Dans la vie, on est invité·e à PO-SI-TI-VER ! Prendre le bon côté des choses, regarder le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, faire de chaque difficulté une opportunité, garder confiance… Est-ce cela que l’on appelle l’optimisme ? La rédaction du webmagazine EVE est allée y regarder de plus près.
TOUT tout tout est bon dans le bonus super-plus !
L’étymologie d’optimisme renvoie au latin optimus. Et optimus, c’est le superlatif de bonus. Bonus, c’est bon, c’est bien, c’est abondant, c’est avantageux, c’est heureux. Alors optimus, c’est tout ça, mais en encore mieux. Waow, on en veut !
Mais l’étymologie étant une science de la dispute, certain·e·s attribuent plutôt l’origine d’optimus à omnis… Qui signifie le « tout » et a, par exemple, donné « omniscient », c’est-à-dire qui a connaissance de toute chose. Ou « omnivore », qui mange de tout (et donc croque la vie à pleines dents ?). Ou « omniprésent », sur quoi/qui l’on peut toujours compter. Ou encore « omnipotent », le tout-puissant.
Foi, croyance… Ou naïveté ?
Un tel niveau d’exigence n’est effectivement pas à la portée du commun des mortels. La chrétienté ne s’y trompe pas, qui associe directement l’optimisme à la foi. Perfectus Deus n’a pu créer qu’un monde où les choses sont vouées à (finir par) aller bien. Être optimiste est alors un devoir directement lié au fait de croire : avoir la foi, c’est faire confiance au tout-puissant. Y compris quand ça va mal, car là-haut, il y a forcément un plan de prévu pour que ça s’arrange.
Leibniz en est convaincu, « Le meilleur des mondes possibles » connait certes le mal (la méchanceté, le mal-être, la maladie etc.) mais si on conjugue la volonté divine avec le courage des êtres qui sont majoritaires à chercher le bien, il y a matière à optimisme : certes excessif (mais de ce fait dérisoire, dirait Talleyrand), le mal fait le show mais il ne peut finalement rien (ou si peu) contre le bien qui d’une façon ou d’une autre advient.
De l’autre côté du Rhin, Voltaire ironise, en consacrant un des contes philosophiques dont il a le secret à démolir le propos de Leibniz. C’est Candide ou de l’optimisme. Un véritable best-seller (réédité au moins vingt fois du vivant de l’auteur), qui narre les aventures d’un « esprit simple » élevé par le précepteur Pangloss (sosie à peine déguisé de leibniz). Le garçon va découvrir ce qu’on appellerait la « vraie vie » en se faisant chasser du meilleur des mondes après avoir échangé un baiser avec une amie (vous avez repéré l’allusion à la Bible ou bien il faut qu’on insiste ?). Or, la « vraie vie », ce n’est pas du gâteau : guerres, maladies, catastrophes, mauvaises rencontres, malchances, injustices… Candide ne peut pas s’en remettre indéfiniment à la certitude naïve que les choses s’arrangent d’elles-mêmes. Il va lui falloir investir de l’espoir, mais surtout prendre confiance pour devenir acteur de sa propre aventure de vie.
Lumières sur l’optimisme : la confiance en l’avenir
Une partie des philosophes des Lumières entendent en effet rendre à l’humain sa capacité à faire son bien et à faire le bien. Chez ceux-ci, la croyance se déplace volontiers de la religion vers l’idéal de progrès et la confiance en l’avenir. En remplaçant la providence, le progrès remet entre les mains des individus, des groupes et des sociétés le pouvoir d’améliorer leur propre condition mais aussi de construire le monde de demain.
Quoique cet idéal de progrès soit aujourd’hui remis en cause, notamment dans les critiques faites à une croissance économique prometteuse de progrès mais productrice aussi de nuisances (environnementales, sociales etc.), notre perception contemporaine de l’optimisme est fortement imprégnée de cette idée qu’en nourrissant de l’espoir pour l’avenir et en nous mettant en mouvement pour le construire, nous pouvons aller contre les fatalités.
