Nous entrons dans une ère où l’attention devient une qualité fondamentale. Peut-être LA qualité fondamentale du Leader ? Elle est le socle de la relation à l’autre, la base d’autres qualités essentielles comme l’empathie, la bienveillance ou la compassion. Si notre capital attentionnel est en danger, les neurosciences et les sciences contemplatives montrent que nous pouvons facilement développer cette précieuse ressource.
L’attention est un sujet vaste et mal connu qui renvoie d’abord à nos facultés cognitives : elle permet de rester concentré, de réagir plus vite en cas de changement d’environnement et de mieux mémoriser. Elle est au cœur des enjeux d’efficacité au travail, de qualité des relations sociales. Elle est au cœur du changement d’économie jusqu’à centrée jusqu’à présent sur le profit à court terme et la menace à une économie soucieuse des autres et des ressources de la planète (que j’appelle la Caring and Conscious Economics). Une économie du soin, de l’attention, de la conscience de notre interdépendance.
L’Attention : un capital en danger
On parle à juste de titre du réchauffement climatique, mais nettement moins du réchauffement neuronal qui ronge nos organisations. Or il y a urgence à agir, surtout dans les entreprises. Notre esprit est saturé, notre charge mentale n’a jamais été aussi élevée.
Saviez-vous que :
> L’information numérique double tous les 4 ans ! C’est un raz de marée informationnel,
Une infobésité qui mine les organisations. Ce Bombardement est hautement anxiogène : « vais-je réussir à traiter toute cette information d’ici ce soir ? ». La sur-information et la désinformation consument notre capital attentionnel. Plus elle est pléthorique plus notre attention s’appauvrit. Pire : les cadres passent 40% du temps à traiter l’information, vivant dans le futur immédiat angoissant. Avec deux conséquences directes de cette pollution informationnelle : elle freine le processus décisionnel : se rassurer en cherchant de l’info et recule la décision. Elle génère un coût, estimé par le cabinet américain Basex en 2010, à 900 Mds $ par an, correspondant au temps perdu à rechercher la bonne information dans la jungle des données.
> Nous sommes interrompus en moyenne toutes les 3 minutes. Or cette distraction mentale réclame du temps (jusqu’à 23 min) pour se reconcentrer sur sa tache. Elle baisse la qualité de notre travail, augmente le taux d’erreur peut entrainer une baisse de notre QI de 10 points ! Elle augmente notre niveau de stress par le sentiment d’être submergé et pressé par le temps.
> Nous consultons notre smartphone en moyenne 150 fois par jour. Cette ultra connectivité engendre un technostress. 22% des français seraient nomophobes, anxieux quand ils sont séparés de leur doudou digital. Si nous accordions plus d’attention et de compassion envers les autres qu’envers nos smartphones, le monde irait surement mieux…
> Nous sommes les champions du multitasking. Vous arrive-t-il de répondre à vos e-mails pendant une réunion, ou de lire un SMS pendant une conversation, ou bien de faire des recherches sur Internet tout en parlant au téléphone ? Banal, non ? Sauf que notre attention partielle continue (être sur plusieurs sujets sans jamais être totalement sur un sujet) impacte négativement nos ressources cognitives et augmente le risque d’erreur de 50% selon les chercheurs A. Sinan et B. Erik. Il nous faut retrouver des temps de pause, de l’oxygénation mentale et redécouvrir l’art de la lenteur !
> Notre esprit passe environ 47% de son temps à vagabonder de manière anxiogène (rumination, anticipation…) selon une célèbre recherche menée par Harvard University. Notre esprit peut être notre meilleur comme notre pire ennemi. Or une attention vagabonde peut altérer notre sentiment de bien être et notre performance. Il y a donc urgence à agir.
Le père de l’intelligence émotionnelle, Daniel Goleman, affirme que l’attention est la base de l’intelligence socio-émotionnelle et qu’elle devient une qualité essentielle du leader. A ce titre, le Dr Goleman a donné une conférence exceptionnelle à Lyon le 8 octobre dernier pour livrer ses dernières avancées scientifiques à l’occasion de Nuit de l’entreprise positive. Un esprit attentif, selon Goleman, est un esprit plus concentré, plus résilient et empathique. Il est le fondement de la conscience de soi, à la base du fameux modèle d’intelligence émotionnelle. Pour entrainer son cerveau, le psychologue américain recommande la pratique méditative.
La recherche que nous avons menée auprès de 400 personnes proposait un programme de leadership positif (entrainement mental, psychologie positive et exercices neuroscientifiques). Après seulement 10 semaines, les managers et leurs collaborateurs déclaraient que leur attention s’était sensiblement renforcée. Celle-ci a permis de développer significativement l’empathie et la compassion des managers, entrainant un plus grand sentiment de reconnaissance et de bien-être perçu par leurs collaborateurs. (cf graphique joint).
(Source : Institut Français du Leadership Positif, étude scientifique réalisée en 2017 auprès de 163 personnes)
Stewart Butterfield, le CEO de Slack a fait de l’attention et de l’empathie les qualités fondamentales de la culture de l’entreprise. Et va même jusqu’à prôner les comportements suivants : « Si une réunion mérite toute votre attention, honorez-la, si elle ne mérite pas toute votre attention, dites-le et quittez-la ! ». On ne peut être plus clair.
Yves LE BIHAN pour le webmagazine EVE
Institut Français du Leadership Positif. Découvrir les outils du leader positif: lire « Le Leader positif » (Editions Eyrolles) ou consulter le site: www.positiveleadership.fr