« Je ne suis pas capable de… », « Personne ne voudra de moi », « Je suis trop… ou pas assez… », « Je n’oserais jamais »… Tant de petits phrases que l’on se dit pour expliquer ses difficultés voire ses échecs ou simplement le fait de ne pas s’être lancé·e ? Et s’il s’agissait de croyances limitantes ? Des quoi… ? On fait tout de suite le point sur ces insidieuses auto-insinuations qui font parfois de nous notre meilleur ennemi. Mais bonne nouvelle, on peut y échapper !
C’est quoi, une croyance limitante ?
Une croyance limitante nous… Limite, comme son nom l’indique. Elle dresse des obstacles, certes imaginaires mais tout de même bien ressentis, sur notre parcours d’évolution, que ce soit dans la sphère personnelle ou professionnelle. Jusqu’à nos rêves parfois, qui ne doivent pas être plus grands que nos supposées limites.
De manière générique, la croyance limitante est une pensée fondée sur des expériences vécues, qui donne du sens à nos comportements, nos émotions, nos succès et nos échecs et qui détermine nos jugements, sur nous et sur les autres. Marion Blique, autrice de J’arrête les croyances limitantes (Éditions Eyrolles, 2020) explique que ce sont « des filtres qui nous empêchent de percevoir et d’accepter la vie telle qu’elle est, et donc de la vivre librement. On se trouve immobilisé dans un carcan de principes, de théories, d’injonctions, de jugements familiaux, culturels, sociaux, sociétaux qui nous empêchent de voir les choses simplement, telles qu’elles sont, sans projeter sur elles notre interprétation. »
Comment se fabriquent les croyances limitantes et comment elles restreignent nos horizons ?
Les croyances limitantes s’installent dans notre esprit quand, au sein d’un « espace validant » (la famille, l’école, le travail…), nous faisons l’expérience de l’empêchement sans en comprendre les raisons ou en intégrant que les raisons sont à chercher du côté de notre incapacité. « Ne touche pas au four », c’est frustrant pour un petit qui a envie de tout découvrir, mais ça s’explique par « Tu pourrais te brûler ». Mais « Ne touche à rien, tu vas tout casser », c’est un message flou (qu’est-ce qui est compris dans le rien et dans le tout ?) et stérilisant, propice au sentiment que l’on n’a rien à faire là et à la crainte de la sanction punitive au moindre mouvement.
L’environnement socio-culturel est aussi un terreau fertile aux croyances limitantes collectives qui vont ensuite imprimer la psyché des individus : les pensées essentialistes attribuant des capacités et incapacités aux hommes ou aux femmes comptent parmi les meilleurs exemples de la façon dont l’imaginaire collectif nous bouche une partie de nos horizons.
Notons encore que les croyances des un·e·s peuvent rejaillir sur le destin d’autres : il en va ainsi de la bienveillance limitante, cette conviction le plus souvent bien intentionnée qu’une jeune mère aura d’autres priorités que le boulot et que ce n’est pas la peine de lui proposer un challenge professionnel (voire que c’est lui mettre la pression que de seulement lui parler d’une opportunité) ;que les jeunes pères sont désarmés face à un bébé qui pleure et qu’il vaudrait mieux appeler la maman ; que les personnes issues de milieux modestes entretiennent des complexes propres à les mettre mal à l’aise dans des cercles où le pouvoir s’exerce (donc, pas un cadeau à leur faire que de les y inviter) etc.
Comment se manifestent les croyances limitantes et pourquoi c’est un cercle vicieux
Les croyances limitantes se manifestent par de la prudence excessive, du refus de s’engager dans l’action, de la procrastination, du doute, du complexe d’imposture… Mais aussi dans des comportements de sur-compensation : comme pour invoquer une contre-croyance, la personne habitée par l’idée obsédante qu’elle n’est pas capable de quelque chose, peut être amenée à se conduire en tête brûlée, à se montrer impulsive, sur-ambitieuse et sur-audacieuse. A l’image de la personne entravée par des chaînes qui se jette à l’eau, apparemment en grande confiance de ses pouvoirs anti-noyades mais finalement confrontée au fait qu’elle boit la tasse, ce qui va renforcer sa conviction qu’elle est inapte à nager !
Plus près de nos préoccupations, au cœur de notre quotidien professionnel, les croyances limitantes nous poussent soit à repousser les opportunités de progresser (« J’en suis incapable », « Ce n’est pas compatible avec mes autres choix de vie », « On n’a jamais vu quelqu’un comme moi relever ce genre de challenge »…), soit à les embrasser toutes avec avidité, au risque de se confronter à une surcharge de travail (on avait si peur de ne pas être utile à la boîte qu’on a devancé la demande en prenant toutes sortes de tâches et responsabilités que maintenant, on ne parvient pas à honorer) et/ou à une succession d’échecs (on s’est lancé dans un projet d’une ampleur et/ou d’une complexité folles, et voilà qu’on ne parvient pas à s’en dépêtrer).
Comment se défaire des croyances limitantes et développer un système de pensées équilibré
Est-il possible de se défaire des croyances limitantes ? Oui, en les empêchant de s’activer dans nos décisions. Les sciences cognitives nous apprennent que nos « boîtes mentales », là où sont rangés nos stéréotypes, les conclusions réflexes tirées de nos expériences primitives, les normes de la culture dans laquelle nous évoluons et bien sûr nos croyances (limitantes ou autres), s’ouvrent comme des horloges à coucou dans toutes les situations qui nous mettent en inconfort.
Notre sentiment de sécurité est entamé et hop s’ouvre la petite porte par laquelle sortent tous les motifs d’anxiété rhabillés de post-rationnalisation (« Ce n’est pas que je suis nul·le, c’est que j’ai appris à me connaître, hein, je sais que ça, je ne peux pas le faire, si, si, je vous jure ! »). Notre référentiel de valeurs est destabilisé, et hop, c’est le défilé des « Je ne suis pas fait·e pour ça », « Je préfère ne pas m’engager là-dedans » et autres « Je ne comprends rien. Je ne comprends jamais rien. ». Notre légitimité est défiée et hop, retour à la case victimaire (« Je ne mérite vraiment pas d’être traitée comme ça », « C’est toute l’histoire de ma vie, de me faire piétiner », « Ca n’arrive pas aux autres… ») et/ou défensive (« Je ne tolérerai pas qu’on me manque de respect de la sorte », « Soit je ne suis pas assez bien soit je suis trop bien pour travailler avec ces gens-là ; en tout cas, on ne se comprend pas »…). Autrement dit, nos croyances s’activent plus rapidement et de façon plus forte quand la situation nous fait monter en charge émotionnelle… Au point de déséquilibrer notre rapport émotion/raison.
Pour retrouver une saine tension entre intelligence émotionnelle et intelligence intellectuelle, il nous faut commencer par accéder à la lucidité: savoir que nous avons des croyances, identifier les situations dans lesquelles ces croyances se font passer pour des vérités, retenir l’emballement de la machine à post-rationnalisations. Concrètement, quand je suis tenté·e de m’interdire quelque chose, je branche tout de suite mon alarme pour vérifier que cet interdit ne va pas trouver ses racines du côté de mes peurs d’enfant, de mes complexes, de mes expériences passées mal digérées, de mes névroses…
C’est pour cela qu’au-delà de se souvenir que nous avons des croyances, il peut être intéressant de sonder le fond de ces croyances: qu’est-ce qui se joue quand on est persuadé que quelque chose nous manque pour réussir ? De quoi manque-t-on exactement ? Est-ce vraiment de la somme d’argent ou du temps qu’il serait nécessaire de dégager pour suivre cette formation indispensable à un changement de métier ? Et puis, est-ce vraiment de changer de métier avant de pouvoir commencer à s’épanouir qui va nous aider à nous épanouir ?
Car effectivement, en creux des croyances limitantes, il y a la mère de toutes : l’idée procrastinante qu’il y a des préalables à l’action. En fait, derrière ces prétendus préalables, ce sont des obstacles qui n’osent pas dire leur nom. Et si on s’autorisait, comme le mouvement ACT y convie, à se lancer sans surcroît de préparation, à oser en se faisant confiance pour apprendre en marchant ?
Pour cela, n’ayons pas peur de trébucher ! Accordons-nous ce fameux droit à l’erreur en méditant le mot d’Henry Ford : « échouer, c’est avoir la possibilité de recommencer de manière plus intelligente ». Et c’est sans doute dans cette résilience heureuse que l’on verra se dissoudre bien des pensées limitantes…