Christine Descamps, productrice exécutive du Programme EVE s’est rendue il y a quelques jours au « petit-déjeuner mixité » organisé par la société de conseil Talentis en partenariat avec Vivacci. Elle a assisté à cette occasion à la présentation par Viviane de Beaufort de son étude « Femmes et pouvoir ». Elle nous en propose sa lecture.
« Viviane de Beaufort, Professeure à l’ESSEC, Directrice Académique du programme « Entreprendre au Féminin » de cette école et auteure du récent rapport « Femme et pouvoir : tabou ou nouveau modèle de gouvernance » a mené une cinquantaine d’entretiens avec des dirigeantes en poste dans des grandes entreprises françaises et internationales ou exerçant dans la Haute fonction publique, avec plusieurs expertes des questions de leadership féminin et avec des participantes à des réseaux de femmes.
De cet important travail de recherche, il ressort plusieurs points saillants. J’ai retenu les suivants :
1. Les femmes entretiennent encore souvent des rapports ambigus au pouvoir. Le modèle dominant de la conquête et de l’exercice du pouvoir, d’inspiration guerrière, ne leur convient pas vraiment, même quand elles se montrent capables d’en maîtriser les codes. La solitude qui l’accompagne leur pèse et elles souffrent de devoir masquer leurs émotions.
2. Les femmes ont besoin d’apprivoiser le pouvoir. D’abord, elles se rassurent par leurs compétences, toutes ou presque étant sujettes à un incontournable complexe d’imposture. Si on leur reconnait des qualités comme un grand sens du collectif, une excellente lucidité, des capacités à être interpelées, une grande intégrité dans le respect des règles et de l’éthique, elles doivent en revanche apprendre à gagner en souplesse. Il leur faut se convaincre que faire des compromis est possible et que faire des compromis ce n’est pas forcément se compromettre!
3. La perception du pouvoir par les femmes varie selon les régions et les cultures. Si les femmes des pays latins l’associent à l’ambition, à l’autorité, à l’influence, au politique et à d’autres synonymes plutôt négativement connotés, les femmes anglo-saxonnes rassemblent sous le terme de « leadership » une conception du pouvoir plus neutre, sans distinction de genre et plus facile à assumer pour elles. Il est vrai aussi que plus nombreuses à être en position de dirigeantes, elles sont moins discriminées et vivent l’exercice du pouvoir de façon plus décomplexée.
4. De la même manière, la place accordée à l’émotion n’est pas la même partout. Ici du domaine de l’affectif et potentiellement porteuse de risques de débordements, elle est ailleurs davantage ressentie comme une authentique énergie dans laquelle les femmes s’autorisent à puiser pour exercer leur leadership.
5. Mais la capacité à exprimer et transformer ses émotions est-elle une qualité plus féminine que masculine? Pour échapper aux stéréotypes, la question mérite probablement d’être reformulée différemment. Au delà d’une dialectique « qualités féminines » versus « qualités masculines », il semble plus pertinent d’évoquer des polarités féminines et des polarités masculines, présentes en chacun-e, quelque soit son genre.
En conclusion, il semblerait qu’en matière de leadership, une transformation des perceptions et des comportements est en marche et les qualités attribuées à la polarité féminine sont plus valorisées aujourd’hui. Il faudra sans doute du temps pour que cela essaime aux différents niveaux de hiérarchie. Reste que pour la fameuse GenY qui arrive sur le marché du travail avec ses talents mais aussi avec ses attentes, voire ses exigences, un leadership différent, auquel les femmes ont ouvert la voie, serait tout particulièrement séduisant…
Christine Descamps. »
Article édité par Marie Donzel