Nous avons appris hier la disparition d’Albert Jacquard.
Généticien de renom, c’était un intellectuel remarquable, un pédagogue hors-pair et plus que tout, une figure humaniste essentielle de notre époque, de longue date engagée pour la liberté d’être soi et l’égalité entre toutes et tous. Nous voulons rendre hommage à l’homme et aux indispensables travaux de recherche que toute sa vie, il s’est attaché à mettre à la portée du plus grand nombre.
Paru en 1978, son Eloge de la différence pose les bases d’une pensée de la diversité et de l’égalité qu’il ne cessera plus de transmettre : ce que nous apprend la biologie, y dit-il, c’est que « notre richesse collective est faite de notre diversité. « L’autre », individu ou société, nous est précieux dans la mesure où il nous est indispensable. »
D’ouvrages scientifiques en essais sur la bioéthique, de chefs d’oeuvre de vulgarisation en livres pour enfants, d’entretiens avec ses pairs (Axel Khan, Joël de Rosnay, Jean-Marie Pelt…) comme avec d’autres personnalités que notre monde questionne (L’Abbé Pierre, Jacques Lacarrière, Théodore Monod…) en manifestes philosophiques sur la responsabilité, la durabilité, l’intégrité ou la citoyenneté, cet incorrigible optimiste a infusé toute la réflexion sur l’égalité des trente dernières années.
Promoteur inlassable du droit qu’a chacun-e d’être soi et d’exprimer sa différence, Albert Jacquard était invité il y a trois ans à parler de l’égalité femmes/hommes dans l’entreprise devant un parterre d’étudiant-es en management : rappelant que « l’humain ne se reproduit pas, mais procrée« , que chacun-e de nous est donc bien une « véritable création« , il affirmait que la plus belle « invention » de l’humanité, c’est « la rencontre » entre toutes les créations uniques que nous sommes, cette « possibilité que nous avons de nous enrichir de tout ce qui se passe dans le cerveau de l’autre« et que cette « rencontre », il faut toujours la favoriser et à tout prix la « respecter« . Lui donner toutes les chances de se produire en donnant la parole à toutes et tous, en franchissant les obstacles qui nous séparent les un-es des autres et en nous mélangeant le plus possible.
Et de conclure cette éloge de la mixité ainsi : « La hiérarchie homme/femme est le prototype de la hiérarchie ridicule. Est-ce qu’une femme ressemble à un homme? Non. Mais est-ce qu’un homme ressemble à un autre homme? Evidemment que non plus. Nous sommes tous la victoire de la différence. »
Marie Donzel
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