Chaque année, au mois d’avril, on célèbre la fête des secrétaires, assistant·es et adjoint·es administratif·ves… Une bonne occasion de se pencher sur une profession exercée à plus de 80% par des femmes dans le secteur privé.
Encore une nouvelle journée mondiale ?
Et là, vous vous dites : c’est quoi, cette « nouvelle » journée mondiale ? Mais la Journée des secrétaires n’est pas du tout une nouveauté. Elle existe depuis 1951 !
Elle a été créée à l’orée des Trente Glorieuses à l’initiative de l’International Association of Administrative Professionals afin de donner de la visibilité et de l’attractivité au métier… Qui ) cette époque manque de main d’œuvre ! Car oui, en pleine croissance économique doublée de transformations majeures du monde du travail (tertiarisation, globalisation, développement de la fonction managériale…), on manque cruellement de ces personnes efficaces et fiables, agiles et orientées solution, en maîtrise d’une foule d’outils et qui simplifient et fluidifient la vie quotidienne des entreprises.
Mille métiers en un pour une foule de compétences
D’hier à aujourd’hui, la journée mondiale des secrétaires et assistant·es met en évidence la valeur créée par ces femmes et (plus rarement) hommes qui connaissent l’entreprise comme leur poche, aussi bien dans ses aspects formels qu’informels et dont le métier quotidien fait appel à une foule de compétences « dures » et de « soft skills ».
Il suffit de constater comme le métier des secrétaires et assistant·es est en prise avec les évolutions des outils et méthodes de travail pour bien cerner à quel point non seulement il demande des savoir-faire précis mais aussi une capacité à s’approprier des techniques en constante transformation.
Quant aux soft-skills, c’est sans doute l’un des métiers qui y fait le plus appel : anticipation, sens de l’organisation, sens des responsabilités, gestion du stress, communication, flexibilité, gestion du temps, empathie, esprit de coopération, intelligence émotionnelle, art de la négociation, esprit de synthèse, intelligence situationnelle, curiosité, persévérance, résilience, sens du service, loyauté…
Le dernier rapport de l’Observatoire des métiers de l’Assistance consacré aux compétences met en relief le rôle clé de ces fonctions dans la prévention et la gestion des risques dans un monde de plus en plus incertain : leur connaissance fine de la marche courante de l’entreprise les places avant-postes de la détection des signaux de dysfonctionnements et en fait de précieuses vigies !
Une fonction sujette à l’invisibilisation
Malgré ce large panel de compétences, les secrétaires & assistant·es ne bénéficient pas toujours pleinement de la reconnaissance de leur valeur professionnelle et de leur contribution à la valeur créée par l’entreprise.
Plus rarement promu·es que les autres professionnel·les du tertiaire, iels se heurtent à des parois de verre qui limitent leur évolution vers d’autres métiers. Pourtant, leur volume de tâches et de responsabilités est en constante augmentation, objective la Grande Enquête Assistantes et avec cette multiplication des attendus, le niveau de charge mentale monte aussi en flèche, souligne le magazine spécialisé Assistant(e) Plus.
Une grande enquête ethnographique conduite par la sociologue Christelle Avril en 2019 dénonce la permanence de « traits de la condition domestique » dans les conditions de travail et d’évolution professionnel du métier. La chercheuse note en particulier que dans ce métier plus que dans d’autres « la carrière dépend des relations personnels avec les supérieurs hiérarchiques » et que les secrétaires & assistant·es « assument des tâches domestiques dans la sphère professionnelle »… Il n’en va pas que de l’éthique ou du tempérament plus ou moins respectueux des individus en position hiérarchique plus élevée, nous dit la sociologue, mais d’une identification collective du métier qui cumule les stigmates de la fonction servicielle, des rôles genrés et de la ségrégation sociale. En effet, il n’est pas rare que l’assistant·e soit une femme, il est statistiquement établi qu’il y a plus de chances pour que la personne qu’elle assiste soit un homme et qu’il existe entre eux des écarts en termes de milieu d’origine, de niveau de diplômes et de conditions de vie.
A ces écarts sociaux, il faut ajouter un certain phénomène d’invisibilisation dont sont plus généralement sujettes les fonctions dites « support »… Alors même qu’il est démontré qu’elles sont la clé de voûte de l’intelligence collective.
Dites-le avec… De la reconnaissance !
Alors, pour la fête des secrétaires et assistant·es comme le reste de l’année, ne le dites pas (seulement) avec des fleurs et des chocolats, mais avec des manifestations claires de reconnaissance. Et pas que pour les « services rendus », mais aussi en signifiant la bonne compréhension de l’apport à la chaîne de valeur de l’entreprise et la prise en compte des compétences acquises à travers l’expérience. Le dire avec de la reconnaissance, c’est aussi travailler au développement professionnel des secrétaires et assistant·es en ouvrant des voies possibles d’évolution, de promotion, de mobilité vers d’autres métiers.
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE