Témoignage de Pauline Rochart, 23 ans, diplômée de l’EDHEC, actuellement en stage chez Danone.
Comme Emmanuelle Duez, la co-fondatrice de Women’Up, que nous avons interviewée il y a quelques semaines, Pauline Rochart est une « Y ». Une vraie de vraie : diplômée, dynamique, déjà dotée d’une belle expérience professionnelle (une mission économique à l’étanger, un stage au marketing de L’Oréal, un stage en cours dans l’équipe Centrale Innovation de Danone), elle n’a pas la langue dans sa poche mais a au contraire une solide volonté d’affirmer ce que sont ses priorités. La première d’entre elles : parvenir à concilier carrière professionnelle et épanouissement personnel.
Préparant actuellement un mémoire de fin d’études sur l’entrepreunariat féminin, elle est tombée, au cours de ses lectures, sur un chiffre ébouriffant : 44% des femmes de 25-29 ans seraient tentées par « le retour à la maison ». Elle a souhaité réagir à cette information. Voici son témoignage :
« Dans le cadre de mon mémoire de fin d’études sur la culture entrepreneuriale chez les femmes, j’ai passé mon week- end ensoleillé à butiner : parcourir les études, surligner mes livres tout neufs, glaner l’info sur les blogs spécialisés… Je lisais tranquillement Être femme au travail d’Anne-Cécile Sarfati (podcaster notre interview radiophonique avec Anne-Cécile Sarfati, ndlr) quand là, j’ai failli tomber de mon transat à la lecture de cette phrase : « Si 77% des femmes tiennent à leur indépendance financière, les plus jeunes seraient nombreuses à être tentées par un retour à la maison (44% parmi les 25-29 ans)». (étude ELLE-IFOP Mai 2010).
Certes, notre graal à nous les « Y » c’est l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, ce serait même notre critère numéro un dans le choix d’un emploi. Mais de là à être 44% à être prêtes à choisir l’alternative du foyer plutôt que la conciliation… Les jeunes femmes n’auraient-elles pas confiance dans la capacité des entreprises à leur offrir la possibilité de concilier vie professionnelle-vie personnelle? Avant même d’avoir tenté l’expérience, se persuaderaient-elles que la conciliation est impossible et envisageraient-elles le retour au foyer comme le moyen d’avoir du temps pour soi, comme la réponse à la quête de l’harmonie personnelle… ? Si après 40 ans de féminisme et les nombreuses démarches de l’entreprise en faveur de l’égalité au travail, on en est encore là, c’est que la tâche est loin d’être terminée. Les jeunes femmes représentent 60% des diplômés du supérieur, nous avons des expériences à l’étranger, nous faisons des stages, il semble qu’à première vue, nous ayons les armes pour « faire carrière ». Pour autant, il semble que près de la moitié d’entre nous ne le souhaite pas, ou plus ?
Je pense que le déficit d’information est en cause. Le monde de l’entreprise est régi par un certain nombre de « règles non écrites » qui se vérifient presque partout mais ne sont enseignées nulle part. Avant nos premiers stages, qui nous avait prévenues que « la présence physique prime souvent sur les résultats obtenus » ? Que « le faire-savoir est aussi important que le savoir-faire »? Que « les réseaux comptent presque autant que la compétence »?
En France, où le mot « genre » est encore largement considéré comme un gros mot, les universités & grandes écoles éludent la question et semblent penser « Oh ! elles ne tarderont pas à découvrir ces codes par elles-mêmes et à s’y adapter ». Or, la maîtrise de ces codes prend du temps, et certaines personnalités auront plus de peine à les décrypter et à se les approprier. Ensuite, une fois en stage ou en poste, les jeunes femmes semblent anticiper les problèmes futurs, elles n’aspirent pas aux postes à responsabilités car ont peur de ne pas pouvoir tout gérer. J’ai souvent entendu certaines amies me dire « Tu sais moi, grimper dans la hiérarchie n’est pas ma priorité, ma N+3 ne voit jamais ses enfants/son mec, où est sa vie sociale ? Pour rien au monde je ne voudrais sa vie ». Ce genre de discours résonne aussi dans les couloirs des entreprises « women friendly » qui ont développé un véritable arsenal pour accompagner la progression des femmes dans l’entreprise… Certes les résultats de ces actions – mise en place du télétravail, de crèche d’entreprise, garantie sur l’évolution salariale pendant le congé maternité, programmes de mentoring, etc – ne sont pas visibles à très court-terme et ne constituent pas encore la norme dans l’entreprise. Mais je pense qu’il est de la responsabilité des écoles, des universités d’informer les jeunes femmes sur ces codes « implicites » de l’entreprise et des programmes tels « EVE » d’accompagner les jeunes femmes dès le début de leur carrière pour leur offrir la possibilité – et ne pas leur ôter la confiance – d’accéder à un travail épanouissant, responsabilisant sans devoir tirer un trait sur leur équilibre personnel. Cette alternative radicale du retour au foyer n’est pas encourageante, communiquons davantage auprès des jeunes sur les initiatives positives des entreprises en faveur des femmes. C’est sans nul doute un moyen d’attirer et de retenir les meilleur(e)s éléments.
Sur ce je retourne sur mon transat et vous souhaite une bonne semaine ! »
Témoignage recueilli par Marisa Guevara