Bonjour Brigitte. Quel parcours vous a menée à prendre la direction générale de la division Cosmétique Active et à intégrer le ComEx de L’Oréal ?
Brigitte Liberman : J’ai eu un parcours très axé sur le développement de produits, la construction de marques et la stratégie d’internationalisation. J’ai démarré chez Henkel, sur le terrain, comme représentante. Après 6 ans, j’ai rejoint le groupe L’Oréal, à des fonctions marketing, notamment pour le laboratoire d’hygiène dentaire Goupil (ndlr : cédé par L’Oréal au groupe Synthélabo en 1992). En 1991, on me confie la direction du marketing international de Biotherm : une formidable occasion de relancer la marque, en développant de nombreux produits autour du Plancton de Vie™ et en l’implantant fortement en Asie. Après cela, je prends des fonctions équivalentes chez Vichy, une très belle marque pionnière de la dermocosmétique et de la fabrication 100% française. Ensuite, c’est le moment pour moi de prendre un job davantage opérationnel, moins expert et plus généraliste, en prenant la tête de la division Cosmétique Active pour la zone France Bénélux. En même temps, je participe à une aventure innovante : la joint-venture Nestlé-L’Oréal pour lancer une marque de cosmétique orale, Inneov. Puis, je retourne chez Vichy comme Directrice générale monde, avant d’être nommée, en 2005, Directrice générale de la Division Cosmétique Active et d’entrer au ComEX deux ans plus tard.
Selon vous, quelles sont les qualités d’un·e leader des années 2020 ?
Brigitte Liberman : Dans un monde d’accélérations, il faut savoir vivre dans l’incertitude, être capable de comprendre les mouvements, les « shifts », pour prendre les bonnes décisions au bon moment. Il faut aussi savoir accepter de se tromper, pour changer et s’améliorer. Mais le plus important, c’est de faire en sorte de s’entourer de personnes complémentaires et de savoir les faire travailler ensemble. Pour moi, le leader d’aujourd’hui est un facilitateur : il donne le cadre stratégique, il inspire confiance par sa capacité d’écoute et de discernement et cela étant mis en place, il laisse les gens s’exprimer. Nous sommes dans une époque où nous avons besoin, pour comprendre les attentes et y apporter des réponses pertinentes, qu’une grande diversité de points de vue s’expriment.
Parlons de diversité, justement… Quelle est votre vision de l’inclusion ?
Brigitte Liberman : Comme vous le savez, c’est un sujet très important pour tout le groupe L’Oréal, qui nous anime au sein du ComEx. Nous baignons dans les enjeux de mixité et de diversité et nous avons à cœur d’apporter des preuves. En la matière, je ne cache pas ma fierté d’avoir un CoDir parfaitement paritaire. Je veux aussi porter l’accent sur un autre enjeu très important pour le développement des carrières dans notre entreprise : la mobilité internationale. 50% des expatrié·e·s et 45% des patron·ne·s pays de la division Cosmétique Active sont des femmes.
Une autre dimension très importante de l’inclusion, c’est l’interculturel. J’ai 38% de non-Français·e·s dans mon CoDir et plus de 90 nationalités représentées dans la division. C’est fondamental, quand on a des marques qui s’adressent au monde entier, de créer des produits avec des personnes qui viennent du monde entier, tout simplement. Mais l’inclusion, ce n’est pas seulement de la représentation des diversités, c’est toute une dynamique challengeante qui pousse au développement de la compréhension, de l’adaptation, de l’écoute et du respect. Je ne dis pas que c’est toujours facile de faire travailler ensemble des personnes qui ont des cultures, des parcours, des points de vue différents, mais c’est assurément un facteur de richesse.
Il y a néanmoins un point sur lequel j’aimerais que nous soyons meilleurs : les seniors. Il est évident que l’on ne peut pas se passer, dans les organisations, de l’apport des seniors. Ils ont l’expérience, la maturité, peut-être aussi plus de patience, sans pour autant manquer d’énergie. Mais cette énergie s’exprime différemment. Il y a des choses à imaginer pour ce temps-là du parcours professionnel, avec des conditions de travail à revisiter, la position de transmission à mieux valoriser, des voies de progression différentes…
Les marques de la division Cosmétique Active portent aussi, en direction de leurs diverses parties prenantes, les causes de l’inclusion… Pouvez-vous nous en parler ?
Brigitte Liberman : Plusieurs initiatives témoignent de notre volonté d’inscrire les marques de la division dans des engagements sociétaux. Par exemple, SkinCeuticals s’est associé avec l’ONG ReSurge International pour contribuer à la formation de chirurgiennes reconstructrices dans les pays émergents. On peut aussi citer les International Awards for Social Responsability in Dermatology que nous avons créés avec la Ligue internationale des sociétés dermatologiques pour distinguer les initiatives sociétales des dermatologues en matière d’éducation à la santé de la peau, de renforcement de l’estime de soi des personnes confrontées à des problèmes de peau ou d’accès au soin et à la réparation de la peau. Autre exemple, dans le cadre de notre programme de solidarity sourcing, La Roche Posay se fournit en beurre de karité via un partenariat avec le Burkina Faso, sur une filière de production équitable avec des prix minimums garantis supérieurs à ceux du marché. On peut encore évoquer nos partenariats en faveur de l’insertion avec Capital Filles, Energie Jeunes ou le projet PaQte dans lesquels nos collaborateurs et collaboratrices s’engagent.
Est-ce incontournable, aujourd’hui, pour une grande entreprise, de prendre part à des actions citoyennes et solidaires ?
Brigitte Liberman : C’est en tout cas une vision chez L’Oréal : nous sommes une entreprise qui a un rôle à jouer au niveau sociétal et environnemental. C’est une attente énorme de nos collaborateurs et collaboratrices, pour qui c’est une fierté et une source de sens dans le travail. C’est aussi, bien sûr, une demande des consommateurs. La division Cosmétique Active, parce qu’elle est dans le champ de la beauté-santé, a tout particulièrement voix à ce chapitre. La dermocosmétique, c’est une approche de la beauté émotionnelle, psychologique et sociale, qui ne s’attache pas aux canons traditionnels de la beauté, mais a vocation à apporter du bien-être, du confort, de la confiance en soi. Je me sens personnellement très alignée, bien en cohérence avec mes valeurs, en exerçant dans ce secteur.
Propos recueillis par Marie Donzel, pour le webmagazine EVE