Les lignes bougent en avril 2019 sur le front de l’égalité professionnelle, de la mixité et du leadership équilibré ! Face au constat d’inégalités toujours criantes, les femmes du monde entier semblent ne plus hésiter à suivre le conseil de Sheryl Sandberg en prenant ce mois « place à la table ». Découvrez sans plus tarder les 5 infos qu’il ne fallait rater !
Le chiffre du mois : entre 1990 et 2017, les femmes ne représentent que 5% des signataires des principaux accords de paix
Dans une interview accordée au Monde publiée le 5 avril 2019, Phumzile Mlambo-Ngcuka, la présidente d’ONU Femmes, a déploré qu’ «entre 1990 et 2017, les femmes ont représenté uniquement 2% des médiateurs, 8% des négociateurs et 5% des signataires des principaux accords de paix », en ajoutant que « les preuves montrent pourtant que les femmes sont celles qui permettent une paix durable ». Les travaux statistiques de la chercheuse Laurel Stone, mis en avant dans un rapport 2015 de l’Institut international pour la paix démontrent en effet l’impact significativement positif de l’inclusion des femmes dans les processus de négociation de la paix : ayant mesuré la présence des femmes en tant que négociatrices, médiateures, témoins et signataires de 182 accords de paix entre 1989 et 2011, il est ressorti que lorsque les femmes sont présentes à la signature, les accords sont 20% plus susceptibles de durer au moins 2 ans. Un constat qui semble avoir été entendu du côté des talibans afghans, qui annonçaient pour la première fois via leur porte-parole principal, Zabihullah Mujahid, que des femmes intégreraient leur délégation en vue de la rencontre prévue avec les représentant·e·s du gouvernement afghan à Doha du 19 au 21 avril. Raté pour ce mois, la négociation destinée à mettre un terme à 17 ans de conflit afghan ayant été reportée en raison d’un désaccord sur les effectifs de chaque délégation.
L’élection du mois : avec Lori Lightfoot, Chicago est désormais dirigée par une femme !
Un vent de changement souffle sur la mairie de Chicago : le 2 avril 2019, Lori Lightfood est élue à la tête de la ville. Remportant près de 74% des voix, la procureure fédérale issue du parti démocrate bouscule en effet les traditions à de nombreux égards, cumulant les « premières » : première femme noire et première maire LGBT+ à diriger la troisième plus grande ville des États-Unis. Elle n’est aussi que la deuxième femme à occuper le prestigieux poste de « Mayor of Chicago », après Jane Byrne en 1979. Les Américaines semblent ainsi bien déterminées à prendre place sur l’échiquier politique du pays : à un an des élections présidentielles, les élues et les candidates n’ont jamais été aussi nombreuses… Mais elles ne sont pas les seules ! Alors que les Françaises célèbrent ce mois le 75e anniversaire de l’ordonnance qui leur accordait enfin le droit de vote, en Inde, trois femmes politiques influentes font face à l’actuel premier ministre Narendra Modi dans le cadre des élections législatives. En Turquie, les élections municipales ont se sont soldées par l’émergence de 37 mairesses dont 24 représentantes du Parti démocratique des peuples (HDP) qui avait soumis une liste totalement paritaire face à celle de l’AKP (le parti du président Erdoğan qui ne comptait que 1,25% de femmes). Des avancées notables qui ne doivent pas occulter la réalité de la sous-représentation de la représentation féminine en politique dans le monde.
Le manifeste du mois : F.E.M.M, ou l’appel des 1 200 pour une révolution égalitaire dans l’industrie musicale française
F.E.M.M. : tel est l’acronyme auquel souscrivent plus de 1 200 professionnelles de l’industrie musicale française dans un manifeste publié le 16 avril 2019 dans les colonnes de Télérama pour signifier leur ras-le-bol du sexisme ambiant régnant dans le milieu. Parmi elles, des célébrités : Zazie, le duo des Brigitte, Camélia Jordana, Élodie Fregé ou encore Chris(tine and the Queens), et une grande diversité de métiers représenté, allant des artistes au techniciennes, productrices, éditrices, attachées de presse… qui ont toutes en commun d’avoir vécu de près ou de loin « les propos misogynes, les comportements déplacés récurrents, les agressions sexuelles qui atteignent en toute impunité la dignité des femmes ». Quelques jours plus tôt, c’est l’industrie médiatique qui faisait parler d’elle à l’occasion des premiers États généraux des femmes journalistes, organisés par le collectif Prenons la une le 13 avril à Paris, rassemblant 350 journalistes soucieuses de changer la donne. Au-delà du problème grave des violences faites aux femmes – selon l’enquête #EntenduALaRédac, 67% des répondantes déclarent avoir été victimes de propos sexistes et 13% d’agressions sexuelles – c’est aussi la question de la représentation qui est en jeu : d’après les chiffres 2019 de l’Observatoire de la parité dans la presse, en 2018 seulement 15,3% des 1 000 personnalités les plus visibles dans la presse françaises sont des femmes… soit la plus faible représentation féminine de ces 5 dernières années.
