Avec la crise sanitaire, les travailleurs indépendants et les plus précaires ont été particulièrement fragilisés. Mais au sein même des entreprises, l’onde de choc a été forte pour les dirigeants et dirigeantes, chahutés par leurs propres incertitudes et celles de leurs salariés face à la crise économique, ainsi que par leurs efforts redoublés. Ils ont dû résister, et réagir. De nouvelles modalités de travail ont pu être expérimentées. Le MEDEF consacre une analyse poussée à l’état d’esprit de ces dirigeants.
Les modalités de l’étude
L’étude a été conduite par le MEDEF en partenariat avec Supermood en février 2021. Il s’agit d’un sondage réalisé auprès de 855 dirigeants français. Elle fait suite à une précédente étude menée en juin 2020 sur le contexte particulier de la crise sanitaire, au cours de laquelle 1203 dirigeants avaient alors accepté de répondre. L’étude s’inscrit dans le cadre des recherches du groupe de travail sur la qualité de vie au travail de l’organisation patronale. Ce groupe est né après le constat fait d’une absence de données sur le moral des dirigeants, alors même que celui-ci a un impact déterminant sur le moral des salariés et donc sur la performance des entreprises. Pour pallier ce manque, un projet sur la qualité de vie du dirigeant a alors vu le jour, prenant en compte sept leviers d’analyse : la relation et le leadership, le climat et environnement de travail, le feedback et la reconnaissance, le sens et les attributs, l’autonomie et l’influence, les talents et l’apprentissage, la rentabilité et la rémunération.
Moral des dirigeants en berne, surtout chez les femmes et les petites entreprises
Mauvaise nouvelle selon l’étude du Medef, depuis juin 2020 le moral des dirigeants est en baisse de 0,3 points. Il se situe à 3, 6 / 5. Un moral en berne à l’image de ce qu’ont traversé tous les Français, mais dans ce cas précis, cette baisse a pu être analysée et corrélée à un certain nombre de facteurs, et notamment la dégradation de l’équilibre des temps de vie. Les dirigeants confient en effet ne pas réussir à prendre suffisamment de moments pour eux en dehors de l’entreprise. Les salariés, quant à eux, ont connu pour la très grande majorité le télétravail, avec ses avantages et inconvénients sur la vie privée. Mais les dirigeants ont dû tenir la barre, et être physiquement présents la plupart du temps dans leur entreprise. Comme leurs salariés, stress et anxiété sont de mise et impactent notamment la qualité de leur sommeil et leur capacité d’actions.
L’étude fait également apparaître de fortes disparités selon la taille de l’entreprise et le secteur d’activité interrogé. Les dirigeants de TPE (moins de vingt salariés) ou de 20 à 49 salariés sont les plus touchés par cette baisse de moral. Au-dessus de 50 salariés, il n’y a pratiquement pas d’écart avec la précédente étude datant de juin 2020 ; quant aux très grandes entreprises, elles ne sont pas impactées. Les secteurs les plus touchés sont, sans surprise, l’hébergement et la restauration ainsi que les autres activités de services aux entreprises et particuliers, ainsi que l’information et la communication (-0,5) ; les secteurs du commerce, de la construction et de l’immobilier connaissent également une baisse (0,3.)
Cette dégradation du moral n’affecte aucune tranche d’âge en particulier mais la crise tend à exacerber l’impact du genre : phénomène présent dans l’ensemble des catégories socio professionnelles puisque cette baisse de moral est de 3,3 pour les femmes contre 3,7 pour les hommes. Les femmes ont été davantage touchées par le confinement que les hommes, que ça soit pour leur équilibre de vie, comme pour la progression de leur carrière, comme l’alertait au printemps 2021 le Conseil économique, social et environnemental.
La relation avec les équipes, élément positif dans la crise
Point positif : la relation avec les équipes atténue la baisse de moral des dirigeants, puisqu’ils déclarent se sentir proches de leurs collaborateurs (4/5), quelle que soit la taille de l’organisation. Ils témoignent d’une certaine confiance en eux pour investir leur énergie au service de la relance de l’entreprise. Cette confiance est particulièrement présente chez les dirigeants à la tête d’entreprises de plus de 100 salariés. Plus l’entreprise a une taille élevée, moins les dirigeants se sentent d’ailleurs isolés face au partage de leurs responsabilités. La communication entre eux est également jugée comme demeurant efficace.
Les indicateurs de santé de l’entreprise sont pour leur part plutôt positifs : les dirigeants affirment assurer une continuité suffisante de leur activité (3,7/5) même avec une situation financière incertaine (2,7/5). Cette dernière est d’ailleurs jugée stable, à l’exception notable des dirigeants du secteur de l’hébergement et de la restauration.
Capacité de réaction et restructuration
Les dirigeants des petites entreprises déclarent avoir ou vouloir solliciter des dispositifs d’accompagnement psycholgiques, ce qui démontre une prise de conscience de la dégradation de leur moral et de leur équilibre de vie, et illustre leur capacité de réaction. Plusieurs Medef territoriaux ont d’ailleurs expérimenté ces dispositifs, à Lille comme en Côte d’Opale où des cellules psychologiques d’accompagnement des dirigeants ont vu le jour. Par ailleurs, les dirigeants des très grandes entreprises déclarent avoir mis en place un accompagnement à destination de leurs salariés, et notamment dans les entreprises de plus de 1000 salariés (70 %). C’est sans doute l’une des explications du maintien de bonnes performances. Dans les entreprises de moins de 20 salariés, seuls 6 % des dirigeants déclarent avoir pu le faire.
Enfin, une des conséquences vertueuses de la crise sanitaire est aussi que les plus petites entreprises ont été poussées à revoir leurs orientations stratégiques (69%). Les grandes entreprises ont, quant à elles, davantage fait évoluer leur fonctionnement interne (96 %). Selon la tailles des entreprises, une plus grande agilité des équipes a été nécessaire ou c’est la stratégie qu’il a fallu adapter.
Les perspectives optimistes pour l’après-crise : des recrutements à venir
C’est l’un des grands motifs d’espoir qui ressort de cette étude : les dirigeants affirment à 70% en moyenne réussir à recruter dans les futurs mois. Cela est particulièrement vrai des dirigeants de très grandes entreprises (96% pour les organisations de plus de 1000 salariés.) Avec un bémol, puisque les plus petites entreprises et celles du secteur de l’information et de la communication, ou de services, ne partagent pas cet horizon.
Au sein même des organisations, les dirigeants ne pensent pas, à l’issue de cette crise, que la fidélité de leurs collaborateurs a été altérée, particulièrement pour les entreprises de 300 à 900 salariés. La perception de leur fidélité demeure donc un élément positif, mais du point de vue des collaborateurs, selon un autre baromètre réalisé par Supermood, la baisse importante de leur moral pourrait faire évoluer la situation. En janvier 2021, la part de salariés affirmant avoir un bon moral était de 51%, elle a chuté à 33% en février 2021, avec la perspective de la troisième vague. Cet élément reste un point crucial à surveiller pour les dirigeants dans l’après crise, car il peut avoir un impact à la fois sur la performance individuelle des collaborateurs et sur la recherche de nouvelles opportunités d’emploi pour ouvrir leur horizon. Les salariés sont en attente de réponses de la part de leur organisation. Le rôle des dirigeants sera donc primordial dans l’après crise pour entretenir la fidélité des collaborateurs, et savoir leur redonner confiance.
Diane Vanghel