L’existence d’une corrélation entre mixité et performance n’est plus à démontrer : de rapports « Women Matter » de McKinsey en études du Crédit Suisse Reseach Institute et autres synthèses « Women in Business » de Grant Thornton, la conviction des observatrices et observateurs de la mixité en entreprise est là, qui associe la capacité de transformation des organisation à leur maturité en termes d’égalité professionnelle.
L’étude récemment parue du réseau Grandes Ecoles au Féminin vient enfoncer le clou, en apportant des indications précises sur la perception de la mixité chez les managers et dirigeant-es.
Elaborée à partir des réponses à un questionnaire « quanti » adressé à plus de 4000 ancien-nes élèves des écoles membres de GEF, d’une quinzaine de grands entretiens « quali » avec des dirigeant-es, cette étude procède d’une analyse complète menée au cours d’ateliers philosophiques impliquant un panel d’acteurs et actrices de l’Economie Sociale et Solidaire.
Le blog EVE l’a lue, voici ce qu’il faut en retenir :
Un plébiscite pour le sujet
Oui, la mixité est un sujet important! Pour 85 % des sondé-es (dont 75% de femmes et 92% d’hommes), la légitimité de mettre la question de la mixité à l’agenda n’est plus à discuter.
La mixité pour quoi faire? Entre objectifs de performance et impératifs de justice
A quel titre, les managers et dirigeant-es sont-ils favorables à la mixité dans les organisations?
Pour 67% d’entre elles et eux, c’est juste qu’il est normal que les femmes accèdent aux mêmes postes que les hommes (29% rappellent d’ailleurs que les femmes constituent la moitié de l’humanité, à toutes fins utiles). C’est donc bien un impératif de justice qui s’exprime.
Et si ça va avec un accroissement de la performance, c’est tant mieux : 41% y croient. A noter, toutefois, de sensibles variations générationnelles dans l’expression de cette conviction que la mixité est facteur de performance de l’organisation : les plus jeunes (moins de 30 ans) sont un quart seulement à y voir un argument quand les plus âgé-es sont près de la moitié (48%) à considérer que l’égalité est bien un levier de croissance et de développement.
La mixité est-elle en progrès? Dans les discours, sans nul doute, mais dans la réalité?
Quand on les interroge sur le sentiment qu’ils et elles ont des progrès de l’égalité, managers et dirigeant-es sont divisé-es… Sauf pour ce qui concerne les progrès dans les discours qu’ils sont 71% à saluer.
Mais dans les actes? Ca coince côté égalité de rémunération (47% constatent que rien ne bouge sur ce terrain-là, même si le panel masculin est plus optimiste, estimant à 69% que l’égalité salariale est en marche).
C’est mieux sur le terrain de l’articulation des temps de vie, femmes et hommes s’accordant notamment à reconnaître que la mixité fait progresser les droits sociaux des hommes en matière de parentalité.
Au global, 91% des dirigeant-es et managers estiment qu’il y a encore du chemin à parcourir pour atteindre l’égalité réelle… Et ce chiffre n’est pas loin de un faire carton plein parmi les femmes : plus de 97% d’entre elles en appellent à la poursuite des progrès.
La mixité : une affaire d’inclusion des différences de points de vue
Concrètement, à quoi sert la mixité pour les personnes interrogé-es?
Au-delà de l’impératif de justice précédemment rappelé, managers et dirigeant-es invoquent une dynamique de transformation des cultures encourageant l’inclusion et la prise en considération des diversités de points de vue.
A noter qu‘ils et elles sont sans conteste favorables à la mixité, mais n’aspirent pas à la stricte parité : 4% seulement rêveraient d’une entreprise où il y aurait autant d’hommes que de femmes… Reste à savoir à partir de quelle masse critique de femmes et d’hommes dans une organisation on parle de réelle mixité et non de seule représentation des deux sexes.
Qu’est-ce qui fait frein à la mixité?
Puisqu’elle est plébiscitée, la mixité n’a plus qu’à être réalisée…
Oui, mais, des freins l’empêchent encore de devenir une réalité, disent les managers et dirigeant-es consultée-es : 59% pointent du doigt la permanence des stéréotypes de genre (est-ce en creux une façon de dénoncer la perpétuation de discriminations sexistes?), 52% mettent en cause les habitudes de cooptation des hommes entre eux (42% des hommes interrogé-es le reconnaissent, d’ailleurs), ils et elles sont autant à questionner le poids des traditions managériales, 37% regrettent que certains secteurs soient encore trop peu attractifs pour les femmes et autant leur envoient le message qu’elles auraient tort de continuer à « rester en retrait » (allez, mesdames! on se bouge pour faire savoir qu’on a de l’ambition!).
A noter : 9% soupçonnent des résistances à la mixité liées à une « peur » qu’elle susciterait…
L’égalité face au stéréotypes?
Puisque les stéréotypes restent, dans les esprits, la cause première des progrès insuffisants de la mixité, l’étude se propose d’entrer dans le détail de ces assignations au masculin et au féminin qui retardent la marche vers l’égalité.
Du côté des hommes, le stéréotype en tête, c’est celui de la disponibilité (pour 51% des personnes interrogées), puis viennent l’esprit carriériste (42%) et l’attrait pour le pouvoir (39%).
Les femmes, elles, sont renvoyées aux clichés suivants : une préférence pour la vie familiale (54%), un manque de disponibilité (50%), un déficit de confiance en soi (34%), une trop grande lisibilité de leurs émotions (30%), un défaut d’esprit de carrière (26%), une moindre résistance au stress (20%) mais un sens aigu de l’organisation (18%) et de plus grandes qualités d’empathie (17%)…
Presque rien de nouveau sous le ciel gris des stéréotypes : les hommes restent prisonniers d’une vision sociale de l’homme fort qui n’a pas de temps pour sa vie privée et les femmes demeurent assignées au champ des émotions et des qualités du care.
Qu’attendre de la mixité?
A 98% convaincu-es que la mixité d’une organisation témoigne de sa bonne santé, les managers et dirigeant-es interrogé-es y voient plusieurs bénéfices majeure : pour 80% d’entre elles et eux, c’est un levier du changement, pour 42% elle permet d’élargir les viviers de talents, pour 41%, elle permet de diversifier le recrutement et démettre fin au « clonage » des profils, pour 40% elle permet de gagner en agilité grâce à la multiplication des points de vue et pour 21% elle offre de nouvelles voies intéressantes pour faire varier et évoluer les styles de leadership.
Avant-même la réussite de l’objectif de mixité, les sondé-es saluent en la démarche qui y conduit une dynamique vertueuse en soi, quand elle contribue dès à présent à simplifier la conciliation des temps de vie, quand elle renforce la transparence sur les critères de recrutement et de promotion, quand elle interroge la notion-même de carrière et donne de nouvelles perspectives aux parcours non-linéaires…
Marie Donzel, pour le blog EVE.