Le sommet du mois : à Abidjan, un premier sommet ouest-africain sur le financement de l’entrepreneuriat féminin
Le 17 avril 2019 se tenait à Abidjan le premier sommet régional ouest-africain WeFi (pour Women Entrepreneurs Financial Initiative) sur le financement de l’entrepreneuriat des femmes piloté par plusieurs banques multilatérales dont la Banque mondiale et 14 pays contributeurs dont les États-Unis, représentés par Ivanka Trump. L’occasion pour cette dernière d’annoncer la création d’un fonds de 2 millions de dollars destinés à financier 300 caisses d’épargne solidaires pour les Ivoiriennes travaillant dans le secteur du cacao, ce qui n’a pas empêché Arwa Mahdawi, éditorialiste du Guardian, de dénoncer amèrement la visite de la « sainte patronne des népotistes, des hyprocrites et des escrocs » dans un article intitulé « Hyprocrisy without borders ». Le continent africain n’est pas en reste pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin. Le 20 avril 2019, le groupe Crédit agricole du Maroc (GCAM) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) signaient à l’occasion du 14e Salon international de l’agriculture au Maroc la mise en place d’une ligne de crédit de 20 millions d’euros pour le financement des projets agricoles et ruraux portés par les femmes. La Tunisie, où les risques de chômage sont deux fois plus élevés pour les femmes que pour les hommes, accueille quant à elle le Forum mondial sur l’égalité des sexes du 24 au 26 avril 2019 en collaboration avec ONU Femmes et le PNUD ; ainsi qu’un symposium international de l’entrepreneuriat féminin qui se tiendra du 16 au 29 juin prochain sur le thème de « la révolution numérique et l’ESS au service de l’émergence féminine ».
L’entreprise du mois : Shark and Shrimp, la première entreprise égyptienne à régler le problème des règles douloureuses au travail
Les règles, c’est tabou ! Mais cela n’empêche pas certaines entreprises, comme l’agence de marketing digitale Shark and Shrimp, basée au Caire, de faire preuve de proactivité pour prendre des dispositions sur le sujet. C’est en effet la première entreprise du Moyen-Orient à proposer depuis le 1er avril (non, ce n’est pas une blague !) un congé menstruel à ses salariées. Coup de comm’ ou réelle volonté de se soucier de la santé de ses collaboratrices ? Toujours est-il que cette actualité ravive un débat mondial qui n’est toujours pas tranché. Souvenez-vous : il y a 5 ans, en mai 2014, l’essayiste américaine jetait un pavé dans la mare avec son article « Should paid menstrual leave be a thing » paru dans The Atlantic. Difficile de se positionner, entre les « pro » désireux·ses de s’attaquer au déni des soucis de santé féminins et les « anti » qui craignent la stigmatisation et les stéréotypes sexistes. En d’autres termes : faut-il promouvoir l’équité (en s’adaptant aux conditions de chacun·e) ou bien l’égalité (en traitant hommes et femmes à la même enseigne) ? Le congé menstruel procèderait-il plus d’une discrimination positive ou d’un rétablissement de l’égalité des chances ? En attendant l’issue du débat, rappelons que la première loi « congés menstruel » fut instaurée en 1947 au Japon, qui fait office de précurseur en la matière (bien que seules 0,09% des Japonaises en bénéficient en 2016 d’après le Zenrôren, principal syndicat national). Alors que de telles législations existent aussi en Indonésie, en Zambie, en Corée du Sud ou encore aux Philippines, d’autres pays ont récemment étudié des propositions allant dans ce sens, comme l’Italie en 2017 et l’Inde en 2018. Un non-sujet en France ? Pas vraiment : un sondage de YouGov pour Le HuffPost publié en mars 2019 pointe que 62% des Français·e·s pensent que les règles peuvent entraver le travail des femmes tandis que 48% se disent favorables à l’instauration d’un congé menstruel… Une mesure particulièrement plébiscitée par les 18-24 ans qui sont 73% à se déclarer pour !
Valentine Poisson pour le webmagazine EVE