Chez Orange, on repère et on forme les grandes dirigeantes de demain!

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Rencontre avec Marie-Bernard Delom, DRH cadres dirigeants et développement managérial.

 

Orange a rejoint EVE.

Nous avons fêté cette bonne nouvelle au début de l’été lors de la matinée Orange campus consacrée à l’égalité professionnelle. Pour en savoir plus sur ce nouveau partenaire et sur les actions menées par Orange en matière d’égalité professionnelle, nous avons voulu interroger sa représentante au Comité des Sages, Marie-Bernard Delom.

A la veille de l’ouverture du 3è séminaire du Programme EVE, nous avons eu une conversation à bâtons rompus sur l’expérience d’EVE 2011 vue par les participant-es d’Orange, sur les stéréotypes qui collent à la peau du leadership féminin (et masculin, aussi), sur la préoccupation de diversité et sur la stratégie de « viviers » d’une entreprise innovante…

Programme EVE : Bonjour, Marie-Bernard. Orange a rejoint EVE, cette année. Que signifie cette adhésion au premier programme interintreprises de leadership féminin?

 

 

 

Marie-Bernard Delom : Orange est aujourd’hui une entreprise très impliquée dans l’innovation RH. C’est une maison qui a à coeur de valoriser ses collaborateurs et collaboratrices et de se tourner vers l’avenir. La question de l’égalité professionnelle est au coeur de cette ambition.

Une équipe d’Orange s’est rendu au séminaire EVE en 2011… Et en est revenue enchantée

L’an passé, un petit groupe de personnes du s’est rendu au séminaire EVE, pour voir ! Ces hommes et ces femmes sont tous revenus enchanté-es d’Evian et, après avoir étudié avec eux les instruments positifs du leadership féminin chez Orange, il est apparu que rejoindre le programme EVE faisait véritablement sens pour nous.

Aussi cette année nous envoyons des managers en situation d’influence : des dirigeants et des talents potentiels. Il s’agit de choisir des personnes à la fois capables de prendre du recul par rapport à leur façon de travailler et avec lesquelles la direction des ressources humaines a des relations suffisamment serrées pour qu’on puisse librement échanger sur cette expérience. Ce sont aussi des personnes qui sont en plein développement de carrière et pour qui la question du « comment mieux faire » est centrale.

Programme EVE : Vous-même, de quelle façon avez-vous été personnellement sensibilisée, au cours de votre carrière, aux questions du leadership féminin et de l’égalité professionnelle?

 

 

 

Marie-Bernard Delom : J’avoue que je n’en ai pas la même expérience « douloureuse » que d’autres femmes. J’ai débuté comme manager à La Poste puis j’ai occupé des fonctions RH dans l’industrie, avant de rejoindre Orange, il y a déjà 18 mois. A La Poste, j’évoluais dans un environnement très féminin, mais à mon niveau de responsabilité, j’étais surtout entourée d’hommes. Ensuite, dans l’industrie, j’étais dans un milieu très masculin, à tous les niveaux de hiérarchie. Et là, sans que je m’en rende vraiment compte, j’ai adopté un comportement professionnel asexué, pour pouvoir m’intégrer. Mes collègues me disaient « Ah! toi, au moins, tu n’es pas une poupée Barbie. »

« Toi, au moins, tu n’es pas une poupée Barbie », lui ont parfois dit les collègues de Marie-Bernard Delom. Elle ajoute : « sans que je m’en rende vraiment compte, j’ai adopté un comportement professionnel asexué, pour pouvoir m’intégrer. »

C’est vrai, que par nature, j’ai une présentation assez neutre, je préfère le pantalon à la jupe et je suis plus bijoux que maquillage, si on entre dans le détail des attributs stéréotypés de la féminité. Je suis à peu près certaine que ce style qui est le mien sans que je me force a favorisé mon évolution professionnelle. Mais c’est après coup que j’ai pris conscience que mon intégration à moi, dans des équipes masculines, s’était aussi faite parce que je ne représentais pas « trop » la féminité. Juste ce qu’il fallait… Sans déranger ni déconcentrer! (rire)

Pour le reste, jusqu’il y a peu, je n’avais abordé la question de la diversité et de l’égalité que sous l’angle des effets négatifs de la non-diversité et de l’inégalité. Jamais, je n’avais retourné le problème en le regardant sous l’angle du leadership. EVE m’a permis de développer ce regard…

Programme EVE : Vous faites effectivement partie de l’équipe qui s’est rendu à EVE en décembre dernier. Qu’avez-vous retiré du séminaire?

 

 

 

Marie-Bernard Delom : Je ne vous cache pas que je suis allée avec une certaine appréhension et probablement quelques préjugés : je me suis dit « Ouh! la, la, un séminaire où on parle d’oser être soi, ça sent les ateliers de coaching où on va vouloir m’apprendre à pleurer, ou je ne sais quelle autre méthode new age à laquelle on va vouloir m’initier… » (rire)

Evidemment, j’y ai trouvé tout autre chose, j’ai été subjuguée par la qualité du contenu des conférences et des rencontres. J’ai aussi été surprise par l’esprit très vif et très inspirant du programme : là, j’ai compris que le sous-titre « oser être soi-même » avait vraiment du sens, non pas seulement pour le développement personnel des individus, mais aussi et surtout pour que ces individus puissent oeuvrer à la transformation des organisations.

