La revue de web du blog EVE
Egalité pro, mixité, leadership partagé… Quels ont été les temps forts sur ces fronts au cours des deux derniers mois ?
Pendant les vacances, le blog EVE a gardé un oeil sur la toile et vous propose, en cette veille de rentrée, une revue des actus qu’il ne fallait pas manquer cet été.
Bientôt une femme à la tête de l’ONU?
Le mandat de Ban Ki-Moon à la tête de l’ONU s’achèvera en décembre 2016. Les discussions vont déjà bon train pour savoir qui lui succèdera. Pourquoi pas une femme, puisque seuls des hommes ont occupé le poste depuis 70 ans que l’Institution existe? Quelques grandes figures féminines internationales (Christine Lagarde, Helle Thorne-Schmidt, Irina Bokova, Hellen Clark ou Michelle Bachelet) sont précisément bien positionnées, comme le faisait remarquer au printemps dernier le magazine Grazia. Et l’ONG Equality Now de compléter encore cette liste de candidates légitimes.
Mais l’ONU qui promeut avec ferveur une plus grande participation des femmes à l’économie et à la vie politique partout dans le monde est-elle prête à se challenger elle-même sur le partage des responsabilités? Oui, répond un quart des pays membres par la voix de leurs représentant-es, rassemblé-es en club des « ami-es de la candidature d’une femme au poste de Secrétaire Général des Nations Unies ».
Associated Press, qui a sorti l’info mi-juillet, dans ce qu’il faut bien appeler une relative indifférence médiatique (en France, seul le PurePlayer Les Nouvelles News l’a reprise), note que la partie n’est cependant pas gagnée : non seulement, il reste trois quarts des ambassadeurs/ambassadrices à convaincre, mais surtout, les membres permanents du Conseil de Sécurité, dont aucun n’a pour l’instant répondu à l’appel des « ami-es de la candidature d’une femme ». Or c’est cette à instance qu’il revient, dans des conditions parfois discutées, d’émettre une recommandation pour la nomination du Secrétaire Général ; le vote de l’Asemblée générale ayant jusqu’ici peu ou prou été considéré comme une formalité.
Autrement dit, l’appel à la nomination d’une femme au poste de Secrétaire Général rejoint une demande réitérée (portée notamment par le collectif 1 for 7 billions) de meilleure transparence des process de sélection des dirigeant-es de la plus importante organisation internationale de la planète. Ou quand la question de la place des femmes entraîne (une nouvelle fois) celle du changement des façons de reconnaître et de faire…
La notion d’ « agissement sexiste » entre dans le code du travail français
« Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » La formule est claire, nette et précise, qui entre officiellement dans le droit du travail français, par la grâce d’un amendement à la loi relative au dialogue social, définitivement adoptée par le Parlement le 23 juillet 2015.
Pour Brigitte Grésy, dont le récent rapport sur le sexisme dans le monde du travail déplorait précisément le flou juridique entourant les actes et paroles portant atteinte à la dignité des individus en raison de leur genre, c’est une « pépite inattendue« : fini le tabou autour du mot « sexisme », qui désormais désigne officiellement, à l’équivalent du « racisme » ou de l’ « homophobie » un comportement délictueux (et non le fruit de rapports femmes/hommes culturellement installés, avec lesquels il faudrait tant bien que mal composer, dans la vie professionnelle comme dans la vie privée). Fini aussi le temps du « bricolage » pour s’en défendre (quand il fallait le plus souvent « reclasser » la situation d’agression sexiste en cas de harcèlement moral) : l’experte dit maintenant attendre de la jurisprudence qu’elle ancre dans le réel une disposition légale sur laquelle on compte beaucoup pour faire progresser l’égalité effective entre les hommes et les femmes.
Netflix instaure le congé parental « illimité » : belle avancée ou cadeau empoisonné?
Terreau fertile de toutes les innovations, la Sillicon Valley n’est pas en reste sur le plan de l’expérimentation sociale : après la proposition (très débattue, pour ne pas dire franchement polémique) de Facebook et Apple de financer la congélation d’ovocytes de leurs salariées afin de leur épargner le fameux dilemme bébé/carrière à la trentainte, après la suppression de la négociation salariale à l’embauche décidée par Ellen Pao chez Reddit pour réduire les écarts de rémunération qui découleraient de la moindre assertivité des femmes quand le sujet de l’argent vient sur la table voici que Netflix annonce la création d’un congé parental rémunéré et « illimité » (d’un an maximum, en réalité.
En entendant la nouvelle, d’aucun-es ont bondi de joie, estimant que le géant de l’audiovisuel allait montrer la voie à d’autres entreprises, dans un pays qui ne connait pas de congé maternité obligatoire. Hasard, coïncidence, rencontre de grands esprits ou effet vertueux de la concurrence, Microsoft annonçait justement deux jours après Netflix son intention d’allonger de 4 semaines le congé maternité de 2 mois que la société accorde dejà à ses collaboratrices.
Mais des voix plus critiques se font aussi entendre : quand on apprend que la généreuse mesure ne s’adresse qu’à une partie des salarié-es du groupe, on s’inquiète de voir la protection sociale s’installer non pas en droit pour toutes et tous mais en avantage sélectif, destiné à attirer et retenir une seule population de « talents », quitte à renforcer les inégalités sociales dans leur ensemble. On s’interroge aussi sur les effets possiblement pervers de la « culture de liberté et de responsabilité » que promeut et met en oeuvre Netflix au travers d’un certain nombre de mesures, dont ce congé « illimité » : en laissant chacun-e apprécier son droit au repos et au temps de la vie personnelle pourvu que le travail soit fait et bien fait, ne risque-t-on pas paradoxalement d’encourager l’excès de zèle et le sur-engagement?
L’autorité au féminin, toujours mal perçue?
Il y a un peu plus d’un an, Sheryl Sandberg lançait sa campagne « Ban Bossy! » pour mettre en échec le plus poisseux des stéréotypes sur le leadership au féminin : celui qui caricature toute femme grimpant dans les échelons de la hiérarchie et faisant montre d’autorité dans l’exercice du pouvoir en « dragon lady » carriériste, cassante et carnassière, « pire que les hommes » et « terrible avec les autres femmes« . Le cliché a-t-il, sinon vécu, au moins reculé, au cours de la période récente?
Une étude de l’institut de formation VitalSmarts révèle qu’au contraire, il a le cuir épais et porte très concrètement préjudice aux femmes : testant les réactions d’une assemblée au comportement d’une femme manager lors d’une réunion, les analystes ont constaté que l’appréciation de sa compétence se trouvait discréditée de 35% quand elle faisait preuve de poigne… L’excès d’autorité est également mal vu chez les hommes, mais quand on interroge le panel sur la sanction financière que mériterait la « bossy attitude » caractérisée, il en sort une pénalité salariale de 7000 $/an pour Monsieur contre 15 000 $ pour Madame.
Pour les consultant-es de Valsmart, cette sévérité accrue à l’endroit des femmes qui ne prennent pas de gants de velours trouverait sa source dans une asymétrie d’interprétation des émotions au travail : celles des femmes, quand elles prennent le visage de la brusquerie, de la colère ou de l’exaspération seraient regardées comme des signes de perte de contrôle, faisant douter de leur sang-froid ; quand celles des hommes sous les mêmes traits, seraient culturellement mieux acceptées, quoique pas forcément considérées comme des signes probants de leadership. En résumé, personne ne veut d’un management agressif, mais encore moins si c’est une femme qui l’exerce.
