Chaque année, le 8 mars nous inspire des sentiments partagés.
Une journée internationale des droits des femmes, ça nous parait une évidence… Et en même temps, il y a quelque chose de désolant dans le fait de devoir encore et toujours mener le combat pour le simple fait que la moitié de l’humanité bénéficie des mêmes droits que l’autre.
Et puis, on se demande si une journée par an, ça suffit. Et pourquoi pas une journée des hommes à l’heure où les masculinités sont en pleine recomposition ? Sinon, pour réussir son 8 mars, il faut offrir une rose comme à la Saint-Valentin ? Faire un marathon de conférences ? Faire un don à une ONG ? Porter un tee-shirt « Feminist » ? Accorder aux dames un rabais de 20% sur tous les produits de consommation courante ? Payer une amende pour chaque pensée sexiste ? Faire un « vis ma vie » pour expérimenter le quotidien d’une entrepreneure, d’une mère de famille, d’une ouvrière, d’une femme d’affaires ?
Allez, pour essayer d’y voir plus clair, on en parle !
De l’inscription historique comme nécessaire point de perspective
La toute première vertu du 8 mars, dont c’est cette année le 45è anniversaire en tant que journée Onusienne, c’est d’inscrire la question de l’égalité femmes/hommes dans une perspective temporelle. Pour se souvenir des grandes dates, pour rendre hommage aux figures majeures, pour mesurer les progrès ou au contraire identifier les régressions.
Rien d’anodin dans cette inscription historique, quand on sait que parmi les enjeux, il y a aussi celui de la participation des femmes au temps long de l’humanité. En effet, entre l’effet Matilda qui a invisibilisé de nombreuses actrices du changement et l’idée communément partagée (quoique partiellement fausse) que les inégalités sont le fruit d’une millénaire et linéaire hiérarchie des genres, l’histoire des femmes parait comme une thématique récente… Quand on ne regarde pas le sujet comme un « effet de mode » !
Faisons du 8 mars de chaque année, l’occasion de regarder avec profondeur et lucidité d’où nous venons pour choisir où nous voulons aller.
La dimension internationale, pour embrasser le sujet de façon globale
Autre atout du 8 mars, c’est une journée internationale. Une journée pour penser la condition des femmes du monde entier. Et pour porter des politiques globales à l’échelle des grandes institutions mondiales, des ONG, des entreprises multinationales…
Une façon de rappeler aussi que les femmes ne sont statistiquement pas une minorité mais représentent la moitié de l’humanité… Même si en de nombreux points, leur condition les place en « situation » de minorité. La pyramide du plafond de verre en témoigne.
Tous les sujets à l’agenda
Le 8 mars, c’est une journée consacrée aux droits des femmes. Les droits politiques pour commencer : seuls 10 pays dans le monde témoignent, à l’heure actuelle, d’une parfaite égalité juridique entre les femmes et les hommes.
Mais aussi les droits économiques : il y va notamment de garanties en termes d’égalité des chances face à l’éducation, à l’emploi, à la carrière…
Les droits de la santé sont également couverts par la Journée internationale des droits des femmes : l’égalité face aux soins généraux, la santé sexuelle et reproductive, la prise en compte des affections féminines, les évolutions physiologiques et hormonales au cours de la vie…
Les questions de sécurité, aussi, face à différents risques, depuis la liberté réelle de se mouvoir dans l’espace public jusqu’aux effets différenciés du changement climatique, en passant par les violences intrafamiliales ou le cyberharcèlement…
Le 8 mars, on parle encore de participation des femmes aux décisions, de leur présence dans les instances de gouvernance, de leur leadership…
Et pourquoi pas une journée des hommes ?
Mais au fait, pourquoi n’y a-t-il pas de journée internationale des droits des hommes, en miroir ? N’ont-ils pas eux aussi des problématiques spécifiques ? Plus nombreux à la rue, plus nombreux parmi les réfugiés, plus nombreux sur les terrains de guerre, plus nombreux parmi les personnes incarcérées, plus nombreux parmi les victimes d’accidents (de la route, du travail, liés aux loisirs), plus nombreux parmi les morts par suicide, silenciés quand ils font l’objet de violences conjugales et d’agressions sexuelles, ils traversent aussi une « crise de la masculinité » qui serait taboue.
Depuis 1999, il existe bien une Journée internationale de l’homme, fixée au 19 novembre. Mais ça ne prend pas vraiment : un temps pointé du doigt pour son masculinisme latent, l’événement est également mis en cause parce qu’il ferait déni des rapports asymétriques de genre, et notamment de la valence différentielle des sexes au cœur des inégalités socio-économiques défavorables aux femmes.
Mais du coup, journée des femmes ou journée de l’égalité ?
Mais alors, est-ce que le 8 mars, on parle des femmes ou bien des inégalités entre femmes et hommes ? C’est toute l’ambiguïté de cet événement… Et sans doute la première raison de la confusion qui fait parfois prendre la journée internationale des droits des femmes pour la fête de la féminité, avec son lot d’actions maladroites voire carrément contre-productives.
De l’importance, donc, de ne pas abréger la dénomination de cette journée en « journée de la femme » mais au contraire, de l’inscrire fondamentalement dans des enjeux de droits humains. Car c’est bien ce dont il s’agit : ni essentialiste ni différentialiste, cette journée a pour mission de rappeler que les « droits de l’homme » ont initialement écarté les femmes de leur application et que c’est un héritage qu’hélas nous traînons… Et traînerons aussi longtemps que la réalité nous proposera des écarts de condition en fonction du genre.
Et les autres jours de l’année ?
Pour relever ce défi, une journée par an suffit-elle ? Assurément, non. D’où le slogan qui fait florès aujourd’hui, « le 8 mars, c’est toute l’année ».
A ce titre, reconnaissons les progrès : il y a encore une décennie, l’attention sur les droits des femmes et la condition des femmes en divers champs de l’existence, se restreignait à des actions associatives relayées avec plus ou moins de bonne volonté dans les médias. Aujourd’hui, tous les corps de métier, l’immense majorité des entreprises, les organes de presse, les réseaux sociaux braquent les projecteurs sur la thématique à chaque début de mois de mars.
Et ça ne s’arrête pas au 8 : dorénavant, les questions de mixité sont à l’agenda tout au long de l’année et elles sont de plus en plus souvent insérées dans les débats centrés sur des thématiques communes aux deux genres. Indiscutablement, la conversation sur l’égalité progresse. Reste à renforcer encore l’action.
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE