Rencontre avec Laurent Siebert, senior VP audit interne Schneider et participant à EVE.
Programme EVE : Bonjour Laurent. Vous êtes à la tête de l’audit interne mondial de Schneider. Concrètement, quelle est votre mission?
Laurent Siebert : Bonjour. La principale mission du service que je dirige est d’assurer que les process sont efficaces et les risques bien mesurés dans l’ensemble du groupe Schneider. Cela signifie auditer les entités, auditer les principales acquisitions, auditer les process et conduire des audits transverses pour s’assurer que la stratégie du groupe est correctement déployée partout dans le monde. Ce sont des missions très globales, qui touchent à tous les métiers, dans tous les pays, à tous les niveaux.
Programme EVE : Vous vous appuyez sur une équipe remarquablement diverse pour réaliser cette mission…
Laurent Siebert : Oui. Pour ce travail, l’équipe est fondamentale. Et le choix de la diversité n’est pas anodin. Je recrute sur quatre axes de diversité.
Le deuxième axe, c’est la nationalité : dans une équipe de 16 personnes, je compte 12 nationalités différentes, car un environnement multiculturel est très important dans la mission, fondamentalement internationale, qui est la nôtre.Le premier axe, c’est l’équilibre femmes/hommes. J’atteins quasiment le 50/50.
Le troisième axe, c’est l’éducation et les diplômes : mes collaborateurs et collaboratrices viennent des meilleures universités de leur pays, mais ils ont des formations variées, j’ai des ingénieur-es, des juristes, des personnes issues de grandes écoles de commerce mais aussi des littéraires.
Le quatrième axe, c’est la diversité des parcours professionnels : 1/3 de mon équipe vient de l’interne, de tous types de postes, global supply chain, marketing ; 1/4 vient de la stratégie et les autres sont issus de recrutements externes. Ce sont clairement des profils divers que je recherche.
Un cinquième axe de diversité émerge dans notre recrutement à l’audit : la mixité générationnelle. Traditionnellement, l’audit est réservé à des personnes de 30-35 ans, je tâche aujourd’hui d’intégrer des seniors à l’équipe pour apporter aussi un autre regard, d’autres manières de faire, un recul… Mais il est vrai que la nature du métier ne facilite pas le recrutement de personnes entre 35 et 45 ans, car avec plus de la moitié de l’année passée en déplacement, c’est un métier peu compatible avec une vie de famille équilibrée. Mais il faut aussi dire qu’on ne passe pas toute sa carrière à l’audit, c’est un tremplin de carrière.
Programme EVE : Vous concevez votre service comme une pépinière de talents?
Laurent Siebert : Exactement. L’audit global de Schneider repère et forme les futur-es leaders du groupe. L’image de l’audit s’est longtemps résumée à une équipe de jeunes loups totalement dévouée à leur mission, travaillant du petit matin jusqu’à la nuit, manquant parfois de recul, dans une approche qualifiée par certains de quasi militaire. Aujourd’hui, c’est une école pratique du leadership, on cherche des gens qui ont une vision globale, qui savent réagir au stress, qui ont le sens des métiers, qui sont à l’écoute et qui seront capables d’essaimer de bonnes pratiques de management…
C’est aussi la raison pour laquelle je tiens à ce que, même si une vie familiale est difficile pour les auditeurs, pendant cette période de leur carrière, ils aient une vie privée et qu’ils sachent la concilier avec la vie professionnelle. Je suis très attaché à l’ambiance du service et j’encourage les auditeurs à prendre des moments de détente, même quand ils sont en mission, ici ou à l’étranger. Je vous montrerai, nous avons une galerie photo très festive des moments off de l’équipe. On est loin de la caricature de l’auditeur austère et individualiste, carnassier et sans humour! (ndlr : après avoir visité le service de Laurent Siebert et rencontré les membres de son équipe, nous confirmons qu’une ambiance très conviviale règne dans l’équipe et que les différent-es auditeur-es qui nous ont été présenté-es avaient effectivement visage humain, sympathique, ouvert et… Rieur!).
Programme EVE : Comment ces équipes très diverses et très mixtes travaillent-elles ensemble?
