Chaque mois, le webmagazine EVE vous propose une revue des grandes actualités sur les fronts de l’égalité, de la mixité et du leadership équilibré. Entre le bilan de la vague #MeToo et la reconnaissance des compétences de grandes femmes dans les champs politiques, économiques et scientifiques, voici ce qu’il ne fallait pas manquer en octobre 2018.
L’entreprise du mois : L’Oréal sacrée entreprise la plus paritaire d’Europe selon le classement Equileap
Seul classement intersectoriel international analysant les données publiées de plus de 3000 entreprises, le classement Equileap ambitionne de permettre aux investisseurs d’identifier les entreprises les plus exemplaires en matière de parité pour les aider à fonder leurs décisions en tenant compte de ce critère extra-financier. L’Oréal, qui avait reçu en 2017 le premier prix au niveau international, est cette année distingué en tête de la région européenne pour ses efforts en matière d’égalité femmes-hommes (et prend la seconde place du classement mondial, après General Motors).
Le chiffre du mois : 74% des indicateurs pour les ODD liés au genre ne sont pas mesurés dans la région Asie-Pacifique
L’égalité des sexes compte parmi les 17 objectifs du développement durable (ODD) fixés par l’ONU dans sa feuille de route pour l’horizon 2030. Dans un premier rapport faisant état de la situation de l’égalité F-H en lien avec ces ODD dans la région Asie-Pacifique, la Banque Asiatique du Développement et ONU Femmes n’identifient pas moins de 54 indicateurs sexo-spécifiques et 34 indicateurs transverses en lien avec les questions de genre. Seulement voilà : les auteur·e·s du rapport soulèvent que seulement 26% de ces 86 indicateurs sont évalués statistiquement dans au moins deux tiers des 57 pays de la région. Cela pose un réel problème méthodologique en matière de collecte et d’analyse statistique en vue d’établir un suivi pertinent de ces ODD. Par exemple, seuls 5 pays de la région (l’Arménie, le Cambodge, le Kirghizstan, le Népal et la Russie) recensent dans leurs enquêtes de santé des données sur le choix des femmes en matière de rapports sexuels, de contraception et de santé génésique. Les auteur·e·s du rapport appellent ainsi à l’action, afin de concentrer les efforts sur l’amélioration des statistiques genrées sur plusieurs plans, comme une ventilation genrée plus systématique des données statistiques produites ou le développement de nouvelles méthodologies, enquêtes et instrument de collectes pour combler les lacunes existantes et permettre une prise de décision plus efficace.
Le bilan du mois : un an après la déferlante #MeToo, quel impact pour la société ?
Un an après l’explosion du scandale de l’affaire Weinstein et du mouvement de libération des oreilles porté par l’hashtag #MeToo, le bilan s’avère mitigé. La militante Anne Zelensky voit plutôt d’un bon œil l’impact de cette déferlante en matière d’interpellation et de reconnaissance des violences faites aux femmes, dans le prolongement de la révolution sexuelle des années 1970. La consultante en Socio-Ethnographie Chris Blache pointe en revanche les « énormes résistances sociétales », notamment en France, l’amenant à déplorer que la parole des femmes est ici toujours mise en doute. Un constat partagé par Sandra Muller, la journaliste qui avait initié la version française de #MeToo, #Balancetonporc, qui déclare dans une interview : « pendant qu’en France, on s’écharpe et on culpabilise les victimes, aux États-Unis les têtes continuent de tomber ». L’effet de la grande déferlante semble ainsi contrastée selon les réalités culturelles des différentes pays, mais ne se borne heureusement pas aux États-Unis : ce mois-ci en Inde, le secrétaire d’État aux affaires étrangères Mobashar Jawed Akbar a été contraint de quitter ses fonctions après qu’une vingtaine de journaliste l’aient identifié comme l’auteur de harcèlements sexuels et d’attouchements.
Le prix du mois : Nadia Murad et Denis Mukwege reçoivent le Nobel de la paix pour leurs actions contre les violences sexuelles en conflits armés
Cette année, le Nobel de la Paix a été discerné à deux personnalités engagées en faveur des droits des femmes, plus particulièrement en contexte de conflits armés : le gynécologue congolais Denis Mukwege et la militante yézidie Nadia Murad. Après avoir été réduite au statut d’esclave sexuelle par Daesh, cette dernière est parvenue à s’échapper et porte aujourd’hui en tant qu’ambassadrice de l’ONU son combat pour la reconnaissance des crimes de guerre de l’organisation terroriste et la justice des victimes yézidies. Cette année, le fameux prix suédois, qui récompense traditionnellement plus volontiers les hommes – 5% de tou·te·s les lauréats sont des lauréates – aura été particulièrement diversifié. En effet, deux autres prix ont été décernés à des femmes lors de ce cru 2018 : l’Américaine Frances Arnold s’est vu remettre le Nobel de chimie et la Canadienne Donna Strickland celui de physique. Dans un entretien, la physicienne évoque la sous-représentation criante de la gente féminine dans ces récompenses mondialement reconnues, notamment dans les catégories scientifiques « dures » : elle est en effet la 3e femme à recevoir ce Nobel de physique. La seconde étant la Germano-américaine Maria Goeppert Mayer… il y a 55 ans de cela !
L’élection du mois : Sahle-Work Zewde, première présidente éthiopienne, ouvre la voie
Pour la première fois, les parlementaires éthiopien·ne·s ont désigné une femme à la présidence de leur nation en suivant les pas d’autres pays africains comme le Burundi, le Gabon, le Libéria ou la Guinée Bissau. La diplomate de carrière Sahle-Work Zewde devient ainsi la 4e cheffe de l’état éthiopien depuis l’adoption de la constitution de 1995 et la seule présidente actuelle du continent. Mais ce mois-ci, l’Afrique n’est pas en reste pour promouvoir l’accès des femmes à des postes clés en matière de gouvernance politique : notons ainsi l’élection de Soham El Wardini, première femme à la tête de la mairie de Dakar au Sénégal, et la constitution d’un gouvernement 100% paritaire au Rwanda.
La cheffe économiste du mois : Gita Gopinath, première cheffe économiste du FMI
Le 1er octobre 2018, l’Indo-américaine Gita Gopinath a été nommée par le Fonds Monétaire International au poste d’économiste en cheffe. Une grande première pour la célèbre institution internationale, qui suit les traces d’autres grandes organisations qui ont nommé des femmes à des postes clés : en avril 2018, la Banque mondiale désignait l’économiste américano-grecque Pinelopi Koujianou Goldberg au même poste, tout comme l’OCDE deux mois plus tard avec la Française Laurence Boone. Une trinité gagnante dont se réjouissent les défenseur·euse·s de l’égalité professionnelle, dans un milieu où les femmes économistes se font rares : en Europe, elles ne sont que 20% parmi les économistes confirmé·e·s, tandis qu’aux États-Unis, seules 15% des professeur·e·s d’économie à plein temps sont des femmes. Certain·e·s y voient un élément de reconnaissance fort, d’autant que cette dernière tend à manquer : le prix Nobel d’économie n’a par exemple été décerné qu’une seule fois à une femme depuis sa création en 1969, à l’Américaine Elinor Ostrom (qui n’était d’ailleurs pas économiste mais professeure de sciences politiques !).