Qui ne veut pas voir sa rémunération réévaluée ? Mais comment obtenir une augmentation à la hauteur de ses aspirations ? Inspirez-vous des méthodes des négociateurs pour maximiser vos chances d’être augmenté·e !
1/ Clarifiez vos intérêts
Tout le monde veut être mieux payé. Mais pourquoi le voulez-vous, vous ? Pourquoi maintenant ? Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Dans le jargon managérial, on distingue les fonctions extrinsèques du travail des fonctions intrinsèques. Les fonctions extrinsèques, c’est tout ce qui relève des nécessités et devoirs, à commencer par le fait de gagner sa vie pour pouvoir subvenir à ses besoins. Les fonctions intrinsèques, c’est ce qui a trait à tout ce que le travail apporte à l’individu de sens, de reconnaissance, de position sociale, d’épanouissement personnel (via l’apprentissage, le plaisir du travail bien fait, le sentiment du devoir accompli…), de liens et d’appartenance… La rémunération est au croisement des deux types de fonction : elle permet de payer son toit, son repas et ses factures, mais elle parle aussi de notre statut social, de notre légitimité, de notre valeur sur le marché de l’emploi, de l’investissement de l’entreprise pour nous garder et nous faire évoluer…
Tout cela n’est pas sans percuter des enjeux profondément intimes : la reconnaissance, l’estime de soi, le poids du regard des autres, le sentiment de singularité mais aussi le besoin d’équité. Alors, avant de partir bille en tête exiger qu’on vous rémunère à votre (inestimable) valeur, faites le point avec vous-même sur ce qui se joue dans votre besoin de voir votre salaire croître.
Exercice d’entraînement :
Sur une feuille libre, dressez deux colonnes. Une pour les fonctions extrinsèques, une pour les fonctions intrinsèques. Listez (en toute sincérité) sous chacune les besoins qui résonnent avec votre souhait d’être augmenté·e.
Par exemple :
- Fonction extrinsèque : inflation/pouvoir mieux se loger/mettre en cohérence mon temps de travail effectif et mon équivalent taux horaire…
- Fonction intrinsèque : gagner autant qu’untel dont j’estime que la valeur du travail est équivalente à la mienne/avoir un niveau de vie proche de celui de mon cercle relationnel/être remercié·e pour mon engagement/sentir qu’on veut me garder…
Pour chaque besoin, accordez une note d’intensité de 1 à 5.
Pour préparer l’entretien avec votre manager, vous savez désormais ce sur quoi vous devez être tout particulièrement mobilisé·e.
2/ Intégrez les intérêts de l’employeur dans votre équation
Avoir clarifié vos besoins va vous permettre de garder le cap de vos objectifs… Mais il va vous falloir naviguer avec habileté pour les atteindre. Compréhension du contexte, attention au point de vue de l’autre partie, intelligence des situations sont vos meilleurs atouts pour maximiser vos chances d’être entendu·e, compris·e et satisfait·e. Si vous évoquez l’inflation, ayez en tête que la hausse des prix impacte aussi les coûts de production de l’entreprise : ça ne veut pas dire que vous devez être sacrifié·e sur l’autel de la flambée des matières premières, mais il sera apprécié que vous vous positionniez dans une chaîne de valeur complète et complexe. Si vous évoquez votre besoin d’améliorer votre qualité de vie personnelle (mieux vous loger, pouvoir vous offrir davantage de petits plaisirs…), replacez cet enjeu au cœur de ce qui intéresse l’employeur, à savoir votre équilibre, votre efficacité, votre sérénité entre autres facteurs de votre performance au travail. Si vous voulez parler de votre besoin de reconnaissance, positionnez la question sous l’angle de l’engagement et de la fidélité : c’est parce que vous voulez continuer à apporter le meilleur de vous-même que vous avez besoin que l’employeur s’engage de son côté à reconnaître que votre travail de qualité fait la différence.
N’oubliez pas que ce qui vous lie à l’employeur, c’est un contrat. Un contrat a sa dimension formelle, quand il fait état des droits et devoirs de chacun. Il a aussi sa dimension informelle quand il incarne une relation et suppose un lien de confiance, dans lequel chacun reconnaît implicitement son choix de « faire ensemble », en co-responsabilité.
Exercice d’entraînement :
Essayez-vous au jeu de rôle avec un·e partenaire ! Vous voilà à la tête d’une TPE et l’un·e de vos salarié·e·s (votre partenaire de jeu) vous demande une augmentation. Lancez la discussion… Puis au bout de 30 minutes, inversez les rôles !
3/ Soyez force de proposition
Vous avez votre cap en tête et vous avez acquis une bonne conscience des intérêts de l’employeur. Vous reste à structurer un argumentaire efficace, en imaginant différents scenarii. En effet, il se peut que l’on dise « non » à ce que vous demandez. N’y voyez pas une fin de non-recevoir, mais une occasion de proposer un autre chemin pour faire avancer la discussion.
Soyez force de proposition :
– si l’on vous dit non en invoquant un contexte incertain, suggérez des solutions pour que votre demande s’adapte à l’imprévisibilité de l’environnement (par exemple : une part de variable) ;
– si l’on vous dit que le taux d’augmentation revendiquée est trop élevé, vous pouvez proposer un calendrier permettant d’atteindre le montant voulu avec des objectifs intermédiaires qui valideront la montée en performance justifiant l’élévation de la récompense (n’hésitez pas à vous prononcer sur le choix des indicateurs de validation) ;
– si l’on vous dit que personne ne vous a demandé de bosser autant, discutez des conditions dans lesquelles vous pourriez ajuster votre temps de travail en cohérence avec les attendus de votre mission (par exemple : prioriser les tâches qui demandent le plus d’investissement et accepter que les autres soient un peu moins bien exécutées, former des collaborateurs moins surchargés à qui vous pourriez déléguer…) ;
– si l’on vous demande les raisons pour lesquelles vous estimez cette augmentation justifiée, faites la part entre ce qui relève de la reconnaissance pour ce qui est déjà accompli (en faisant valoir aussi ce que vous apportez à la structure mais sans que ce soit forcément dans votre feuille de mission. Par exemple : la participation à des projets internes qui ne sont pas immédiatement rentables pour la boîte mais qui contribuent à l’innovation, à la montée en gamme, au développement des compétences des équipes.) et ce qui relève de vos performances potentielles.
En effet, l’employeur regarde plus volontiers vers l’avenir que vers le passé : il a naturellement plus envie de croire en vous et de dealer les conditions d’une promesse à tenir que de passer à la caisse pour ce qu’il a reçu sans l’avoir forcément demandé. Restez focus sur vos objectifs, sans vous laisser trop envahir par les affects et les réflexes moralistes : vous avez peut-être raison de penser que l’employeur devrait, par principe, reconnaître votre apport et vous augmenter afin que vous soyez payé·e à ce qui est désormais votre juste valeur, mais cet argument ne fait pas tout pour le convaincre ; alors usez de toute la palette des leviers de négo à votre disposition.
Exercice d’entraînement :
Sur une feuille libre, dressez trois colonnes. En tête de la première, indiquez ce que vous considérez comme un apport de votre part à l’entreprise. Dans la seconde, vous identifierez en quoi cela est objectivable comme un levier de performance du point de vue de l’employeur. Et dans la troisième, vous imaginerez les solutions pour que cette valeur créée soit reconnue et rétribuée.