Le documentaire The mask you live in (Le masque dans lequel vous habitez), sorti en 2015 et disponible dans le catalogue Netflix, dessine un complexe portrait de la masculinité aux États-Unis. La réalisatrice Jennifer Siebel Newsom – qui avait déjà signé Miss Representation, sur le biais sexiste dans les médias – analyse cette notion censée être l’« essence » même de ce qui constitue un homme pour trouver ses origines et pour faire émerger des pistes menant à une analyse de l’identité masculine capable de voir toutes ses complexités au-delà des caricatures et des stéréotypes.
Le film donne la parole à des profils variés – de l’Américain blanc joueur de football à un l’homosexuel d’origine asiatique, en passant par des groupes d’étudiants de plusieurs âges et un garçon dont le père a été déporté au Mexique – dans le but de proposer une analyse prenant en compte le milieu social, la relation avec les parents et l’influence des différents environnements, comme l’école, l’université, la télévision et les jeux-vidéos. Pour éclairer les témoignages, la réalisatrice s’appuie sur les propos de plusieurs spécialistes : un sociologue, une psychologue, une neuroscientifique, etc.
The mask you live in est innovant dans sa proposition d’une réflexion sur la construction de la masculinité et sur les injonctions sociales auxquelles les garçons doivent faire face dans leur développement pour prouver sans cesse qu’ils sont « des vrais hommes ». Le film montre comment certaines activités sont érigées en tant que signes de réussite masculine, comme le sport, la carrière, l’accès aux postes de pouvoir… Tandis que l’écoute des émotions et le soin des relations humaines sont perçus comme des éléments appartenant plutôt au domaine « des filles ».
Partant de son expérience d’analyse de la représentation médiatique des femmes, Jennifer Siebel Newsom, avec l’aide de la politologue Caroline Heldman, propose quatre archétypes masculins de l’imaginaire populaire américain : l’homme « stable et silencieux », qui n’exprime pas ses émotions ; le « super-héros », qui doit être violent pour assurer le contrôle de son pouvoir ; le « voyou », souvent interprété dans les films par un acteur noir et l’« adulte-enfant », qui se met souvent en danger et qui a des comportements inappropriés avec les femmes.
Malgré certains raccourcis discutables — comme celui qui attribue aux jeux vidéo les raisons de de la violence aux États-Unis, sans pour autant questionner les politiques et la culture de l’accès aux armes dans le pays — ce documentaire propose une réflexion sur un sujet encore trop tabou et des pistes pour une meilleure formation des jeunes garçons.
Pour prolonger la réflexion et la discussion sur la question des masculinités, n’hésitez pas à vous référer à quelques-uns de nos articles sur la thématique : l’interview d’Olivia Gazalé, auteure de Le mythe de la virilité — Un piège pour les deux sexes ; nos articles sur les pionniers de l’engagement des hommes, Condorcet et John Stuart Mill ; notre rencontre avec Marie-Christine Mahéas, directrice de l’ouvrage Mixité, quand les hommes s’engagent — Explications, propositions, actions ou l’entretien avec Brigitte Grésy, co-auteure du rapport « Le poids des normes dites masculines sur la vie professionnelle et personnelle d’hommes du monde de l’entreprise ».