La tentation du pessimisme
Mais le pessimisme parfois nous rattrape. Ce peut être une affaire de tempérament (certain·e·s ont une moindre tendance que d’autres à se projeter dans des lendemains plus heureux) ; de moments de vie difficiles qui entament notre joie de vivre, notre confiance en l’avenir et notre courage de « se battre » pour que ça aille mieux ; de constats désemparés devant l’ampleur d’une situation (comme en cas de catastrophes, face à l’accroissement des inégalités et/ou de la dégradation de l’environnement…).
Mais il y a aussi une véritable philosophie du pessimisme : Schopenhauer a ainsi théorisé un principe général de souffrance, constitutive de l’essence humaine. L’homme n’est pas fait pour aller bien, nous dit-il (ou pour le citer in extenso : « La vie n’est pas faite pour que nous soyons heureux mais pour que nous ne le soyons pas. »). Nous nous savons mortels, l’amour nous fait mal, les croyances nous déçoivent quand elles ne nous conduisent pas à l’erreur plus ou moins tragique, ce que nous créons avec passion détruit d’autres choses créées avec autant de passion etc. Mais, tout ça n’empêche pas, nous dit le philosophe, de pratiquer un optimisme pragmatique : après tout, rien n’interdit de se faire du bien en jardinant l’espoir et en agissant de façon à ce que ce que nous produisons se rapproche le plus possible de notre idéal.
Quand l’optimisme fait du bien…
Voilà que c’est intéressant, cette idée qu’il n’y a pas de mal à se faire du bien en jouant le jeu de l’optimisme. Ca ne laisse en tout cas indifférent le champ du développement personnel : diverses études ont en effet mis en évidence le fait que la capacité de résilience des individus est accrue par l’optimisme, que les personnes malades cultivant l’optimisme avaient de meilleures chances de guérison et même qu’en étant optimiste, on gagne en espérance de vie.
Mais pourquoi donc avoir confiance en l’avenir et en sa propre capacité à contribuer à rendre le monde meilleur fait donc tant de bien ? Plusieurs raisons sont invoquées : les « optimistes » ont davantage de liens sociaux (ils/elles s’engagent volontiers dans des collectifs et/ou des actions citoyennes), observent une meilleure hygiène de vie (il ne faudrait pas que leur grand dessein de changer le monde soit contrarié par les effets délétères sur leur santé de comportements quotidiens d’alimentation, de sédentarité ou d’addiction !), révèlent une meilleure estime de soi etc. En somme, entre enjeu de narcissisme et motivation pour la relation, l’optimisme favorise un certain sens du « care », en tant que soin de soi, soin des autres, soin de ses environnements.
Mais alors, le droit de « ne pas avoir la pêche », dans tout ça ?
Est-ce à dire que celles et ceux qui n’ont pas la patate tout le temps sont voué·e·s à se laisser aller et à entretenir de médiocres relations à leur entourage ? Que nenni, répondent les psys tandis que s’insurgent quelques essayistes irrité·e·s par « l’happycratie » qui voudrait que nous ne courrions qu’après le bien-être.
D’abord, il y a la maladie psychique – ponctuelle ou plus étendue sur la durée de vie –, qui indépendamment de la volonté de la personne, ne permet pas forcément d’accéder à l’optimisme. Et comme les optimistes veulent faire le bien, on ne saurait que trop les encourager à œuvrer aussi à l’inclusion des personnes qui ne vont pas bien.
Ensuite, avoir des « coups au moral », des baisses de confiance en soi parfois, une moindre capacité d’espérer en certaines situations est PARFAITEMENT normal ! Mieux encore, c’est ce qui va nous permettre, quand nous pourrons prendre du recul, de nourrir notre optimisme : on se souviendra de ces jours noirs où l’on avait envie de rien, où l’on ne trouvait plus le sens, où l’on était fatigué·e d’y croire, pour constater que finalement, ça a fini par s’arranger, ou à tout le moins cesser de faire mal. De quelle façon ? Peut-être par la grâce ou bien par le hasard, du fait du temps qui panse les plaies ou à la faveur de rencontres qui ont rendu du sel à la vie etc.
Peu importe d’où vient l’optimisme : ce qui compte, c’est qu’il nous fait du bien quand il est là et qu’on peut compter sur lui quand ça va moins bien pour nous accepter, nous rassurer et nous donner à voir les reflets du rayon de soleil derrière les nuages.
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE