Dans un monde et à une époque qui voient les interactions humaines se multiplier (à la faveur notamment de la diversification des points de contact réels et virtuels), se diversifier (du fait de nouvelles formes de coexistence des cultures, des générations, des sexes…) et partant, se complexifier, quel titre plus prometteur que celui du dernier ouvrage de Sylvie Bernard-Curie* et Christophe Deval**: Simplifiez vos relations avec les autres ?
La rédaction du webmagazine EVE a lu ce parfait anti-manuel de développement personnel, qui, à l’appui des enseignements du mouvement ACT (Acceptance & Comitment Therapy) démonte maintes idées reçues et autres « recettes » toutes faites de la performance relationnelle, pour inviter chacun.e à la mise en mouvement de trois « forces » clés pour tisser et entretenir des rapports à soi et aux autres plus simples et plus alignés avec ses profondes aspirations.
Une masterclass d’optimisme lucide, chaleureuse, bienveillante et concrète pour apprendre à mieux se connaître et à mieux reconnaître pour mieux s’entendre, mieux se comprendre, mieux progresser ensemble. Synthèse.
Mais pourquoi c’est si compliqué ?
On aime (son/sa conjoint.e, ses enfants — même ados, si, si —, sa famille, ses ami.es…), on estime (ses partenaires, ses collègues, ses collaborateurs et collaboratrices…), on respecte (ses supérieurs hiérarchiques, ses client.es, ses voisin.es…) ou a minima on sait normalement donner le change dans les rapports humains courants.
Alors, pourquoi tant et si souvent de malentendus, de tensions et de crispations qui n’ont pas leur pareil pour mettre en route les petits vélos mentaux, nous faire grimper aux rideaux ou rêver un instant d’une carrière de tyran qui n’a pas besoin de se faire comprendre pour se faire entendre (option belliqueuse) ou d’une longue retraite d’ermite sur une île secrète (option pacifiste, mais qui comporte le risque d’être vite ennuyeuse) ?
Parce que primo, il ne faut pas se mentir : entretenir des relations avec les autres n’est jamais anodin, alors même que c’est parfaitement vital. En fait, c’est même parce que cela nous est vital, que cela comporte de forts enjeux et nous expose. Pas de panique, nous sommes juste des êtres d’émotion, ça arrive à des tas de gens bien !
Il est vrai néanmoins qu’on nous a plutôt appris que tout est dans la tête, et nous avons compris que tout est dans notre tête. Autrement dit, non seulement nous raisonnons depuis notre point de vue — et plus la relation se corse, plus nous sommes tenté.es de nous y replier — mais encore tend-on à considérer que la solution de nos difficultés est à chercher dans nos pensées, quand même l’expérience nous démontre régulièrement qu’elles sont effet sur le cours de la réalité.
A la rencontre de nos valeurs relationnelles
C’est plutôt du côté de nos valeurs, disent Sylvie Bernard-Curie et Christophe Deval***, qu’il faut aller chercher des sources et ressources pour vivre des relations plus satisfaisantes. Par valeurs, les auteur.es entendent très simplement « ce à quoi vous accordez de la valeur ». Par exemple, vous êtes profondément sensible à la bienveillance et/ou farouchement attaché.e à l’indépendance et/ou intimement mu.e par l’esprit de responsabilité, et/ou en puissant de sérénité et/ou il est important pour vous d’exercer de l’influence etc.
Commencez par éclaircir ce qui a vraiment du sens pour vous et qui est au cœur de vos attentes à l’égard de la relation avec d’autres. Ce sont là vos « appuis solides », qui comme les racines fermement plantées d’un arbre, vous maintiennent debout même par fortes turbulences et grands vents de changement.
Développons notre « flexibilité psychologique » (force n°1)
Mais debout dans la tourmente, ce n’est pas raide comme un piquet ! C’est être en cohérence entre ce qui compte pour soi et ce que le contexte permet. Voilà qui demande un effort de focalisation, expliquent Sylvie Bernard-Curie et Christophe Deval, sur son propre contexte intérieur en situation : Quelles émotions surviennent ? Quelles pensées viennent s’y greffer ? Quelle histoire fausse suis-je peut-être en train de me raconter sur moi-même et sur l’autre en laissant tourner à fond les pales de mon ventilateur à culpabilité, peur ou colère?
Une conscience accrue de ses façons de fonctionner permet d’identifier autant de pièges qu’on se tend à soi-même afin de restaurer ses marges de liberté dans le choix du comportement à tenir en situation sensible ou difficile.
Musclons notre empathie (force n°2)
Mieux au fait de ce qui se passe en nous, nous sommes aussi mieux outillé.es pour cerner ce que ressentent, vivent et attendent les autres. Autrement dit, pour développer notre empathie. Comme les « profilers » expérimenté.es des séries télé, nous pouvons apprendre à « voir le monde à travers les yeux des autres ».
L’exercice est de nature sensorielle avant tout, qui consiste à ouvrir les yeux et tendre l’oreille pour recueillir de l’information sur leur personnalité, leurs réactions, leur état émotionnel dans une situation donnée.
Il appelle ensuite une forme d’imagination, pour émettre des hypothèses ; mais aussi des qualités de rigueur pour ne pas confondre ce que l’on perçoit du comportement de l’autre et de ce que l’on en interprète, pense et juge (gare par exemple à ne pas « lire » le comportement d’une collègue qui exprime de l’insatisfaction comme la preuve de la conviction qu’on avait a priori de son tempérament plaintif). Enfin, on soumet à l’autre ce que l’on a perçu de sa vision des choses pour lui permettre d’en confirmer ou infirmer tout ou partie.
Marque d’attention portée à l’autre en même temps que technique pour mieux le connaître, l’empathie permet de circonscrire une zone de résonance émotionnelle, qui est aussi l’espace d’expression d’une saine bienveillance propice à des relations franches et constructive.
Trouvons notre juste équilibre (force n°3)
Dans un duo, on est trois ! Il y a moi, il y a l’autre et il y a la relation, ce bien commun que l’on a la responsabilité partagée de nourrir et entretenir, de soigner et, s’il le faut parfois, de réparer.
De témoignages de gratitude en mouvements vers l’autre, de moments de connivences en attentions qui font mouche, de mains tendues en coups de pouce, de joies sincères pour les enthousiasmes et les succès de chacun.e en offre de partage d’idées, de sentiment ou de projet, chaque action est un don fait à la relation, un fil supplémentaire qui tisse le lien et le solidifie.
Pour chaque partie, l’enjeu est alors de contribuer à l’enrichissement du lien sans pour autant se dépouiller, si ce n’est se défausser dans la relation, de toutes ses ressources personnelles. S’investir pleinement dans la relation à l’autre passe aussi par le fait de développer et entretenir une bonne relation à soi, faite elle aussi de bienveillance, d’empathie, de générosité et de souplesse.
Marie Donzel
Simplifiez vos relations avec les autres, Christophe Deval & Sylvie Bernard Curie, InterEditions — 2016
Lire aussi : notre interview de Christophe Deval et Sylvie Bernard-Curie, au sujet de leur précédent ouvrage Vous avez tout pour réussir
* Associée DRH Talents KPMG, psychologue, thérapeute praticienne en TCC, présidente du Comité des Sages du Programme EVE.
** Directeur du développement des Talents KPMG,psychologue, thérapeute praticien en TCC.
*** Christophe Deval et Sylvie Bernard-Curie sont intervenant.es au séminaire EVE. Ils animent l’atelier « Osez vivre vos valeurs ».
(c) Photos Sylvie Bernard-Curie et Christophe Deval : Erwan Balanant/KPMG – 2016