ce de constater à quel point la jeunesse a un talent fou pour l’EgalitéE.
Marie Donzel, pour le blog EVE
*Le concours était évidemment mixte. Si seules des filles ont emporté des Prix, il a été précisé au cours de la cérémonie que le jury avait sélectionné les oeuvres à l’aveugle, sans connaître ni le nom, ni le genre, ni l’âge, ni l’origine géographique des candidat-es.
** Toutes les créations citées dans cet article sont visibles sur le site EgalitéE