D’après une étude du cabinet BCG parue en 2019, les start-up montées par des femmes ont en moyenne 30 % de chance de moins d’être soutenues par les investisseurs, révélant ainsi le maintien d’un plafond de verre. Pourtant, depuis les années 2000 les études et entreprises se sont emparées du sujet en prônant les bienfaits de la mixité au travail. Comment évaluer aujourd’hui cet argument, 25 ans plus tard ?
De la corrélation à l’interprétation : quand la mixité a tout bon
Le chercheur Michel Ferrary et le cabinet McKinsey ont été parmi les premiers à établir un lien entre mixité et amélioration significative de la performance des entreprises. Leurs études montrent que les équipes les plus mixtes sont également les plus engagées et productives : celles composées de 40 à 60 % de femmes ou d’hommes affichent une hausse notable de productivité et d’engagement, se traduisant par des marges brutes supérieures (+23 % (Michel Ferrary, 2010). Selon leurs analyses, la mixité impacte également l’engagement des collaborateur·rice·s, l’image de marque des entreprises et la satisfaction de la clientèle.
A-t-on dilué le principe d’égalité dans l’esprit de mixité ?
Malgré les nombreuses études vantant les bienfaits de la mixité sur la performance des entreprises, les inégalités professionnelles demeurent. En 2019, révélait que seulement 12 familles professionnelles concentrent près de la moitié des femmes en emploi. En 2021, seules 40 femmes étaient à la tête d’entreprises du classement Fortune 500, et une seule femme noire y figurait.
Ces chiffres interrogent l’efficacité et les risques de l’argument de performance comme moteur d’une égalité réelle. La rhétorique utilitariste qui associe mixité et bénéfices économiques pourrait se retourner contre les femmes : mettre en avant des qualités dites « féminines », comme la prudence ou l’esprit de coopération, peut renforcer des stéréotypes positifs et alimenter un sexisme bienveillant. Ce discours, qui valorise la différence, risque d’enfermer les femmes et les “personnes issues de la diversité” dans une position “d’outsiders” et d’empêcher leur banalisation dans les rôles de responsabilité. En se focalisant sur des « talents féminins », on conforte implicitement la norme masculine et on crée une forme d’inclusion conditionnée, liée à des critères de performance.
Et que se passerait-il si la mixité venait à être perçue comme moins « rentable » qu’espéré ? Cette vision instrumentale fragilise le principe d’égalité, qui ne devrait pas dépendre de sa contribution économique. En liant la mixité à la performance, on risque de minimiser les discriminations systémiques et de ne pas répondre aux besoins d’un changement profond des normes. [IC1]
Quelles actions pour les entreprises ?
La proclamation de la mixité, aussi bénéfique soit-elle, ne suffit donc pas à assurer l’inclusion et l’égalité réelle. Le Conseil Recherche Ingénierie et Formation recommande ainsi aux entreprises de porter ces enjeux au plus haut niveau stratégique, en engageant la direction générale dans une démarche structurée et ambitieuse. Cela implique une approche globale de l’égalité femmes-hommes, qui interroge l’ensemble des processus : recrutement, formation, promotion ou encore production. Un accord d’entreprise clair, avec des indicateurs précis et un suivi rigoureux, est un levier essentiel pour transformer les intentions en actions. Enfin, il est crucial de ne pas cloisonner ces questions, mais de développer une approche transversale qui prend en compte toutes les dimensions de l’organisation.
L’égalité réelle ne sera atteinte que si elle devient un moteur central, capable de redéfinir en profondeur nos modèles de travail et de réussite. Cela passe par la déconstruction des normes implicites, plutôt que par l’adaptation des profils “diversifiés” à un modèle dominant, pour une inclusion bénéfique à tous·tes.