J’ai pris conscience de ce que nous femmes, avons à apprendre du leadership : comment on doit, sans singer les hommes et risquer d’en devenir d’effrayantes caricatures, nous former à notre propre leadership.

Et puis, il y a une dimension d’EVE qui me plait tout particulièrement : on y met l’accent sur les dommages collatéraux des inégalités pour les hommes. C’est vrai, les codes du pouvoir sont étanches pour les femmes, mais ils sont aussi très oppressants pour les hommes. Je me souviens d’un stage de team building où, pour la énième fois, nous avions eu droit à l’incontournable descente en rafting. Les femmes se sont fait porter pâle et plusieurs hommes ont commencé à dire « le rafting, c’est sympa une fois, mais au bout d’un moment, faire les rigolos dans une rivière entre mecs, on en a ras-la-casquette! » C’est un exemple un peu isolé, mais qui dit bien que quand on veut faire plaisir aux hommes en leur donnant ce qu’on croit correspondre à leurs goûts d’hommes, on est parfois à côté de la plaque.

Programme EVE : Vous êtes très convaincue par la nécessité de faire participer les hommes à la question du leadership féminin…

 

 

 

Marie-Bernard Delom : Oui, c’est la clé. Il faut faire comprendre qu’une organisation bienveillante pour les femmes est une organisation bienveillante pour tous. C’est la même rhétorique que celle de l’intégration des personnes handicapées : l’ascenseur ou la rampe que vous installez pour laisser passer les fauteuils roulants, ça sert aussi à la personne fatiguée, à celle qui a une poussette, à celle qui a une jambe cassée et à celle qui n’a pas envie de monter les escaliers (rire).

Pouvoir dire « je n’ai pas envie de  » et « j’ai envie de » ou « je veux » dans un contexte de bienveillance, c’est ça être soi-même. La bienveillance, ça permet de s’exposer soi, mais ça offre aussi à l’autre la possibilité de se montrer. Quand on peut oser se montrer, on se montre aussi plus facilement sous son meilleur jour. On est évidemment meilleurs et plus forts, quand on est à plusieurs et plusieurs à pouvoir être soi-même.

Programme EVE : Les femmes, justement, ont beaucoup souffert d’être isolées, dans le leadership…

 

 

 

Marie-Bernard Delom : Oui, et c’est précisément à cet isolement que j’attribue certains comportements de leadership féminin qui ont pu rebuter. Parce que les femmes étaient très seules, jusqu’il y a peu, à être en situation de top management, elles n’avaient que le modèle des hommes pour exercer leur leadership.

Il faut pouvoir offrir aux femmes d’autres modèles que la caricature du management masculin

On a dit souvent d’elles qu’elles étaient « pires que les hommes » quand elles accédaient au pouvoir, je ne sais pas si « pire » est le mot juste, mais je dirais qu’elles étaient dans la caricature du management masculin, avec ses attributs les plus brutaux. Il faut qu’il y ait plus de femmes dirigeantes pour que les femmes dirigeantes aient des modèles à elles, pour qu’elles puissent jouer sur un nuancier complet de « la façon d’être » au pouvoir.

Programme EVE : Quels sont aujourd’hui, les objectifs d’Orange, en matière d’égalité professionnelle et de leadership féminin?

 

 

 

Marie-Bernard Delom : Les objectifs d’Orange en matière de ressources humaines sont clairement de miser sur l’humain. Nous avons signé il y a deux ans une nouvelle charte du management qui prévoit la diversification du « corps » des managers et leur formation continue pour renforcer leur talent et leur capacité d’innovation. Cet objectif de formation continue s’incarne par exemple dans le Campus de Montrouge que vous avez pu visiter en juillet.

Nous avons aussi créé des réseaux de top managers, qui comportent aujourd’hui 19 % de femmes, avec un objectif de 35% en 2015.

Nous jouons encore sur la croissance externe, en recrutant aujourd’hui plus de femmes, à potentiel équivalent, pour rééquilibrer peu à peu les effectifs.

Mais surtout, nous travaillons sur les « viviers » de talents : dans chaque métier, aux différents niveaux de management, nous repérons les plus hauts potentiels et nous les faisons entrer dans des « pools ». Accroître le nombre de femmes dans ces « pools » de talents, c’est accroître nos chances d’avoir des femmes en situation, demain, de prendre le leadership à très haut niveau. Attention, on parle bien d’accroitre les chances et de miser sur les potentiels. Les femmes sur qui on mise ont leurs preuves à faire, c’est important de le rappeler pour éviter les réactions hostiles d’hommes qui se sentiraient discriminés.

Programme EVE : Qu’attendez-vous de la féminisation des équipes managériales chez Orange?

 

 

 

 

Marie-Bernard Delom : D’abord de la diversité. La diversité, c’est essentiel pour Orange. Nos produits touchent toute la population, et par définition, notre clientèle est diverse.

Au-delà de cette dimension, la féminisation des équipes doit avoir un impact sur la culture managériale. Là encore, il s’agit de diversité : on ne va pas entrer dans les considérations sur un management féminin qui serait plus doux, plus consensuel ou plus humain parce que ce serait encore verser dans les caricatures. Non, l’enjeu, c’est de ne pas avoir des clones à la tête des entreprises et des services, mais d’avoir des gens différents, qui viennent d’horizon différents, qui ont une expérience et un regard différent sur les choses, et qui, j’insiste, font l’effort d’être eux-mêmes.

Propos recueillis par Marie Donzel