Feedback is a gift ! Avoir un retour sur son travail, c’est fondamental pour se sentir reconnu·e et pour progresser. Mais dans des cultures qui regardent encore trop souvent la « critique » comme une mise en cause, voire un jugement, il n’est pas toujours facile d’apporter du feedback sans craindre de vexer, d’insécuriser voire de désengager. La rédaction du webmagazine EVE partage avec vous quelques bonnes pratiques pour dédramatiser la critique constructive et en faire le levier d’une relation manager/collaborateur enrichissante pour les deux parties.
Co-construisez le cadre du feedback
Vos collaborateurs et collaboratrices ont pour la plupart été élevé·e·s dans la culture du stylo rouge : celui qui souligne les fautes d’orthographe dans les dictées, les erreurs de calcul dans les devoirs de maths, trace de rageurs points d’exclamation en marge des dissertations et sanctionne une note que papa-maman scrutent pour décider de verser ou non l’argent de poche ! Certes, nous sommes devenu·e·s des adultes, mais il ne faut pas négliger le fait qu’être « corrigé·e » par le prof est un motif d’anxiété qui se transpose volontiers dans la relation managériale.
Il va donc vous falloir casser le schéma feedback-(in)validation-estime de soi-reconnaissance des autres. En commençant par mettre en place des règles du jeu lisibles et équitables avec votre équipe :
- Sur les intentions: ça vous parait une évidence, mais ça va toujours mieux en le disant, quand vous faites une critique, ce n’est pas pour « casser », mais pour faire progresser.
- Sur la méthode: exposez clairement votre façon de faire (bilatérales régulières ou contextuelles, annotations sur les livrables, points d’étape…), codifiez les clés de lecture de vos retours (en expliquant notamment comment vous indiquez la différence entre ce qui est urgent de ce qui est important, en précisant de quelle façon vous exprimez concrètement vos retours), processez le feedback (dans quels délais vous le donnez ? Dans quels délais vous attendez qu’on vous revienne ensuite ? Sous quelle forme ? etc.)
- Sur les impacts: inspirez confiance à vos équipes pour que ses membres puissent exprimer leurs incompréhensions sur vos remarques et/ou leurs émotions quand vous leur donnez du feedback ; faites savoir comment vous comptez récompenser les efforts fournis.
Acceptez de vous faire challenger : vos façons de faire ne conviennent pas forcément à tout le monde ou ne sont pas nécessairement les plus efficaces. Soyez à l’écoute des suggestions de vos collaborateurs et collaboratrices pour améliorer votre posture managériale et vos méthodes pour donner du feedback.
Saluez les points forts
Nous sommes plus habitué·e·s à voir ce qui ne va pas que ce qui va ! Changeons de mindset : commencez par remercier pour le travail effectué, identifier les motifs de satisfaction, saluer les efforts fournis, noter les points particulièrement qualitatifs. Les félicitations activent le système de récompense du cerveau, ce qui contribue à la motivation pour apprendre et mieux faire. Les encouragements renforcent l’estime de soi et le sentiment d’être capable, clé de la confiance en soi. C’est aussi le niveau de confiance dans la relation manager/managée·e qui augmente avec les signes de satisfaction et de reconnaissance : les collaborateurs et collaboratrices sont plus engagé·e·s quand elles/ils comprennent bien les attendus et connaissent précisément leurs points forts sur lesquels capitaliser pour progresser.
Adressez les points d’effort avec une authentique bienveillance
Il est plus délicat d’adresser ce qui ne va pas : la personne qui a travaillé peut se sentir mise en cause dans ses compétences, voire contestée dans sa valeur professionnelle quand elle reçoit des commentaires « négatifs ». Elle peut alors être tentée, selon son tempérament, d’adopter une posture défensive (« Ce n’est pas ma faute, je n’ai pas eu les bonnes conditions pour faire bien »), offensive (« Si j’avais été mieux briefé·e et managé·e, aussi… »), passive (entend sans réagir, comme attendant que le « supplice » de la critique se termine), victimaire (« J’ai l’impression que quand ça vient de moi, de toute façon, ça ne va jamais »… et d’aller raconter ses malheurs avec son/sa manager à ses collègues « sauveurs » – dans le schéma du triangle dramatique de Karpman – dès la prochaine pause-café), défaitiste (« Je n’arriverai à rien sur cette mission… ») etc.
Alors, donner du feedback sur les points d’effort, c’est tout un art qui repose sur des soft-skills fondamentales : l’intelligence émotionnelle, l’écologie relationnelle, la communication non-violente et surtout la bienveillance authentique. Il ne suffit pas d’affirmer que votre feedback a pour intention d’aider à progresser, il faut que le message passe… Soyez à l’écoute des réactions de votre collaborateur/collaboratrice quand vous lui indiquez ce qu’il/elle a doit améliorer dans ses méthodes, ses pratiques, sa posture, ses livrables : demandez à la personne ce qu’elle ressent, comment elle reçoit ces retours, ce qu’elle souhaiterait ajouter à l’échange…
Co-élaborez des axes de progression lisibles et atteignables
Le premier acteur de la progression de votre collaborateur/collaboratrice c’est lui/elle-même. Invitez-le/la à exprimer ce dont il/elle aurait besoin pour s’améliorer. Donnez la priorité à son analyse des faits : selon lui/elle, qu’est-ce qui explique qu’il/elle a été particulièrement bon·ne sur certains points et moins performant·e sur d’autres ? Questionnez la personne sur ses besoins : qu’est-ce qui pourrait l’aider pour progresser ? Attention, ce n’est pas un cahier de doléances et toutes ses demandes n’appellent pas forcément une réponse positive sans réserve ni nuance. Mais c’est la base de l’élaboration conjointe d’un plan de progression, fixant des objectifs (et leur mode d’évaluation) ainsi que des moyens pour les atteindre.
Dans la fixation de ces objectifs, soyez particulièrement vigilant·e à la « zone proximale de développement ». Cette notion, issue des sciences didactiques, met en évidence le juste équilibre à trouver entre un objectif « challengeant » et une exigence trop élevée qui risque de décourager. Votre collaborateur/collaboratrice peut d’ailleurs être celui/celle qui vise d’emblée trop haut la barre à atteindre : votre job, c’est de l’aider à identifier les étapes à franchir pour se dépasser dans de bonnes conditions. Monter une marche, prendre ses marques, installer une zone de confort et ensuite, seulement, regarder vers le palier suivant.
Valorisez la montée en compétences
Feedback is a gift… Sur le moment mais aussi dans la durée. Il est important, pour entretenir une bonne dynamique motivations intrinsèques/motivations extrinsèques (selon le modèle de Marie Jahoda) chez vos collaborateurs/collaboratrices de faire du feedback un véritable levier d’engagement durable en récompensant la montée en compétences.
A l’occasion de l’entretien annuel ou lors d’autres points d’étape (on ne peut d’ailleurs que recommander de faire des bilans plus souvent qu’une fois par an), saluez les résultats obtenus grâce à la qualité de la relation managériale et à la prise en compte des éléments de feedbacks. Et apportez des gratifications en conséquence : ce peut être une augmentation ou une prime, une proposition d’évolution, de nouvelles responsabilités confiées…
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE