La loi Copé-Zimmermann a permis de réaliser rapidement la mixité dans la gouvernance des grandes entreprises. L’esprit de ce dispositif était de contribuer à essaimer la culture de l’égalité dans tout le tissu économique français, à partir de la valeur d’exemplarité des grands groupes. Alors, l’objectif est-il atteint ? La première étude « femmes & gouvernance » de l’observatoire de la parité dans les entreprises non cotées de KPMG fait le point.
Sans contrainte légale, quelle mixité de la gouvernance ?
Si « la question de l’opportunité d’imposer des quotas fait toujours débat, les résultats observés, eux, sont indiscutables » disent les expert·e·s de l’étude, pilotée par Nicolas Beaudouin et Marie Guillemot, associé·e·s KPMG. En effet, dans les entreprises qui entrent dans le champ de la loi Copé-Zimmermann, les femmes représentent 44 % des membres des conseils… Et ce n’est plus que 22 % dans celles qui ne répondent pas aux critères de chiffre d’affaire/nombre de salarié·e·s les obligeant à avoir au moins 40 % de mixité dans la gouvernance.
La mixité, facteur reconnu de transformation ?
Pour autant, très peu de dirigeant·e·s interrogé·e·s se disent motivé·e·s par la pression juridique pour équilibrer la part des femmes et des hommes dans les instances décisionnaires de leur organisation. Non, ce qui les convainc de prendre des actions en faveur de la mixité, c’est avant tout le besoin de s’entourer de « nouvelles compétences ». Réflexe essentialiste supposant que les femmes ont des qualités spécifiques liées à leur genre ? Ou bien intention plus ou moins assumée de profiter de l’objectif de mixité pour remettre en question les critères classiques d’évaluation de la compétence ?
Sans doute un peu des deux, quand on constate que dans les plus petites entreprises en particulier, « l’évolution naturelle de la société » favorise la prise de conscience que l’on ne peut plus entreprendre, se développer, prendre des décisions en écartant la moitié de l’humanité !
La place tenue par « l’équité » mérite aussi d’être soulignée : le principe de justice qu’est l’égalité est une préoccupation pour ¼ des entrepreneurs français à la tête de petites et moyennes structures. Un signe positif : les entreprises à taille humaine semblent avoir à cœur de s’inscrire dans une vision sociale et citoyenne de la performance.
Les petites entreprises plus vertueuses… Ou plus lucides ?
De façon générale, les plus petites entreprises, qui sont aussi les plus éloignées des obligations du dispositif Copé-Zimmermann, se montrent nettement plus soucieuses de mixité que celles qui comptent entre 500 et 2500 salarié·e·s. Dans celles qui ont moins de 500 salarié·e·s, on se dit à 36,5 % volontaire pour œuvrer à augmenter la part des femmes dans les conseils. A l’opposé, les entreprises de plus de 500 salarié·e·s assument à 58 % ne pas avoir l’intention d’agir en la matière.
Le commentaire de l’étude explique ce chiffre par l’impression de certain·e·s patron·ne·s d’ETI d’avoir fait le nécessaire et ne plus être concerné·e·s par le plafond de verre. Les plus petites entreprises auraient donc en quelque sorte davantage de lucidité sur le chemin restant à parcourir.
Et côté CoDir, ça va comment ?
Si la mixité des conseils est importante, au moins pour le symbole, toute la littérature sur le leadership équilibré insiste aujourd’hui sur l’impératif de diversifier les comités de direction, là où se prennent concrètement les décisions concernant aussi bien la stratégie de l’entreprise que son quotidien pour les salarié·e·s et autres parties prenantes. Quels que soient leur taille ou leur secteur, les entreprises de moins de 2500 collaborateurs/collaboratrices culminent entre 1/5è et ¼ de femmes dans les instances de direction.
Malgré les évolutions de la société et le besoin bien compris de renouveler les modes de recrutement à tout niveau des organisations, force est de constater l’inertie du modèle pyramidal qui voit la part des femmes se réduire à mesure qu’on grimpe sur l’échelle des responsabilités. Faudra-t-il aussi légiférer sur les CoDir ? Puis le senior management ?… Ou bien les entreprises, qui peuvent pourtant faire le constat que les organisations qui ont une gouvernance et un encadrement mixte sont au moins aussi performantes, vont-elles se mobiliser pour accélérer la marche de l’égalité ?
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE.