Sincérité & authenticité : ces concepts sont-ils totalement interchangeables ? Parle-t-on de deux termes similaires ou bien complémentaires ? Revêtent-ils la même valeur morale ? La sincérité et l’authenticité reviennent de plus en plus aujourd’hui dans le vocabulaire managérial. Le degré d’importance qui leur est conféré varie fortement d’un individu à l’autre, selon son éducation, sa culture ou encore sa manière d’interagir avec les autres. Petit tour d’horizon de leur signification, de leur utilisation dans notre langage courant et de leur impact sur nos relations.
La sincérité ou le devoir de franchise
Depuis notre tendre enfance, on nous rabâche de « dire la vérité, rien que la vérité » ! Un grand principe à observer pour que la société nous considère comme honnêtes et respectables. Combien de fois avons-nous lu, entendu l’importance d’oser « dire les choses » ? Mais pour autant, est-ce que la franchise que l’on attend de ses parents ou de ses amis lorsque l’on se perd dans des chemins tortueux ou pour nous permettre de progresser dans notre savoir-être est également acceptée à titre professionnel ? Est-ce que dire ce que l’on pense s’inscrit toujours dans une démarche constructive ?
Pas sûr que votre collègue soit prêt à entendre toutes les remarques que vous aurez à son sujet ! Car si la sincérité est importante pour nouer des relations authentiques, elle n’en demeure pas moins difficile à entendre. Et l’on prend parfois le risque de vexer, voire de blesser l’autre, notamment lorsque cette franchise peut s’avérer discriminante. Entre notre intention de bien faire en lui signifiant une information sur lui ou elle que l’on juge nécessaire à sa progression et l’impact que cette information va avoir, il y a souvent un monde. Et on pourrait également se dire que le fait d’omettre ou de cacher la vérité peut s’avérer positif s’il s’agit de protéger autrui d’une nouvelle qu’il ou elle ne serait pas prêt.e à accepter… Toute la nuance réside dans la manière d’être sincère : si l’on situe l’information sur le terrain irrationnel des émotions, il y a peu de chances que celle-ci soit bien accueillie même avec une posture bienveillante. Par contre, si l’on étaye son propos de données factuelles en montrant l’impact que le comportement de son interlocuteur a eu sur une dynamique de groupe, sur une ligne de business ou autre, dans une démarche constructive, l’effet ne sera pas le même car la mise à distance offrira le recul nécessaire pour appréhender une situation donnée. Ainsi, la sincérité peut être une bonne chose mais il faut s’assurer qu’elle n’aille pas à l’encontre de valeurs éthiques.
L’authenticité ou le choix du vrai.
Et l’authenticité, dans tout ça ? Est-elle différente de la sincérité ? Pas forcément ! Disons que l’authenticité va au-delà de la sincérité. Là où cette dernière consiste à « dire ce que l’on pense », l’authenticité se définit par « être ce qu’on est » et par « se présenter aux autres comme tel », si l’on revient à son étymologie grecque « authentikós », signifiant littéralement « qui se détermine par sa propre autorité ». L’authenticité se joue d’abord dans le soi à soi alors que la sincérité se porte sur l’autre. Et cette sincérité reste très subjective, puisque dire ce qu’on pense ou dire la vérité ne signifie pas forcément énoncer une vérité universelle. L’authenticité flirte davantage avec la notion de vérité…ou plutôt une vérité propre à chacun.e. Être authentique, c’est trouver le juste alignement entre son identité propre, ses valeurs, ses actes et ce vers quoi on souhaite tendre afin « d’exister en plein accord avec soi-même ». Alors, lorsqu’on fait le choix de l’authenticité, on troque le déni pour la lucidité envers soi-même et les autres !
Authenticité et intégrité
Ainsi, on peut rapprocher l’authenticité de la notion d’intégrité, même si elle la dépasse puisque l’intégrité, qui « consiste à mener une existence qui soit conforme à ses propres principes », est davantage assimilée à une éthique de la vertu. Si l’intégrité demande à celles et ceux qui souhaitent être considéré.e.s comme « intègres » de ne pas déroger à leurs propres principes éthiques, l’authenticité consiste plutôt à suivre ses propres principes et aspirations, et à en tenir compte dans ses rapports aux autres. On peut donc dire que l’authenticité est un dévouement à des principes, aspirations et valeurs « personnelles », là où l’intégrité est une fidélité à des principes et valeurs plus universels. Dans une société qui prône de plus en plus le bien-être individuel, il semblerait donc que l’authenticité ait de beaux jours devant elle !
Sincérité et authenticité : faut-il choisir ?
Considérée comme une soft skill recherchée et valorisée, « l’authenticité dépend étroitement de la perception qu‘un individu se fait de ses responsabilités – à savoir l’exercice de la liberté dans un cadre donné – et de sa capacité à faire preuve de congruence vis-à-vis de celle-ci. »1 On attend donc aujourd’hui d’un leader qu’il soit authentique, et qu’il incarne pleinement ce qu’il dit et ce qu’il fait. Et cela peut être complémentaire d’une posture sincère tant que celle-ci prend en compte l’autre dans une approche éthique. L’une accompagnée de l’autre pourra créer les conditions propices du bien-être au travail permettant « aux individus d’agir en accord avec eux-mêmes et de pouvoir s’exprimer librement »1.
1 « 7 super-pouvoirs pour développer la coopération », Julien Ohana & Charlotte Ringrave, Éditions Fil Rouge, 2021.