La plupart d’entre nous connaissent le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes.
Certain·e·s ont en tête la journée internationale des droits de l’homme, le 10 décembre.
Mais qui connait la Journée internationale des hommes, le 19 novembre ?
Ça existe, ça ? Mais c’est quoi ?
L’acte de naissance : 1992… Ou alors 1999, à moins que…
L’international Men’s Day (IMD) a été lancée une première fois en 1992 par un certain Thomas Oaster, professeur associé de l’université du Missouri, spécialisé dans la santé masculine. L’intention : attirer l’attention du grand public sur les accomplissements positifs des hommes, leur rôle à jouer pour l’amélioration des relations femmes/hommes, leurs besoins physiques et psychiques et les souffrances causées par la misandrie et les discriminations contre les hommes. Ce dernier point a fait grincer des dents et invité plus d’un·e à répondre par le fameux slogan « le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours ». Autrement dit, pour la complainte des victimes de misandrie, il faudra repasser.
D’ailleurs, il faudra 7 ans pour qu’à nouveau, une initiative de journée des hommes se fasse jour. En 1999, l’historien trinidadien Jerome Teelucksingh choisit la date du 19 novembre (l’anniversaire de son père) pour lancer une Journée dédiée à la condition des hommes et des garçons, qui doit, en miroir du 8 mars pour les femmes et les filles, faire valoir les droits des hommes et œuvrer à ce que la masculinité ait une meilleure image dans la société. Après lui, plusieurs militants de l’IMD tentent de faire entendre aux Nations unies la pertinence de consacrer cette Journée. Mais l’ONU va finalement choisir de célébrer le 19 novembre… Les toilettes !
Tant pis, si l’ONU préfère les wawas aux messieurs, on fera sans elle. Depuis deux décennies, l’IMD tente chaque année de s’organiser mais ça ne prend pas vraiment. L’ombre du masculinisme (qui n’est pas l’équivalent du féminisme, comme nous l’expliquions ici) fait planer un soupçon pas net sur cette Journée et ceux qui y participent.
Bonnes questions, mauvaises réponses ?
Pourtant, une foule de bonnes questions est soulevée par cette intention de défendre les hommes et de célébrer la masculinité. Parmi ces bonnes questions, celle de la possibilité réelle pour les hommes de s’inscrire dans une diversité des masculinités, celle des risques auxquels les hommes sont surexposés par rapport aux femmes (certaines maladies, les accidents du travail, les morts violentes, la privation d’un abri, l’incarcération…), celle des biais de genre qui tendent encore à les positionner en « second parent » après la mère devant un juge aux affaires familiales (quoique dans de nombreux pays, une attention toute particulière soit désormais portée à ce que les hommes puissent faire valoir leurs droits paternels)…
Mais de quoi ou de qui faut-il protéger les hommes ? Des femmes, semblent exprimer certains activistes de l’IMD : le spectre du renversement de la domination fait notamment florès chez les « angry white males » qui attribuent plus volontiers leur sentiment de déclassement au politiquement correct qui fait passer femmes et minorités avant eux plutôt qu’à leurs éventuelles insuffisances. D’autres militants inscrits dans la mouvance IMD sont plutôt portés à penser que ce sont des hommes qu’il faut protéger les autres hommes. Et ce n’est pas absurde quand on sait par exemple que les victimes de morts violentes sont majoritairement des hommes tués par d’autres hommes… Ou bien faut-il protéger les hommes du patriarcat, cet ordre social qui les positionne certes en situation de domination avec certains privilèges associés mais qui les oblige aussi en certaines situations à s’inscrire dans une masculinité toxique, dangereuse pour les autres comme pour eux-mêmes ?
Et pourquoi pas une journée de l’égalité de genre ?
Mais au fond, la vraie bonne question n’est-elle pas : comment traiter de la condition des femmes sans adresser en même temps celle des hommes (et vice-versa) ? Alors, peut-être qu’au lieu de parler des droits des femmes en tant que droits spécifiques, il faudrait parler de droits liés à l’égalité de genre au cœur des droits humains ? Une telle évolution de la journée du 8 mars aurait par ailleurs pour avantage de nous épargner quelques malentendus sur la « journée d’la fââââââme » avec ses bouquets de fleurs, chocolats et autres réductions sur le tarif épilation !
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE