Le leadership n’a pas de genre. On le dit et le répète depuis des années, études à l’appui qui démontrent des performances au moins équivalentes des équipes placées sous la responsabilité d’une femme que sous celles d’un homme. Pourtant, les mentalités persistent à regarder les leaders féminines comme des « exceptions » et les hommes aux commandes comme des leaders « naturels ».
C’est en tout cas ce qu’indique une récente méta-analyse de l’University of Buffalo School of Management conduite par les doctorantes Katie Badura et Emily Grijalva ayant agrégé les résultats de 136 consultations portant sur un panel global de 19 000 sondé·e·s.
Des qualités stéréotypées attribuées aux femmes et hommes leaders
L’étude révèle pour commencer que 33% des personnes consulté·e·s estiment que le leadership d’une femme et celui d’un homme ne sont pas comparables. Les femmes sont trois fois moins perçues que les hommes comme possédant naturellement les qualités d’assertivité et d’autorité. Et les hommes sont dans de mêmes proportions moins associés aux qualités humaines et aux compétences relationnelles. L’essentialisme a encore de beaux jours devant lui !
Une plus grande confiance accordée au modèle « masculin » de leadership
Le process d’identification des leaders dans les organisations marque toujours une plus grande confiance accordée au modèle dit « masculin » de leadership, en témoigne le maigre taux de 26% de femmes que l’on positionne à des postes « executive ». Avec des variations selon les secteurs d’activité : plus le corps de métier est traditionnellement masculin, moins les femmes y ont leurs chances d’accéder à des postes à hautes responsabilités ; sans que cela n’empêche que l’on fasse davantage confiance aux hommes qu’aux femmes pour exercer le leadership dans des environnements plus féminisés. Le vitrage du plafond de verre est plus résistant dans l’industrie que dans les services, mais nulle part il n’a complètement éclaté.
Derrière le « gender gap », une vision du leadership inadaptée aux défis de notre temps
Les travaux de Badura et Grijalva nous apprennent encore que les perceptions du leadership ont très peu évolué au cours des cinquante dernières années. Et c’est motif à inquiétude : à notre ère de transformations accélérées de l’économie et de la société, il est préoccupant que les « soft skills » persistent à passer au second plan des attendus de la part d’un·e leader. Intelligence émotionnelle, esprit de coopération, empathie, agilité, humilité, flexibilité cognitive, écoute des signaux faibles ne sont pas la cerise sur le gâteau de la technicité, de l’ingénierie nécessaire à bâtir et piloter des process, de l’autorité et de la capacité à trancher, mais bien des ingrédients indispensables de la recette sophistiquée du leadership d’avenir.
Marie Donzel, pour le webmagazine EVE