Quelle riche idée ont eu l’illustratrice Catel Muller et l’écrivain José-Louis Bocquet de se lancer dans l’audacieux projet d’une biographie graphique d’Olympe de Gouges. Eux à qui l’on devait déjà une réjouissante bande-dessinée sur la vie de Kiki de Montparnasse ont travaillé plusieurs années (en témoigne la bibliographie de cinq pages en corps 8 qui achève l’ouvrage) sur le personnage d’Olympe la rebelle, surtout connue pour sa fameuse Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne.
Formidablement documenté, le roman graphique de près de 490 pages qu’ils viennent de publier chez Casterman raconte d’abord une époque, le stimulant XVIIIè siècle et ses enjeux politiques, intellectuels et culturels, ses querelles (de l’affaire Calas à la controverse Rousseau/Voltaire), une époque où, tiens, tiens, l’on ne répugnait pas à appeler une femme de lettres une auteuresse, mais où le patriarcat était une loi si inconteste que l’on n’imaginait pas qu’une femme puisse se concevoir comme un individu libre de son destin, hors des liens de la filiation comme de ceux du mariage.
Car l’Olympe que nous présentent Catel & Bocquet est une grande amoureuse, qui croque les hommes qui passent à sa portée en dépit du qu’en-dira-t-on, assume ses désirs et chérit plus que tout sa liberté. Mais l’Olympe de Catel & Bocquet est aussi et surtout une femme de son temps, qui, après avoir fait ses preuves comme auteuresse littéraire, entend prendre part à l’agitation politique pré-révolutionnaire : engagée dans la cause des Noirs et farouchement anti-esclavagiste, elle fait
paraître en 1788 une Lettre au Peuple, authentique programme de réformes sociales et sociétales qui circule dans tous les clubs et salons fréquentés par La Fayette, Necker ou Mirabeau…
C’est au lendemain de la Révolution Française que son « féminisme » (terme anachronique s’il en est) s’affirme : s’étonnant de ce que les femmes soient les grandes exclues du changement de société qui se déroule sous ses yeux, elle écrit sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne en réponse à la jeune Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen que l’Assemblée vient d’adopter pour le peuple français.
Article Premier : « La Femme nait libre et demeure égale à l’homme en droits. »
Article 10 : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ».
Article 13 : « Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, les contributions de la femme et de l’homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie. »
A ce dernier titre, on aimerait qu’Olympe de Gouges soit encore là, pour l’interroger sur les quotas !
On ne dévoilera pas la fin de l’histoire pour ne pas gâcher le plaisir des lecteurs et lectrices invité-es par ce remarquable roman graphique à redécouvrir une véritable pionnière, figure vivifiante et porteuse de mille espoirs pour les femmes de son temps…
Et toujours pour celles d’aujourd’hui.
Olympe de Gouges, de Catel & Bocquet, Casterman, 2012.
Comments 3
Article 10 : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ». N’oublions qu’elle a payé de sa vie son engagement puisqu’elle a fini sur l’échafaud.
Pur approfondir les grandes figures féminines de la défense des droits humains (et particulièrement le fondamental qui est l’égalité)voir aussi la formidable Rosa Parks
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