En attendant de pouvoir faire entendre, sur le principe, qu’une femme qui élève le ton n’est pas plus (ni moins) condamnable qu’un homme qui en fait autant, les expert-es de Vitalsmart recommandent à celles qui se trouvent en situation de serrer la vis, de concentrer leurs efforts sur la mise en contexte : au cours de l’étude, les femmes managers qui ont pris le temps de rassurer sur leur honnêteté et leur volonté d’agir en transparence avant de prendre une position particulièrement ferme, ont vu chuter de 27% le préjugé sexiste à leur égard. Le conseil (de management humain, tout simplement) vaut aussi pour les hommes, ça va de soi!
Sur le web, une femme a 5 fois moins de chance qu’un homme de tomber sur une annonce de job bien payé
Recherche d’emploi, networking… Nous ne pouvons plus nous passer d’Internet pour notre développement professionnel. Mais femmes et hommes en quête d’un job sont-ils égaux face à leur navigateur?
Pour en avoir le coeur net, trois chercheur-ses de l’Université de Carnegie Mellon ont mené une instructive expérience : ils ont créé 17 000 faux profils d’utilisateurs du web, pour moitié des femmes et pour moitié des hommes, sans autre critère différenciant, et leur ont « montré » 600 000 annonces d’emploi sur 100 sites de recrutement. Ensuite de quoi, ils ont observé le « comportement publicitaire » du navigateur avec chacun des profils. Et là, surprise : les utilisateurs de sexe masculin ont été exposés 1800 fois à des annonces pour des postes de cadres sup et « exec », entre autres pubs pour du coaching de dirigeant, quand les utilisatrices n’ont « vu » qu’un peu plus de 300 fois de telles propositions. Le constat est sans appel : le « contenu suggéré » n’est pas le même, selon que l’on soit un ou une internaute, et cela, avant même que nos historiques de navigation n’ait commencé à parler de nos centres d’intérêt.
Les rapporteur-es de l’étude ne s’en étonnent pas, rappelant que le profilage marketing est par essence discriminant puisqu’il est dans sa nature même de cibler des catégories de population dans le but assumé de leur proposer des offfres dédiées. Ici la catégorie homme est manifestement visée par l’offre « bon job »!
Mais qui en porte la responsabilité? Les annonceurs, qui seraient a minima dans l’inconscience que leurs offres d’emploi sont rédigées avec des biais de genre et au pire dans l’illégalité s’il s’avérait qu’ils agissent délibérément pour privilégier les hommes dans l’accès à l’information sur les meilleurs postes? L’algorithme du moteur de recherche dont les automaticités complexes ne seraient pas exemptes d’influences culturelles? Les chercheur-ses de Carnegie Mellon reconnaissent ne pas être encore en mesure de répondre à cette question qui exige une étude approfondie des mécanismes ultra-sophistiqués de ce qu’ils appellent « la boîte noire » du web-advertising.
Conclusion : en attendant de comprendre pourquoi la recherche d’emploi sur le net est si inégalitaire et de pouvoir agir pour la rendre plus fair, il est recommandé à celles qui cherchent un boulot à la hauteur de leurs talents de continuer à aller quérir l’info au-delà du seul « contenu sponsorisé ».
« Rien ne t’arrête », la nouvelle campagne « girl power » d’Always
Il y a un an, la marque Always s’attaquait aux stéréotypes, avec sa campagne « like a girl » montrant des fillettes et adolescentes bien décidées à tordre le cou aux complexes et à faire savoir au monde entier qu’elles ne se sentaient pas moins d’énergie, de puissance et de volonté que leurs camarades garçons.
Vu par 86 millions d’internautes, récompensé par un Lion d’Or à Cannes et plébiscité par les Facebook Awards, le film « like a girl » a fait d’une pierre deux coups en s’imposant et en modèle de campagne digitale et en chef de file de la tendance anti-sexiste dans la pub.
Comme on ne change pas une formule qui fait recette, la marque revient en deuxième saison avec le film « rien ne t’arrête » qui, six semaines après sa mise en ligne, a déjà recueilli plus de 40 millions de vues.
Marie Donzel, pour le blog EVE.