Laurent Siebert : Je fais systématiquement le choix de mettre chacun-e là où ne l’attend pas, de mélanger les rôles, d’extraire les un-es et les autres de leur zone de confort. Je fais sortir chacun de son domaine d’expertise, de sa « boîte » : ça renforce à la fois la créativité (ceux qui ne sont pas experts d’un sujet posent les bonnes questions, des questions parfois naïves, mais des questions justement très pertinentes), l’entraide et l’esprit d’équipe.
Cette façon de faire crée une émulation positive qui transcende les personnalités, toutes déjà très brillantes, et leur permet de se dépasser encore.
Programme EVE : C’est là que vous révélez les leaders en elles et eux?
Laurent Siebert : Oui. Pour accroître leur leadership, nous mettons aussi beaucoup l’accent sur la communication. Je veux apprendre à mes collaborateurs et collaboratrices à communiquer efficacement, à l’oral comme à l’écrit, avec l’extérieur et entre eux.
Nous avons des « platinium rules » et parmi celles-ci une à laquelle je tiens beaucoup : « feedback is a gift« . C’est un vrai changement culturel et c’est un effort pour chacun-e, aussi, mais c’est essentiel. Nous debriefons tous les jours et nous nous formons deux semaines par an en séminaire « leadership & communication » avec des workshops classiques comme du coaching ou des 360°, mais aussi des ateliers plus inattendus, comme l’an passé, des cours de théâtre qui ont eu beaucoup de succès, malgré quelques appréhensions initiales.
J’ai aussi décidé de proposer des coachings particuliers à certain-es membres de l’équipe, pour régler en particulier des questions de confiance en soi, qui sont, on le constate, hélas, plus fréquents chez les salariees femmes.
Programme EVE : Vous avez participé au dernier séminaire d’EVE, à Evian, en décembre 2012. Y avez-vous trouvé des inspirations nouvelles pour développer la confiance en soi et le leadership des femmes?
Laurent Siebert : Oui, j’ai partagé avec mon équipe différentes choses apprises à EVE. D’abord, l’intervention de Joanna Barsh, du cabinet McKinsey. Ce « Demandez ce que vous voulez! » qui est le leitmotiv de son discours, est très simple mais très porteur. Immédiatement après avoir parlé de cette plénière avec mon équipe, une collaboratrice est venue me rencontrer en me disant « Je n’ai jamais osé le dire, mais j’ai envie de changer, j’ai envie de m’orienter vers les solutions. » J’ai pu contacter le patron des solutions qui a évidemment été enchanté de tomber sur ce profil.
J’ai aussi partagé avec mes équipes le témoignage de Franck Riboud. Je trouve très important ce qu’il dit de la liberté comme tempérament du leader : c’est la liberté qui aide à prendre des risques, à oser pour se dépasser. Le leadership, c’est effectivement un état d’esprit.
Programme EVE : Comment repérez-vous cet « état d’esprit » justement, chez un-e futur-e leader?
Laurent Siebert : Quand j’échange avec une personne, lors d’un recrutement par exemple, je suis attentif à la façon dont la personne organise sa propre vie, dont elle parle de ses équipes, dont elle s’exprime à son propre sujet et à celui des autres… Je cherche une certaine humilité, dans la confiance en soi. Je veux aussi des personnes qui ont une capacité de conviction et de vraies qualités de compréhension. Ce ne sont pas des dons, ce sont des valeurs.
Il m’est arrivé de dire, après un entretien « D’accord, il a un bon CV, il est fort, il répond bien aux questions. Mais je ne pense pas que l’équipe ait pas envie de travailler avec lui! ». C’est important, par exemple, qu’un-e leader ait aussi de l’humour, une capacité à se détendre, important encore que ce soit quelqu’un qui sache s’intégrer, qui ait un esprit « bon camarade »… Ce sont des choses qui se sentent.
Programme EVE : Vous dites que vous « sentez » ces choses-là. Est-ce à dire que vous laissez une large place à l’intuition dans votre management?
Laurent Siebert : Oui, l’intuition n’est pas que féminine! (rire) C’est bien de pouvoir laisser parler cette qualité-là quand on est un homme. Je fais aussi beaucoup de place à la parole, à l’échange. Ca aussi, c’est peut-être vu comme une qualité traditionnellement féminine. Mais les choses changent! (rire).
Pour moi, trois qualités sont essentielles dans le management et ce sont trois qualités humaines : l’écoute, le respect et l’esprit d’entraide.
Propos recueillis par Marie Donzel, avec la complicité d’Emmanuelle Jacquemot
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