Rencontre avec Marc Benoît, Directeur Général des Ressources Humaines de Danone
Marc Benoît est DGRH du Groupe Danone depuis janvier 2014.
Venu du « business », il porte sur la fonction RH le regard heureux de celui qui a pour passion le développement des femmes et des hommes dans l’entreprise.
A la tête d’une fonction au cœur des grands défis que le groupe Danone se fixe pour les années à venir, il entend innover en tout… Y compris en challengeant les modèles d’innovation!
Rencontre.
Eve le blog : Bonjour Marc, pouvez-vous, comme c’est la tradition sur le blog EVE, commencer par retracer brièvement votre parcours ?
Marc Benoît : J’ai occupé différents postes dans des fonctions marketing puis à des positions de dirigeant de business units avant de prendre, il y a deux ans, la direction générale des Ressources Humaines du Groupe Danone.
Mais je ne suis pas un cas si à part : peut-être aurez-vous noté que sur 8 nouveaux DRH du CAC 40, 7 viennent, comme moi, du business. J’y vois le signe d’une nouvelle vision à la fois des RH, qui sortent de leur position de ‘fonction support » pour devenir un véritable levier stratégique pour la performance, et du business qui intègre le facteur humain en meilleure conscience de sa complexité et de ses évolutions.
Eve le blog : Et dans votre cheminement personnel, qu’est-ce qui a motivé votre désir de prendre des fonctions RH ?
Marc Benoît : Dès les débuts de ma carrière, j’ai pris conscience que ce qui m’intéressait vraiment, c’était le management. C’est par là que le changement arrive, que les innovations se font, que les grandes aventures entrepreneuriales s’accomplissent. Je me suis donc toujours intéressé en premier lieu à la dimension humaine dans le projet d’entreprise.
Ensuite, j’ai eu une vraie révélation quand, en prenant mon premier poste de DG, j’ai découvert le coaching : coaching personnel et coaching d’équipe. Prendre le temps de se connaître soi, comme de rencontrer vraiment les autres, apprendre à savoir qui l’on est, ce que l’on veut, approfondir la relation à soi-même comme à son environnement, tout cela m’a convaincu que « ressource humaine » n’est pas un vain mot : on parle bien de richesse, à découvrir, à préserver, à cultiver, à fertiliser et faire croître…
Eve le blog : Concrètement, comment s’incarne cet état d’esprit dans le projet RH de Danone que vous mettez en œuvre?
Marc Benoît : Il y a trois priorités pour les RH de Danone : l’organisation (il nous faut innover pour sortir des silos et favoriser la collaboration), les talents (qu’il faut savoir attirer et développer, sur un marché des hauts potentiels devenu très compétitif) et la valeur sociale (qui est au cœur du double projet de Danone, aujourd’hui plus vivant que jamais).
Ces trois piliers sont directement au service du projet de transformation Danone 2020.
Eve le blog : Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce projet Danone 2020?
Marc Benoît : Danone 2020 s’incarne dans le Manifesto qui réaffirme les valeurs fondamentales du double projet économique et social de l’entreprise, avec un accent particulièrement porté sur la question de la santé et 3 grands axes : l’alimentation, les cycles, les femmes & hommes et l’organisation.
Eve le blog : Prenons-les un par un. D’abord l’alimentation : quels sont les grands enjeux d’aujourd’hui et demain sur ce terrain?
Marc Benoît : L’alimentation, c’est la question de santé prioritaire, aujourd’hui, partout sur la planète. Avec des problématiques différenciées selon les régions du globe et les cultures.
On sort de l’idée d’une alimentation strictement fonctionnelle. On a fait le constat de l’échec des modèles d’uniformisation des pratiques de production globalisée dont on a vu les dégâts en termes de santé, d’environnement, de société… Pour passer à autre chose, il n’y a pas que le bon sens, c’est aussi une question d’innovation. Mais d’innovation décentralisée, en phase avec les besoins, les ressources et les cultures des populations.
Eve le blog : Le deuxième axe identifié, ce sont « les cycles » . Qu’entend-on par là?
Marc Benoît : Là encore, il s’agit d’opérer une rupture pour passer d’une vision « supply chain » à un regard global sur les cycles de l’eau, du lait, de l’emballage etc.
On pense au recyclage, bien sûr, mais la vision « cycle » va au-delà de simples bonnes pratiques à adopter : c’est toute une approche écosystémique du business qu’il faut intégrer.
Eve le blog : Enfin, vous nous avez parlé de l’axe « les femmes & hommes et l’organisation »…
Marc Benoît : En cohérence avec les nouvelles visions que je viens d’évoquer, il faut imaginer de nouvelles façons de travailler, plus collaboratives, plus souples, plus fluides.
Par exemple, nous avons eu, comme dans beaucoup de multinationales, des filiales qui ne se parlaient jamais. Pour remédier à ce défaut de connaissance réciproque et de dialogue, nous avons mis en place une plateforme commune, One Danone, qui offre un cadre aux DG de nos différentes filiales pour échanger.
L’objectif est d’étendre à moyen terme ce dispositif à l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs, afin de créer partout des dynamiques de convergences mais aussi de favoriser l’émergence et le partage de nouvelles idées.
Eve le blog : Pour conclure cet entretien, nous aimerions revenir sur le sujet des talents… Pourquoi est-ce devenu, pour toutes les organisations, un enjeu clé mais aussi parfois un casse-tête?
Marc Benoît : Pour répondre à cette question, il est tentant d’invoquer immédiatement les aspirations de la GenY, qui mettent les entreprises au défi de trouver de nouveaux arguments pour attirer des hauts potentiels très exigeants. Mais il ne s’agit pas de faire des promesses intenables ni de se renier. Les valeurs et la culture d’une entreprise ne sont pas forcément caduques quand il semble que les jeunes n’y adhèrent pas ou plus ; c’est peut-être dans la façon de les incarner et de les donner à vivre qu’il faut se renouveler. Chez Danone, nous avons la conviction que les valeurs profondes de l’entreprise sont en forte résonance avec les attentes des nouvelles générations. Peut-être avez-vous vu passer notre dernière campagne mondiale « marque employeur » qui réaffirme ce socle culturel de l’entreprise, avec de nouveaux codes de communication.
Par ailleurs, le sujet « talents » n’est pas que celui du recrutement, il s’agit aussi de faire grandir ces talents de tous âges et de tous horizons, d’offrir à chacun la possibilité de développer son leadership. Pour cela, il y a deux ingrédients : des individus conscients (de leur unicité, de leurs environnements, de leur rôle et de leurs responsabilités) et un contexte favorable à la responsabilisation et à l’expression du potentiel des personnes. Nous déployons actuellement des expériences de « revue de talents pour tous » dans plusieurs pays… Avec des résultats très encourageants : au Mexique, par exemple, nous avons 57% de nos managers qui sont entrés dans l’entreprise en « first line », c’est à dire en bas de l’échelle ou quasi. Ce type de dynamiques doit nous inspirer, dans les filiales des pays occidentaux, notamment en France où l’on sait le poids du diplôme et la dureté des plafonds de verre auxquels se heurtent toutes celles et tous ceux qui n’ont pas toutes les cartes en main… Ce sont les règles, et non les joueurs, qu’il faut changer !
Propos recueillis par Valérie Amalou et Marie Donzel, pour le blog EVE.