Journaliste, écrivain et humanitaire, Laurence de Cambronne est auteure de « Madame de Staêl : la femme qui faisait trembler Napoléon » et « Je suis d’Alep », ouvrage réalisé avec un réfugié syrien. Elle répond à 3 questions du Programme EVE.
1. Vous avez passé 25 ans à la Rédaction du Magazine ELLE, notamment comme Rédactrice en chef, responsable des 12 dernières pages du journal et en particulier de la dernière page « Une journée avec ». Est-ce dans ce même esprit que vous avez voulu raconter l’histoire de Madame de Staël en 24 journées ? Quelle a été la motivation derrière ce projet ?
Lorsque j’ai quitté ELLE à l’âge de 57 ans, j’ai décidé que ma deuxième vie professionnelle serait consacrée à écrire des livres. Je rêvais depuis toujours d’écrire la biographie d’une femme au destin exceptionnel. J’ai eu la chance de trouver, la correspondance en 8 volumes de Germaine de Staël à la librairie de l’Avenue, aux Puces de Saint Ouen. Après avoir lu les 1000 lettres, j’ai compris à quel point cette femme était en avance sur son temps. Moderne, féministe, amoureuse, maternelle, européenne, démocrate … Certaines scènes de sa vie me restaient en mémoire : sa présentation à Louis XVI et Marie Antoinette à Versailles, son arrestation pendant la Révolution, son premier diner avec Bonaparte, sa rencontre avec Juliette Récamier…. J’avais, grâce aux lettres, des détails, des dates et des horaires très précis. J’ai alors pensé à la rubrique que j’ai dirigée pendant 15 ans, « Une journée avec ». M’est venu aussi à l’esprit le titre du livre de Stefan Zweig qui avait écrit « 24 heures dans la vie d’une femme » . J’ai décidé d’écrire « 24 journées dans la vie de Madame de Staël »
2. Selon vous quels sont les meilleurs moyens de développer la solidarité entre femmes ?
Je pense que vous faites allusion au livre « Je suis d’Alep » que j’ai écrit avec un réfugié syrien, Joude Jassouma. A cette occasion j’ai aussi beaucoup parlé avec Aya, sa jeune femme. Elle a 25 ans. J’ai parlé avec elle pendant des heures, de sa vie, de son éducation, du rôle de la femme en Syrie et en France. Quand vous me parlez de solidarité, c’est à elle que je pense immédiatement. Je crois que nous avons un rôle à jouer auprès de ces jeunes femmes réfugiées en France. Nous devons les écouter, comprendre leur culture et les aider à connaitre et à accepter nos modes de vie et nos valeurs républicaines, sans jamais les brusquer. Pour moi la solidarité avec ces femmes, c’est ça aussi : échanger, parler, communiquer.
Il faut toujours essayer d’être au plus près de ses compétences, ne pas céder aux sirènes de la nouveauté et du changement.
3. Journaliste, écrivain sur divers sujets et désormais sur le terrain pour la cause des réfugiés. Quels seraient vos conseils aux femmes qui souhaitent mener à terme un projet qu’elles jugent ambitieux ou qu’elles pensent être loin de leurs compétences initiales ?
A mon retour à Paris après avoir été quelque temps bénévole à Leros auprès de réfugiés, j’ai commencé à suivre par Facebook trois familles, l’une qui est partie en Suède, une autre en Belgique, et Joude et Aya en France. Tout le monde me disait « Crée une association ». Je ne voulais pas. Je préférais agir à ma manière. Je ne voulais pas m’engager dans un projet que je n’arriverai pas à tenir.
Puis j’ai compris que je ne pouvais pas aider tout le monde. Il fallait choisir. Alors, j’ai décidé de ne pas lâcher Joude et Aya pendant un an. J’ai gardé un contact permanent avec eux par Whatsapp, lorsqu’ils étaient à Athènes puis en Bretagne. J’ai réuni autour de moi des amis qui les ont soutenus financièrement et affectivement. Puis j’ai décidé de faire ce livre.
Il faut toujours essayer d’être au plus près de ses compétences, ne pas céder aux sirènes de la nouveauté et du changement. Mais on peut tourner autour de ses compétences.
Mon métier, c’est écrire. Pendant 6 mois, J’ai écrit sur Facebook chaque jour des histoires concernant les réfugiés que j’avais rencontrés. Et puis j’ai décidé d’écrire un livre sur un réfugié.
J’ai utilisé mes compétences de journaliste et d’écrivain dans un domaine qui n’était pas le mien, l’humanitaire.