Le corpus législatif contient parfois de drôles de curiosités, qui perdurent dans le temps, témoignant d’une époque passée où les enjeux de société étaient différents et les rapports de genre conçus autrement…
Ainsi, jusqu’il y a quelques jours, une drôle de mesure, presque charmante tant elle était désuète (quoique complètement anticonstitutionnelle) avait encore cours à Paris : l’interdiction faite aux femmes de porter le pantalon dans les lieux publics sans autorisation du préfet. Cette vieille ordonnance du 16 brumaire an IX (7 novembre 1800) qui menaçait d’emprisonnement les femmes coupables de « travestissement » vient d’être abrogée.
Il aurait été cocasse qu’avant cela, des femmes décident en masse, d’inonder la préfecture de courriers pour solliciter la fameuse autorisation exigible par les autorités. Finalement, l’habitude et l’évolution des moeurs ont fait d’elles-mêmes le travail de discréditation de la mesure sexiste, sans actions de revendications ciblées.
Reste que le discours tenu par l’ordonnance du 16 brumaire an IX n’est pas sans enseignement, encore pour aujourd’hui. Car l’intention affichée de ce texte était de remettre à leur place les amazones de 1789 qui s’étaient un peu cru tout permis après la Révolution. La petite histoire du pantalon en dit peut-être un peu plus long sur une certaine tentation de préserver des rapports de genre figés même dans les grands mouvements de transformation.
Les polémiques actuelles autour des quotas de femmes dans les instances dirigeantes et la résistance parfois observée au leadership féminin contiennent-elles, elles aussi une part de tentation de remettre les amazones de 2013, à leur place?
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Marie Donzel
Lire aussi :
– notre billet sur le spectacle Olympe de Gouge, porteuse d’espoir
– notre coup de g*** sur une campagne de promotion de soutien-gorge : Pas de bra, pas de confiance en soi?
Comments 3
Absolument, chaque période d’accession au pouvoir des femmes est suivie d’une remise au pas et au silence des femmes. La « féminisation » de la société, dangereuse pour les hommes est invoquée. On parle alors de « crise de la masculinité » dont on trouve des traces dans la littérature depuis le 16e siècle. Des femmes avaient accédé au pouvoir au Moyen Age. La loi salique y mit fin. La Renaissance est considérée comme le grand « renfermement » des femmes.
La révolution française n’a pas échappé à ce mouvement. Il est encore plus cocasse de savoir que républicains et royalistes s’affrontaient en se renvoyant cette même image de dégénérescence liée à la féminisation.
Aujourd’hui nous avons Eric Zemmour qui rencontre beaucoup de sympathie. Comme cet homme monté sur une grue (quelque soit son malheur personnel) qui s’en prenait hier soir aux « bonnes femmes du gouvernement ».
A chaque fois on dit « les femmes ou les féministes sont allées trop loin ». Comment faire pour exister avec les hommes en partageant les responsabilités? C’est un des thèmes que nous aborderons au prochain colloque InterElles: « La mixité: pourquoi résister? »
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