L’endométriose : un sujet d’entreprise, avec Valérie Desplanches, présidente et co-fondatrice de la Fondation pour la Recherche sur l’Endométriose

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Alors qu’une femme sur dix est atteinte d’endométriose en France, la prise en compte de cette maladie au travail demeure un sujet trop souvent oublié dans le quotidien des salariées.. Pourtant, les impacts sont élevés, à la fois pour les individus et pour l’organisation, et positionnent la santé des femmes comme un enjeu majeur pour les entreprises. Décryptage avec Valérie Desplanches, présidente et co-fondatrice de la

L’impact de l’endométriose sur les femmes… 

Parmi les femmes souffrant d’endométriose, 65% d’entre elles déclarent que la maladie a des conséquences importantes sur leur bien-être au travail. Valérie Desplanches révèle aussi que «une majorité de salariées n’en parle à personne autour d’elles.. Ni aux représentants des Ressources Humaine ni au médecin du travail et encore moins à leur manager. » Pourtant le sujet a toute sa place au sein de l’entreprise. Tout d’abord du fait de la réalité démographique qu’il englobe.

Et là, difficile de minimiser les chiffres. « La maladie concerne 10% à 20% de femmes, 70% d’entre elles ont des douleurs très importantes et les symptômes sont les plus invalidants entre 30 et 35 ans soit en plein investissement professionnel, quand les carrières démarrent ou s’accélèrent », énonce la présidente et co-fondatrice de la Fondation pour la Recherche sur l’Endométriose. Autant de difficultés vécues dans l’ombre. « Les femmes en viennent à se cacher, à dissimuler leur état par peur de se retrouver pénalisées…déplore Valérie Desplanches. Et cette autocensure devient évidemment pénalisante pour elles. »

 

… Mais aussi l’organisation au globale !

Face aux obstacles rencontrés, près d’un quart des femmes atteintes d’endométriose ont ainsi préféré renoncer à leur poste ou leur carrière en raison de la pression au quotidien ou d’un environnement hostile. « Il y a donc un véritable sujet de perte de talents, mais aussi de perte de productivité, analyse la spécialiste. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette baisse ne découle pas d’un absentéisme mais plutôt d’un présentéisme ! » Plus de 80% des femmes touchées disent s’obliger à venir travailler malgré la douleur en sachant qu’elles ne pourront être opérationnelles dans ces moments-là à cause de la douleur ou de la fatigue. « Or la fatigue fait partie des symptômes prégnants. Sans compter l’anxiété générée par la maladie, et la charge mentale qui vient avec. « Comme il s’agit d’une maladie chronique qui revient en permanence, les femmes sont constamment en train d’anticiper, d’organiser leur vie autour de la maladie », confirme la spécialiste.

Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi prendre en compte l’entourage car les impacts sur l’organisation et la vie des foyers sont nombreux. Valérie Desplanches note que 10% des salariés sont des conjoint(e)s de femmes souffrant d’endométriose. Ces derniers ont eux aussi besoin de temps être présents lors des rendez-vous médicaux, garder les enfants, et gérer la charge mentale accrue. Si l’on veut mieux soigner les femmes, il faut donc prendre en compte toute la chaîne de valeur de la santé (soignants, proches…) et traiter la maladie comme un aspect de la vie sociale, et non comme une seule affaire médicale.

Le pouvoir d’agir des entreprises 

Plus de doute, l’endométriose est un véritable facteur d’inégalité dans le monde du travail. Et fait de l’entreprise un acteur non négligeable dans l’accompagnement des salariées au quotidien.

Une nécessaire sensibilisation

Pour adapter le travail aux besoins des femmes touchées, il faut d’abord comprendre ce qu’elles vivent. Aussi, la première étape indispensable est avant tout de faire conscientiser la réalité de la maladie au plus grand nombre, salariés, dirigeants et notamment managers, pour que l’entourage pro puissent correctement répondre aux attentes des salariées concernées. Par la mise en place des dispositifs de sensibilisation, de communication… Mais aussi par l’écoute !  Aujourd’hui les jeunes générations se sentent d’avantage concernées que leurs aînés par ce sujet. « On le voit lorsqu’on intervient dans les lycées, ce sont les garçons qui posent le plus de question parce qu’ils ont besoin de comprendre, qu’ils se sentent faire partie de la solution, se réjouit Valérie Desplanches. Mais avant que ces jeunes gens prennent les rênes dans les entreprises, il faudra du temps. » Et c’est cet état de latence aujourd’hui qu’il est nécessaire d’adresser, sans détour.

Un aménagement de l’espace de travail et de l’espace-temps

La bonne nouvelle est que ces dialogues peuvent faire naître différentes formes d’accompagnement clés. « Je pense entre autres à l’aménagement des locaux pour offrir des sanitaires mieux équipés, la création des espaces sécurisants pour s’isoler et se reposer à certains moments douloureux, la possibilité de proposer des package de mutuelles adaptées pour soulager les dépenses lourdes liées à la maladie… », note Valérie Desplanches. Autant d’actions à mettre en place dont les signaux peuvent jouer sur la libération de la parole. Mais pour la co-fondatrice de la Fondation c’est surtout l’organisation du temps de travail qu’il faudra repenser pour véritablement venir soulager la santé physique et psychique des femmes. « Car ces dernières ont avant tout besoin de flexibilité. », affirme-t-elle. Dans la manière de télétravailler d’une part -avec notamment le nombre de jour que l’on peut solliciter et la facilité qu’on a à le faire- mais aussi dans l’adaptabilité des horaires. Or ces questions touchent directement à la culture de l’entreprise. « Il est donc crucial de coconstruire ces politiques avec les employeurs et les salariés », préconise la spécialiste. Et ce d’autant plus dans le contexte actuel.

Si on élargit la problématique de la santé des femmes, on compte 10% des femmes qui sont atteintes du syndrome des ovaires polykystiques, entre 15 et 40% de femmes qui souffrent de congestions pelviennes, une multiplication des parcours PMA en raison d’une baisse de la fertilité… « Et avec l’impact de facteurs liés à l’environnement, notamment avec les perturbateurs endocriniens, il y a fort à parier que cela va continuer de s’aggraver avec des formes de plus en plus sévères, de plus en plus jeune », conclut Valérie Desplanches.

Alors comment penser la performance globale des entreprises de demain pour éviter qu’un tel nombre d’individus en soit exclu ? En inventant, ensemble, dès aujourd’hui, un monde du travail adapté aux exigences vitales de ceux et celles qui la composent.

Elise Assibat, pour le webmagazine EVE

 

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