Jamais les sorcières n’ont autant fait parler d’elles. Après le succès de l’essai de Mona Chollet, Sorcières – La puissance invaincue des femmes, la sortie du roman de Stéphanie Janicot Le réveil des sorcières ou le phénomène VOD du spin-off des Aventures de Sabrina, voici… Les Sacrées Sorcières de Roald Dahl croquées par Pénélope Bagieu !
Paru en 1983 et ayant, de l’aveu de l’illustratrice, bercé son enfance, le roman culte raconte comment des sorcières à l’apparence de femmes parfaitement ordinaires, fomentent des plans machiavéliques pour terrifier les enfants (et même pire). Car elles les haïssent. Au plus profond d’elles-mêmes. Mais une grand-mère a décidé d’aider son petit-fils à les identifier et à prévenir leurs maléfices…
A la première lecture, c’est un conte cruel qui diabolise les sorcières. Sous le trait de crayon et les couleurs de Pénélope Bagieu, se révèle tout un sous-texte de l’ouvrage de Roald Dahl : depuis les fantasmes qu’inspirent les femmes qui n’ont pas d’enfant jusqu’aux super-pouvoirs insoupçonnés des femmes âgées en passant par les phénomènes de « chasse aux sorcières » qui légitiment toutes les persécutions. La touche Bagieu s’exprime aussi à travers quelques libertés prises avec le texte original pour adresser, tout en finesse, la thématique de la grossophobie, offrir aux fillettes des rôles modèles féminins ou bien caser un clin d’œil aux héroïnes de la série Les Culottées.
BD engagée ? Tout dépend de ce qu’on met derrière le mot « engagement ». Si on persiste à croire que l’expression d’un point de vue fort est d’office disqualifiant, on pourra lire les Sacrées sorcières de Pénélope Bagieu comme un roman graphique haut en couleurs sans même se rendre compte que l’autrice suggère des questionnements indispensables à l’époque. Car Pénélope Bagieu n’impose pas : elle amène, l’air de rien, son regard ironique et son imaginaire grinçant, au bénéfice du rire franc. Si, en revanche, on n’a pas peur de l’empowerment des femmes et de ce qu’il emporte d’urgence de déconstruire les mythes, on vivra l’expérience Sacrées sorcières comme une formidable réappropriation de la liberté par une femme… Et à travers elle, peut-être par toutes les femmes.
Reste qu’à coup sûr, on passera un moment joyeux dans les bulles pétulantes de Pénélope Bagieu.
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE.