Portrait : Sylvie Bernard-Curie, Very important ViPi

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Sylvie Bernard-Curie

Sylvie Bernard Curie est directrice des Ressources Humaines KPMG Audit.

C’est aussi un pilier du Programme EVE dont elle préside le Comité des Sages.

Redoutablement brillante, irrésistiblement impertinente, fondamentalement humaine, elle est diablement charismatique. Nous l’avons rencontrée il y a quelques jours à Paris dans ses bureaux pour l’interroger sur son parcours, sur ses projets… Et sur ses rêves. Portrait de VIPi.

 

 

Son père était chercheur en aérospatial, sa mère directrice d’école. Quand ils lui demandaient : « Et toi, Sylvie, qu’est-ce que tu veux faire plus tard? », elle répondait : « Pédiatre… Ou psychologue ».

Elle a donc fait… « Une prépa HEC, ben oui, en toute logique! » dit dans un large sourire celle qui assume sans complexes un parcours pas si linéaire.

Sur sa carte de visite, il y a écrit « Associée, directrice des Ressources Humaines KPMG Audit ». Dans son univers professionnel, il y a en réalité mille et une expériences, mille et un chemins, mille et une vies à la rencontre les unes des autres.

UNE PSY DANS L’ÂME AU PAYS DE L’AUDIT

Sylvie Bernard-Curie a débuté sa carrière chez Peat Marwick, la « rolls » qui allait bientôt donner naissance à KPMG

A la sortie de l’EDHEC, titulaire d’une double spécialité en audit juridique et fiscal et en gestion du personnel, elle est embauchée chez Peat Marwick. « C’était la Rolls, j’avais 22 ans, je sortais de l’école et j’arrivais dans le meilleur cabinet international d’audit, l’ambiance était incroyable, à la fois familiale et so british. »

Quelques mois plus tard Peat Marwick fusionne avec Klynveld Main Goerdeler. C’est la naissance de KPMG. « Une fusion, ça perturbe beaucoup… Pas mal de personnes ont quitté le navire. J’ai le contraire d’une âme de rat qui se précipite vers la sortie quand la situation se complexifie. Je suis restée et je suis allée voir ma hiérarchie en disant tout simplement : « dites-moi ce que vous voulez construire et je le construirai avec vous. ». On a recruté 100 personnes dans les mois qui ont suivi sur un projet enthousiasmant. Il fallait ensuite intégrer tout ce monde-là, il fallait aussi bâtir une culture propre à KPMG. »

On confie alors progressivement à Sylvie Bernard-Curie la responsabilité du recrutement et de la formation en méthodologie d’audit en même temps qu’elle gravit les échelons pour devenir senior manager. A la même époque, elle occupe ses soirées à bûcher, en vue d’obtenir un diplôme d’expertise-comptable.

1995 est une année charnière pour elle : alors que sa fille voit le jour et qu’elle décroche son diplôme d’expertise, sa carrière prend un tournant chez KPMG. Le cabinet, qui ne cesse de croître, s’engage alors dans un programme international de développement des compétences. Elle sait que ce challenge est fait pour elle. Ca tombe bien. Elle propose la création du poste de directrice du développement des compétences. Elle conçoit et met en place tous les outils d’évaluation et de formation. Puis, deux ans après, elle crée le service des Ressources Humaines qu’elle dirige, tout naturellement. Le Cabinet est passé de 100 à 400 professionnels.

Pour être un bon DRH, il faut comprendre les métiers au quotidien et les mécanismes à l’oeuvre chez les individus au travail… En amont, sans attendre que les personnes et les organisations craquent!

Voilà plusieurs mois que cette intellectuelle dans l’âme, dans une incessante démarche d’apprentissage, n’était pas retournée sur les bancs de l’école. Ca lui manque. Et puis, elle ne veut se contenter d’occuper ses nouvelles fonctions RH en comptant sur ce qu’elle a appris sur le tas. « Je voulais acquérir les compétences d’un bon DRH. Apprendre à comprendre les gens pour les aider à se construire professionnellement et à mobiliser leur intelligence. Ca exige un tempérament, oui, il faut être humain, tourné vers les autres ; mais ça demande aussi de vraies connaissances sur le fonctionnement des métiers et sur les mécanismes psychologiques à l’oeuvre chez les individus. C’est un domaine où l’intuition ne suffit pas, car c’est toujours plus complexe que les apparences le laissent croire. »

Dont acte : direction le CNAM et ses modules de Psychologie du Travail en cours du soir.

HEUREUX-SE COMME UN BISOUNOURS

Sylvie Bernard-Curie en assez d’entendre du mal des Bisounours… Et rappelle à toutes fins utiles que la gentillesse est un super-pouvoir!

A mesure qu’elle apprend toutes les ficelles et subtilités de son nouveau métier, KPMG poursuit sa croissance : le groupe passe de 400 à 2500 collaborateurs en quelques années. Elle s’entoure d’une équipe, demande à se rapprocher physiquement des services comptabilité, « Parce que si la paye ne tourne pas, les RH ne servent à rien », développe le département mobilité, met en place une communauté RH, crée le département gestion de carrière, dont le rôle est « d’accompagner les collaborateurs au long de leur parcours professionnel, pour qu’ils soient heureux chez KPMG ».

Heureux? C’est une notion RH, ça? Plutôt deux fois qu’une, selon Sylvie Bernard-Curie qui s’agace d’entendre régulièrement du mal des… Bisounours! Les Bisounours? Ca encore, c’est des RH? « Parfaitement, Madame! A ceux qui me disent « Oh! eh! ça va, on vit pas chez les bisounours », je commence par rappeler que les Bisounours ont de super-pouvoirs! ». Or, Sylvie est convaincue d’une chose : le pire ennemi des super-pouvoirs, c’est le stress. Il faut le combattre à la source, en considérant les individus, dans leur globalité.

Les théories comportementales, cognitives et émotionnelles : une approche de l’individu dans sa globalité et du parcours de vie comme un continuum

Elle qui vient il y a deux ans d’entamer un nouveau cycle d’étude sur les thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles sait que la vie est tout sauf un long fleuve tranquille : « Ces thérapies récentes n’opposent pas le malade versus le bien-portant, elles traitent du parcours de vie comme d’un continuum. Elles tiennent compte de la complexité de l’existence de chacun, elles admettent l’idée qu’on peut être quelqu’un qui va très bien à certains moments et moins bien à d’autres et que même dans les moments où ça va mal, il y a des choses qui aident à se construire. Elles reposent encore sur l’acceptation de ses émotions et la prise de recul par rapport à ses pensées pour permettre à la personne de se développer, de grandir même dans les périodes difficiles, en allant vers ses valeurs et en s’ancrant dans le présent. »

Des notions fondamentales pour Sylvie Bernard-Curie qui parle volontiers de « flexibilité psychique » du leader. Par là, elle entend la capacité du manager à entretenir des relations constructives au contexte. « Le contexte, en l’occurrence, c’est celui de l’encadrement de personnalités différentes et aussi de personnalités dont les priorités se transforment dans le temps, soit ponctuellement à la faveur de situations particulières, soit radicalement, comme lors d’un changement de situation familiale, à l’arrivée d’un enfant par exemple… »

VP2 : UN AUTRE REGARD SUR LE BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL

Mais est-ce le rôle du manager de tenir compte des humeurs de chacun et des rendez-vous chez le pédiatre du petit dernier ? Oui, affirme, Sylvie Bernard-Curie, « Il ne s’agit pas de se mêler de la vie privée des gens mais de s’inquiéter de la possibilité réelle, pour chacun-e, de s’épanouir dans son travail. »

On parle bien d’articulation vie privée/vie professionnelle, n’est-ce pas? « C’est ça, mais je lui ai donné un autre nom : VP2 (avec l’accent, please)! » Vipiquoi? Vipitou? « 2 fois VP : VP comme Vie Professionnelle et VP comme Vie Personnelle. J’ai voulu un mot nouveau parce que c’est un langage nouveau, une autre manière de voir, une autre manière d’approcher la question. Le principe, c’est de faciliter pour une même personne une qualité de vie et une qualité d’expérience professionnelle, concomitamment. Concrètement, ça passe par toutes sortes de mesures évidentes mais pas si simples à mettre en oeuvre comme le fait de lutter contre le présentéisme, d’interdire les réunions à des horaires déraisonnables, d’engager les collaborateurs à ne pas travailler le week-end et s’ils y tiennent quand même, à ne pas envoyer des mails aux autres pendant qu’ils se reposent…

Tout cela favorise évidemment une parentalité en entreprise plus sereine mais ça offre aussi à tous, parents ou non, la possibilité d’avoir une vie riche, au boulot et en dehors du boulot. »

Sylvie Bernard-Curie proclame le droit universel de l’être humain au « moment off » et rêve même de lancer une soirée « débranche tout » par semaine chez KPMG. « Plus de black-berry, plus de wifi, juste un soir, régulièrement, pour que personne ne se sente coupable de ne pas travailler. »

L’idée plait, mais « elle angoisse aussi. Les managers ont peur de faire une promesse qu’ils ne pourront pas tenir. Le but n’est pas de les stresser plus en cherchant à les stresser moins… On prendra le temps qu’il faut et on trouvera la bonne manière de faire pour que ce droit au moment off devienne une réalité concrète. »

 

MADAME (LA PRESIDENTE) REVE

Lors de la matinée EVE chez Orange Campus en juillet dernier, Sylvie Bernard-Curie a présenté les résultats de l’expérience « Quand les EVE rEVEnt »

C’est pour trouver de nouvelles manières de faire, justement, nourrir sa propre réflexion sur tous ces sujets et impliquer plus encore son entreprise dans les problématiques de construction d’individus forts et audacieux que Sylvie Bernard-Curie a souhaité l’adhésion de KPMG au Programme EVE.

« On a tout de suite vu que ce programme allait être une formidable occasion de passer à la vitesse supérieure et de faire éclater toutes les barrières qui freinent l’innovation… EVE, c’est ça, c’est une dynamique permanente de franchissement des frontières : les frontières entre les entreprises, les frontières entre les hommes et les femmes, les frontières entre l’expérience et l’expertise… C’est aussi un double mouvement de transformation : celle des individus et celle des organisations, ensemble, au même moment. »

Sylvie vient d’être reconduite à la Présidence du Comité des Sages du Programme EVE. Un rôle qu’elle adore tenir. « D’abord, je suis toujours joyeuse quand je vais retrouver les femmes du Comité des Sages, on est bien ensemble, on passe de vrais bons moments, en grande bienveillance. Il y a là une forme d’inclusion qui en fait un endroit où on peut parler, se disputer au sens philosophique du terme. Ces lieux sont rares. Il faut en profiter et il faut les multiplier. »

N’est-ce pas utopique? « Si, ça l’est. Au départ en tout cas. Quand on se donne le droit de rêver, ce que l’on s’est précisément accordé à EVE l’année passée (Quand les EVEs rEVEnt, ndlr), tout peut être inventé. Mais le plus surprenant arrive après : quand on commence à envisager des solutions pour concrétiser ses rêves, alors on s’aperçoit qu’on n’est peut-être pas si éloigné de la réalité… Il manque parfois de pas grand chose pour qu’un rêve si petit soit il prenne forme. C’est sur ce pas grand chose qu’il faut agir… »

Marie Donzel