Comment l’égalité femmes/hommes progresse à travers le monde
Depuis 2006, le Forum Economique Mondial fait paraître à intervalle régulier son baromètre des inégalités femmes/hommes à travers le monde. L’édition 2013 du « Global Gender Gap Report » vient de paraître.
Nous faisons le point sur les grandes tendances qui en ressortent.
Le quarté nordique
Le quarté de tête des pays les plus égalitaires n’a pas changé depuis 2006 : Islande, Finlande, Norvège et Suède obtiennent un « score d’égalité » supérieur à 0,8. Il faut en comprendre que ces pays sont parvenus à combler plus de 80% des inégalités femmes/hommes.
Pour les rapporteur-es de l’étude, il faut aller chercher du côté de la reconnaissance précoce des droits politiques des femmes dans ces pays : la Finlande leur a accordé le droit de vote et d’éligibilité en 1906, la Norvège en 1913, l’Islande en 1915 et la Suède en 1919.
De cette avance dans la représentation des femmes dans l’espace décisionnel public découlerait une culture installée de la mixité et du partage des responsabilités, appuyée en large partie sur un Etat Providence sophistiqué offrant notamment une politique familiale favorable au travail des mères.
Les progrès de l’égalité dans le monde
Au-delà des cas Nord-Européens, ce que révèle aussi le baromètre, c’est que le « gender gap » décroit (très) légèrement dans 2/3 des pays. Dans un contexte général de stagnation (à tendance faiblement positive) des progrès de l’égalité, certaines régions du monde, notamment en Amérique latine, se montrent cependant plus dynamiques.
Aussi, le classement par pays (du plus au moins égalitaire) fait-il reculer le Luxembourg, le Portugal, l’Espagne, la Russie ou le Japon au profit de la Colombie (qui gagne près de 30 places!), de l’Equateur ou du Mexique. Mais aussi du Sénégal ou des Pays Baltes.
Le cas français
Quant à la France, qui avait hérité d’un bonnet d’âne en 2012 avec une très décevante 57è place, elle retrouve à peu de choses près son rang de 2010 : elle est 45è sur 136. Cette remontée de l’Hexagone dans le classement est à attribuer, selon les observateur-es à la prise en compte de la constitution d’un gouvernement paritaire et du bond de la représentativité des femmes à l’Assemblée nationale après le scrutin de mai 2012.
A y regarder de plus près, la France doit surtout son 45è rang à ses excellentes performances en matière d’éducation et de santé des femmes… Et il n’en faut pas moins pour rattraper son retard en matière d’égalité salariale, critère pour lequel notre pays prend la 129è place sur 136!
Répartition par indicateurs : des « modèles d’égalité » à relativiser
La répartition par indicateurs clés est effectivement instructive en ce qu’elle permet de relativiser la notion de « nations modèle » pour l’égalité en mettant en évidence les points d’efforts pour chaque pays.
Ainsi, Finlande exceptée, les Pays Nordiques, extrêmement bien notés pour l’empowerment politique et le niveau d’éducation des femmes surprennent par leurs scores médiocres en matière de santé des femmes (l’Islande se classe par exemple, en 97è position selon ce critère).
Dans le même ordre d’idées, de nombreuses nations obtiennent un rang global satisfaisant en se montrant cependant à la traîne pour ce qui concerne la participation des femmes à l’économie : Equateur, Argentine ou Cap Vert semblent ainsi mieux réussir l’empowerment politique au féminin que l’égalité professionnelle. C’est aussi vrai pour l’Irlande, l’Autriche ou l’Espagne.
A l’inverse, les Etats-Unis se classent en bonne position pour l’éducation et l’accès aux opportunités professionnelles, mais perdent des places au palmarès à cause d’une insuffisante représentation des femmes en politique.
Il apparait en conclusion qu’il ne faut pas comprendre le baromètre du Forum Economique Mondial comme un classement par trop caricatural des « pays où il fait bon être une femme ». Il est davantage à lire comme un outil d’évaluation des impacts de l’action politique et économique pour faire progresser l’égalité dans toutes ses dimensions : privée et publique, en droit comme dans la réalité effective, pour les femmes de toutes catégories sociales, sur les plans divers de l’existence, au court comme au long terme. Considérant cette multiplicité des variables, le monde entier a vraisemblablement encore des efforts à faire.
Marie Donzel
(c) toutes images : Forum Economique Mondial
Méthodologie : Comment le Gender Gap est-il construit?
Le Forum Economique Mondial retient 4 critères pour évaluer l’état d’une nation au regard des inégalités femmes/hommes :
– la participation des femmes à la vie économique (comprenant la rémunération et l’accès aux postes à responsabilité)
– le niveau d’éducation des femmes
– l’empowerment et la représentation des femmes en politique
– la santé et l’espérance de vie
Les données exploitées sont pour l’essentiel fournies par l’ONU, l’OIT et l’OMS.
En 2013, la situation de 136 pays a été analysée, ce qui représente 93% de la population mondiale.