Rencontre avec Isabelle Léon, Directrice pays Orange pour la zone Afrique de l’ouest.
Bonjour. Quel parcours vous a menée aux fonctions de directrice de la zone Afrique de l’ouest chez Orange ?
Isabelle Léon : J’ai commencé ma carrière dans les études où j’ai pu très vite cerner ce qui me passionne dans la vie : comprendre l’humain, ses besoins, ses attentes, ses freins, ses comportements, ses motifs d’agir… Je me suis beaucoup plu dans ce métier d’analyste, mais au bout de 10 ans, j’ai eu envie de passer de l’autre côté du miroir, de ne plus étudier ce qui se faisait, mais de faire moi-même.
Je suis entrée au marketing d’Itineris, première marque GSM de France Télécom, en 1993. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque : le fixe est très bien introduit dans les foyers et les entreprises, il y a une cabine téléphonique qui fonctionne bien tous les 200 mètres, les téléphones portables sont gros et lourds et il y a toute une étiquette culturelle de la téléphonie qui veut qu’on passe ses coups de fil à des moments dédiés (ça va d’ailleurs durer assez longtemps, les gens estimant qu’appeler sur le portable, c’est « déranger » )… Bref, le marché ne nous attend pas ! Et il va exploser 5 ans plus tard, transformant radicalement le rapport à l’espace, au temps et aux autres. C’est une incroyable chance, dans une carrière, d’être acteur d’une telle aventure.
J’évolue ensuite à des fonctions marketing et communication à différents postes. En 2007, un de mes anciens chefs me demande si l’aventure internationale me tente. Et me voilà embarquée dans la création d’une entité marketing sur la partie Afrique, et je travaille à développer la communauté des marqueteurs et notamment à la création et au déploiement d’outils marketing/communication partagés pour homogénéiser la marque Orange partout où elle s’implante.
Quels sont les grands enjeux pour Orange, aujourd’hui, dans la zone AWA ?
Isabelle Léon : Chacun·e connait la place omniprésente du mobile en Afrique aujourd’hui et perçoit ce que ça représente d’impacts économiques, politiques, culturels, de lien social et même de désenclavement pour certaines régions… Cela crée des opportunités économiques pour les opérateurs, avec le développement des nouveaux usages autour du numérique : e-commerce, éducation, santé ou mobile banking. Mais cela nous donne aussi des devoirs, dont celui d’une politique de responsabilité sociale exemplaire.
Pouvez-vous citer quelques-unes de ces actions emblématiques de la vision qu’Orange a de ses responsabilités sociales et environnementales en Afrique ?
Isabelle Léon : Il s’agit par exemple de favoriser l’insertion des jeunes et des femmes en difficultés comme le font Les Maisons Digitales de la Fondation qui œuvrent au quotidien à la formation de femmes aux compétences du digital. Les programmes d’éducation numérique de ces Maisons Digitales sont construits avec les acteurs locaux de l’insertion et de l’autonomisation des femmes, de façon à proposer une offre de développement professionnel réellement adaptée aux besoins des personnes et de l’économie de la région. Nous sommes encore très engagés dans la collecte et le recyclage des appareils mobiles au travers d’un partenariat avec Emmaüs International dans 5 pays d’Afrique. Mais c’est aussi le soutien aux entrepreneurs avec des incubateurs, les FabLabs Solidaires qui soutiennent des projets d’entrepreneuriat social dans 4 pays d’Afrique et aussi un grand prix de l’entrepreneur Social.
Outre ces actions sociales, dont certaines sont spécifiquement tournées vers l’empowerment des femmes, avez-vous une action mixité en tant qu’employeur ?
Isabelle Léon : La politique mixité d’Orange en tant qu’organisation et employeur est très affirmée, par notre PDG lui-même pour commencer, qui exprime des convictions très fortes et soutient l’ensemble des actions en faveur de l’équilibre des genres dans l’entreprise. C’est un élément de culture d’entreprise bien intégré dans nos différentes entités. Je le constate au quotidien dans ma zone avec, par exemple, le groupe Sonatel dont les Comités de Direction comptent plusieurs femmes à des postes clés au Sénégal et en Guinée. La diversité, dont la mixité femmes/hommes est une composante majeure, est assurément un vecteur d’enrichissement pour les individus et pour les organisations. C’est en cela qu’elle est créatrice de performance.
Le sujet de l’égalité femmes/hommes n’a jamais été autant à l’agenda qu’aujourd’hui ; les plus grandes entreprises, dont la vôtre, ont des politiques actives en la matière… Pensez-vous que l’on soit en train de gagner la partie ?
Isabelle Léon : Il y a d’évidents progrès. Mais la partie n’est pas gagnée, non. Il y a de vrais motifs d’inquiétude pour les droits des femmes, notamment sur le plan de leur liberté réelle d’aller et venir, de ne pas avoir se conformer à des normes strictes édictées par la société ou les religions… Et l’actualité nous le rappelle cruellement.
Toutefois, je ne suis pas totalement à l’aise avec la notion d’égalité, à laquelle je préfère nettement celle d’équité. Nous ne sommes pas égaux, selon d’où l’on vient, de quelle région, de quelle culture, de quel milieu etc. Et je ne pense pas que nous pourrons l’être un jour. En revanche, nous devons pouvoir toutes et tous avoir la liberté d’accéder à l’opportunité de nous développer, de faire valoir nos mérites et de saisir notre chance pour réussir.